Accueil > Parcours de soins > Dans les coulisses du projet Phoenix, un POC pour améliorer le partage de données de santé Dans les coulisses du projet Phoenix, un POC pour améliorer le partage de données de santé Lancé à l’initiative de Medicen en 2021, le projet Phoenix réunit le laboratoire Roche, l’Institut Pasteur et l’hôpital Foch autour d’un objectif : favoriser le développement de projets collaboratifs autour de la donnée. Alors que les 4 acteurs lancent en septembre un POC pour tester leur approche, ils ont confié à mind Health les coulisses de ce projet au long cours. Par Sandrine Cochard. Publié le 06 septembre 2022 à 23h32 - Mis à jour le 06 septembre 2022 à 14h46 Ressources Le projet Phoenix part d’un constat simple : si les données de santé existent, leur partage pose encore problème. “Les acteurs de l’écosystème pointaient leurs difficultés pour partager les données de santé, pour différentes raisons. Nous avons pensé qu’il serait intéressant de mettre différents acteurs autour de la table afin de confronter les points de vue et discuter de ces enjeux dans un contexte non contractuel”, explique Julie Baussand, cheffe de projets Innovation Santé du pôle de compétitivité Medicen et responsable du Medicen Initiatives for Health Data. Comprendre les enjeux du partage des données de santé L’hôpital Foch, l’Institut Pasteur et le laboratoire Roche embarquent au printemps 2021 dans ce projet piloté par Medicen et accompagné par le cabinet Veltys, également partie prenante du projet. “Nos différents profils ont été une force, reconnaît Pauline Touche, responsable adjointe de l’Unité Data de l’hôpital Foch. Nous avons des données différentes, structurées différemment, avec des organisations différentes au sein de nos établissements. Nous n’avons pas les mêmes échelles non plus. Malgré ces différences, nos problématiques convergeaient.” Le projet Phoenix cherche à standardiser les pratiques de production et de partage de données, pour favoriser leur valorisation et la mise en place de partenariats. Pour cela, des ateliers de travail mensuels ont été organisés depuis mai 2021 pour explorer tous les enjeux liés au partage des données : le consentement patient la qualité des données l’échange des données au-delà des frontières françaises le transfert de données l’acculturation des professionnels de santé la réutilisation des données leur valorisation “Tous les sujets sont importants, mais selon sa maturité, ses objectifs, ses équipes, ses moyens, on va les prioriser différemment. Notre méthodologie a été de prendre ces enjeux un par un. Pour certains enjeux spécifiques, nous avons organisé des ateliers thématiques avec des acteurs extérieurs, comme la Cnil sur le sujet de la protection des données par exemple”, explique Julie Baussand. Les DPO des trois établissements ont ainsi travaillé ensemble pour remonter les problèmes et créer un document de travail commun. “L’avancement du projet a souligné l’importance d’impliquer des profils précis, des expertises distinctes en fonction des ateliers, souligne Linda Nait-Kaoudjt, responsable des transferts technologiques et des partenariats industriels à l’Institut Pasteur. La direction juridique, le data management et la DSI ont participé à certains ateliers. Cette mobilisation est importante car si vous avez l’ambition de mettre en place ou de développer des projets data, la DSI, les data scientistes et les DPO jouent un rôle central. Un projet data est un projet transverse : lorsqu’on le met en place, il y a toute une équipe à fédérer.” Un POC de trois guichets lancés à l’automne Après sa phase itérative, le projet entre désormais dans sa phase d’expérimentation, avec le lancement d’un POC (Preuve de concept) cet automne qui s’articule autour de trois axes : la mise en place de guichets Fast Track au sein des trois structures. Chaque partenaire (Hôpital Foch, Institut Pasteur, Roche Pharma) a élaboré son propre guichet et défini ses propres indicateurs de performance (KPIs) un appel à projets sur des jeux de données définis. Chaque partenaire va mettre un jeu de données spécifique à la disposition des start-up et des porteurs de projet. Avec un test portant notamment sur un jeu de données synthétiques pour voir si cela permet d’accélérer les process vu qu’elles n’impliquent pas de patients. la publication d’un livre blanc recensant les bonnes pratiques dans le partage de données. “Dans le passé, la notion de partage des données était relativement confidentielle. Souvent, c’était les centres d’investigation qui venaient vers Roche pour réexploiter la base de données d’un essai clinique auquel ils avaient participé. Nous souhaitons maintenant communiquer davantage sur les jeux de données que l’on souhaite partager”, explique Camille Bachot, Medical Data Platform Lead chez Roche. En proposant des catalogues de données ciblées, Roche, l’Institut Pasteur et l’Hôpital Foch entendent ainsi leur offrir une meilleure visibilité et de nouvelles opportunités de recherche. “C’est très important car si on ne sait pas que des données existent, on ne peut pas les exploiter !” résume Camille Bachot. “Avec le projet Phoenix, Medicen s’est engagé pour soutenir l’écosystème des données de santé grâce à une initiative terrain innovante. Ces initiatives visant à rapprocher les acteurs pour partager une vision commune du partage des données de santé sont essentiels pour faire avancer la recherche médicale et les soins aux patients”, se réjouit Christian Deleuze, president de Medicen et du HeathCare Data Institute. Remettre les producteurs de données au centre Le projet Phoenix tend ainsi à remettre les producteurs de données de santé au centre du processus de partage, en les incitant à améliorer la qualité de leurs données (lire encadré) et à organiser leurs process. “Se structurer en interne va aussi permettre aux porteurs de projet de se structurer, avec une documentation qui les pousse à réfléchir leur projet plus en amont”, estime Julie Baussand. C’est aussi ce que l’hôpital Foch attend du POC : un test grandeur nature des nouveaux process mis en place depuis le début des ateliers. “Le projet a permis à l’équipe Data de l’hôpital Foch de se structurer, de mettre en place des templates de procédures qui sont maintenant en train d’être testées”, explique le Dr Perrine Créquit, pneumo-oncologue à l’hôpital Foch et responsable de l’unité Data. Côté Institut Pasteur, déjà structuré, l’objectif est d’optimiser l’existant pour entrer en phase de maturation et de développement. “Grâce à ce projet, nous sommes en phase d’accélération. Ce pilote va permettre de tester notre nouvelle feuille de route et mesurer comment nous avons gagné en efficience sur tout le parcours de mise en place d’un projet data, au niveau technique et sur les process de contractualisation”, se félicite Linda Nait-Kaoudjt. Évaluer la qualité des données Le cabinet Veltys a conçu un score d’évaluation de la qualité d’un jeu de données. Un outil qui s’adresse aussi bien aux clients qu’aux producteurs de données. “Au début d’un projet, il peut y avoir un dialogue de sourd entre le producteur de données et le porteur du projet qui souhaite vérifier la qualité des données, pointe Florimond Bourdeaux, associé du cabinet Veltys. Notre volonté, avec cet outil, est que chaque partenaire puisse afficher la qualité de ses données. L’ambition d’un standard de qualité des données pour tout l’écosystème est encore un doux rêve, mais il est important de se tester et d’avoir des discussions qui soient objectivées sur une base neutre.” Cet outil repose sur différents critères d’évaluation de la donnée : sa dimensionnalité les aspects réglementaires, les aspects économiques les aspects d’expertise scientifique associée au jeu de données La qualité est un enjeu-clé pour tous les acteurs. Roche entend ainsi en faire une véritable boussole stratégique. “En tant que client, il est important pour nous de bien évaluer, avant d’acheter, la qualité des BDD pour être certains que l’on va pouvoir les exploiter et en tirer des résultats concluants, souligne Camille Bachot, Medical Data Platform Lead chez Roche. Jusqu’à présent, nous travaillions beaucoup sur la confiance et la réputation des établissements. Je pense qu’à l’issue de ces ateliers, nous allons affiner nos process et travailler de manière plus objective sur l’évaluation de la qualité.” De son côté, le laboratoire Roche sera attentif au nombre de demandes reçues et au nombre de demandes aboutissant à une publication de résultats ou de réutilisation secondaire d’un jeu de données. “On a vraiment pour ambition de partager un maximum de données avec l’écosystème”, plaide Camille Bachot. “L’enjeu de cet appel à projet est d’attirer un grand nombre de porteurs de projets à venir solliciter ces guichets, afin d’avoir des KPIs pertinents qui permettent de dire où est la bonne pratique, avance Julie Baussand. Plus on pourra faire tourner ces guichets, plus on aura ces retours sur ce qui marche ou pas, et dans quels cas.” Avec l’espoir que l’écosystème s’approprie cette méthodologie et les bonnes pratiques mises en avant. “Ce projet vise aussi à montrer la nécessité des acteurs à parler ensemble dans un contexte de confiance, hors négociation. Nous souhaitons initier cette marche en remettant l’accent sur les producteurs de données de santé, en s’intéressant à ce qu’ils veulent faire avec leurs données, car on avait tendance à se concentrer sur la finalité et à oublier les producteurs de données de santé. On pointait du doigt les difficultés mais on oubliait de les accompagner”, défend encore Julie Baussand. Trois enseignements D’ores et déjà, de premiers enseignements ont été tirés par les participants. “Le premier est la mise en mouvement considérable de ces trois acteurs, dès le lancement du projet Phoenix. Cela montre que c’est possible et que c’est en faisant, ensemble, que l’on trouve des solutions. C’est un exemple intéressant pour tout l’écosystème”, note Florimond Bourdeaux. Deuxième enseignement selon lui : mieux se connaître permet de capitaliser sur l’existant. “Nous nous sommes rendus compte que beaucoup de choses étaient déjà faites au sein des structures. Le travail n’est donc pas tant de créer, même s’il y a une vision à porter, que de formaliser des choses qui existent. Sur l’offre de service par exemple, nous avons listé les types de services que chaque structure peut proposer si un porteur de projet se présente : mise à disposition de données, fourniture d’expertise médicale ou d’infrastructure IT… Cet exercice a été très révélateur du fait que chaque structure a déjà des choses à proposer. C’est important de le formaliser pour pouvoir y penser rapidement.” Enfin, l’heure semble propice. “Je ressens une vraie maturité de l’écosystème au partage des données. Tout est en place sauf des contraintes réglementaires et là aussi, je suis assez optimiste car lors des entretiens que nous avons eus avec la Cnil, elle a compris ce besoin d’avancer sur les questions de la réutilisation secondaire”, se félicite Camille Bachot. L’épineuse question de la valorisation des données Si la qualité des données est un enjeu clé pour tout projet impliquant du partage de données, la question de la valorisation est loin d’être tranchée. “Actuellement, les laboratoires et les établissements de santé ne sont pas alignés sur la valeur financière des données produites par ces derniers. Il y a certainement une valeur, mais elle n’est peut-être pas évaluée de la même façon de part et d’autre”, souligne Camille Bachot, Medical Data Platform Lead, qui confie avoir davantage de difficultés à travailler avec des structures dotées d’une cellule valorisation qu’avec des établissements plus petits ou moins structurés. “Nous sommes beaucoup challengés par les détenteurs de données qui, en contrepartie de l’accès à leurs données, veulent négocier de la propriété intellectuelle, des royalties ou des licences. Je comprends parfaitement le besoin de se financer des établissements, mais rien ne dit que l’industrie mettra au pot et que l’on pourra négocier des contrats compliqués avec des notions de partage de la propriété intellectuelle. Nous n’avons jamais fonctionné comme cela, donc je pense que nous ne travaillerons plus avec ces établissements, prévient le Medical Data Platform Lead de Roche. C’est dommage car ils se privent de financements.” Pour lui, le modèle de financiarisation des données pose question. “Est-ce que c’est pérenne ? Et du point de vue de l’industrie, est-ce que l’on va pouvoir continuer à financer un accès à des données à ce prix-là ?” s’interroge Camille Bachot, qui préfère le modèle, plus simple, de l’accès indirect à une BDD via le paiement d’un ticket forfaitaire. “La question de la valorisation est un sujet sur lequel tout le monde se cherche, confirme Julie Baussand. Elle est déjà compliquée sur une donnée avec un usage rôdé, mais les nouvelles technologies font que la question de la valorisation se repose tout le temps. En ce moment, ce sont les biomarqueurs mais demain, quand on parlera des jumeaux numériques, ce sera encore autre chose. Et cela va encore évoluer… Il est donc nécessaire de comprendre les points de vue de chacun, de reprendre la maîtrise de ses données, de ce qu’on va en faire et de leur possible valorisation. Sandrine Cochard base de donnéesDonnées cliniquesDonnées de santéDonnées synthétiquesParcours de soinsPublic/PrivéRecherchestart-up Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind