Accueil > Industrie > Comment les industriels dimensionnent leur stratégie d’open innovation Comment les industriels dimensionnent leur stratégie d’open innovation Incubateurs, accélérateurs de start-up, lab d’innovation, programmes d’accompagnement… les dispositifs pour collaborer avec les jeunes sociétés innovantes se développent dans de nombreux secteurs. La santé et plus particulièrement le numérique dans la santé n’échappe pas à cette tendance. Alors que les dispositifs portés par des acteurs publics ou les consortium public/privés se multiplient, les industriels créent également des dispositifs en propre. AstraZeneca, Boehringer Ingelheim, Orange Healthcare, Pfizer, Roche Pharma et Sanofi détaillent pour mind Health les stratégies adoptées. Par Aurélie Dureuil. Publié le 15 juillet 2019 à 18h22 - Mis à jour le 21 juillet 2022 à 11h50 Ressources Développer une offre en interne, poser les premiers jalons de futures collaborations, dimensionner son offre destinée aux start-up, acculturer les équipes en interne au digital et à l’agilité de ces jeunes entreprises ou encore participer à l’écosystème de l’innovation sur le numérique en santé, les objectifs affichés sont divers. Laboratoires pharmaceutiques et fournisseurs de technologies optent pour différents modèles pour accompagner leur stratégie d’innovation et les initiatives se multiplient ces dernières années. En 2016, Ipsen a lancé son Net Patient Accelerator. Remplacé depuis par Spinleap, structure pour s’ouvrir à la “disruption” de la santé. En 2017, la filiale française d’AstraZeneca a débuté son programme d’accompagnement de neuf start-up, nommé ReAliZe. Fin 2017, de son côté Sanofi France a inauguré son lab d’innovation 39Bis, rejoint par d’autres depuis début 2019. La tendance s’est poursuivie en 2018 et ses derniers mois, avec notamment la mise en place du Pfizer Healthcare Hub France entre fin 2018 et début 2019, l’accélérateur de Boehringer Ingelheim à Lyon ou encore le programme start-up d’Orange Healthcare et Matrice de Roche qui vient de présenter ses premiers résultats. Et d’autres préparent l’installation de structures. À l’exemple de Novartis qui implantera son 2e Biome en France ou Servier qui prévoit un espace pour un incubateur de start-up au sein de son futur institut de recherche. Chacun affiche ses objectifs ainsi que la forme adoptée. Des choix qui impliquent une façon de travailler avec les partenaires et start-up différente. Des durées et des nombres de sociétés différents En fonction des formats adoptés et des objectifs attendus, les industriels définissent le nombre de start-up accompagnées et la durée de l’accompagnement. Certains optent pour le temps long, comme AstraZeneca, qui a sélectionné neuf entreprises pour son programme de trois ans débuté à l’été 2018, et clôt actuellement l’appel à candidatures pour sa future deuxième promotion. D’autres privilégient des durées plus courtes. Ainsi, Orange Healthcare accompagne six start-up pour un an, tandis que le Pfizer Healthcare Hub France a sélectionné quatre sociétés hébergées pendant neuf mois au sein de l’incubateur. De son côté, Boehringer entend ouvrir les portes de son accélérateur à de nouvelles start-up tous les six mois, avec un objectif de six entreprises par an, sur une période de trois ans et avec pour chacune un accompagnement de six à douze mois, détaille Frédéric Dimur, directeur Open innovation qui coordonne le programme Synapse de Boehringer Ingelheim. Faire appel à des prestataires Isabelle Vitali, directeur Innovation & Business excellence de Sanofi France, estime que plus d’une centaine de personnes a participé au lancement, en décembre 2017, du lab d’innovation en santé digitale de Sanofi France, nommé 39Bis. Aujourd’hui, pour le faire vivre, une équipe de quatre collaborateurs aidée de deux ingénieurs en alternance est dédiée. “Nous ne voulons pas être trop nombreux. Nous avons une volonté d’ouverture et de collaborations avec les autres salariés de l’entreprise”, indique-t-elle. Avant de rappeler les trois piliers de la stratégie : disséminer en interne la culture digitale, apporter de nouvelles façons de travailler et accélérer le développement de solutions en santé digitale à forte valeur ajoutée, tant médicale qu’économique. Chez Orange Healthcare également, le programme a été défini en interne. L’équipe s’est néanmoins appuyée sur les compétences du groupe, comme le rappelle Emmanuelle Pierga, directrice de la communication et membre du comité de direction d’Orange Healthcare : “Pour le jury, nous avons impliqué le directeur général du technocentre d’Orange, ainsi qu’une personne en charge des affaires publiques et un dirigeant d’Enovacom”. D’autres ont préféré se faire accompagner à différentes étapes. Pfizer Innovation France s’est rapproché de l’Institut du cerveau et de la moëlle épinière (ICM) et de son incubateur iPEPS en tant qu’opérateur du programme. “Nous travaillons ensemble pour définir les sujets des workshops, la sélection des experts et l’accompagnement des start-up, mais au quotidien, c’est l’iPEPS qui est en contact avec les start-up et coordonne toutes les activités”, indique Olivia Bussod, responsable Alliances stratégiques qui pilote le programme. Un choix réalisé également par Boehringer Ingelheim qui collabore avec 1Kubator à Lyon. “Un point fondamental pour nous : il faut que les start-up aient un bénéfice en sortant du programme. Or, ce n’est pas notre monde. Ce sont des entreprises jeunes qui ont besoin de support. Nous mettons en place un programme de mentorat et s’il y a encore des trous dans la raquette, 1Kubator vient les compléter. Ça peut être pour revoir un business plan, un accompagnement à une levée de fonds…”, signale Frédéric Dimur. De son côté, Roche Pharma France travaille avec l’École 42 pour son programme Matrice. Anne Philippot, directrice expérience client, digital et innovation Roche explique : “Il y a un an et demi, un collaborateur m’a parlé de Matrice – nous avions déjà travaillé avec l’École 42 -, de sa structure inédite, d’un programme qui s’appuie sur une immersion et un collège multidisciplinaire. Le projet a été présenté en interne. (…) La mécanique d’immersion nous a séduits. Le programme a permis d’inventer des choses auxquelles nous n’aurions pas pensé”. Tandis qu’AstraZeneca a fait appel à des partenaires à plusieurs niveaux du programme. La filiale française du laboratoire anglo-suédois s’est appuyée sur la société Interfaces pour la mise en place de l’initiative et une partie de l’accompagnement des start-up de sa première promotion. Elle s’est tournée vers Numa pour la deuxième promotion dont l’appel à candidatures s’est terminé le 15 juillet 2019. Pour la première promotion, AstraZeneca a également fait appel à HEC pour faire bénéficier deux membres de chaque start-up d’une formation “business” d’une semaine, détaille Caroline Moulié, chef de projet pour le programme. Enfin, pour le choix des entreprises, le laboratoire a constitué un jury composé exclusivement de personnalités extérieures à l’entreprise. Sélectionner les start-up La sélection des start-up passe généralement par une phase d’appel à candidatures, puis de pitch. Chez AstraZeneca par exemple, un site internet dédié a été mis en place, puis les équipes ont communiqué auprès de “l’écosystème de l’innovation en santé, à savoir les pôles de compétitivité, les structures d’incubation en santé, des structures spécialisées en oncologie comme les oncopôles… Nous avons également demandé un relais dans les écoles d’ingénieur et de commerce ainsi qu’au réseau académique de transfert de technologie et signalé l’appel à candidatures aux sociétés de venture capital”, rappelle Céline Cortot, responsable communication scientifique pour l’oncologie. Pour sa première promotion, 23 candidatures ont été reçues et 14 sélectionnées pour pitcher devant le jury. Chez Pfizer, 32 dossiers ont été reçus et 11 entreprises ont pitché devant un comité de sélection composé de 27 membres issus de Pfizer, de l’ICM ou de l’écosystème healthtech ainsi qu’un patient expert, note Olivia Bussod. Avant d’ajouter : “Nous avons cherché des profils différents tant en termes de fonction dans l’entreprise que d’aire thérapeutique”. Chez Orange Healthcare, 10 dossiers ont été retenus parmi les 69 candidatures pour la session de pitch. “Nous avons tous été agréablement surpris par le niveau de qualité des pitch. Nous avons de très bonnes idées, de très bons profils en France pour développer un business alternatif et de la production de valeur dans le domaine de la e-santé”, se félicite Icham Sefion, directeur de l’innovation d’Orange Healthcare. Mettre en avant la proposition pour les start-up Et parmi toutes ces start-up candidates, certaines postulent à plusieurs programmes. Charge alors aux entreprises de les attirer, comme le constate Icham Sefion : “ces différentes start-up profitent des programmes de tout le monde. Elles sont vraiment à la recherche de différents types de financement, d’accompagnement. C’est alors alors à celui qui offre le plus”. Frédéric Dimur de Boehringer Ingelheim renchérit : “L’environnement des start-up va bien au-delà de ce à quoi je m’attendais. Ils ont énormément de sollicitations entre les incubateurs, les accélérateurs, les appels à projets des metropoles… Ils doivent faire un choix qui est très important pour eux”. Les entreprises affûtent donc leurs arguments. Pour Pfizer, il s’agit “d’accompagner les start-up dans leur phase de développement pour leur permettre d’accélérer leur accès au marché ou à de nouveaux marchés”, en s’appuyant sur l’expertise de l’incubateur iPEPS ainsi que sur des mentors internes et la mise en réseau avec des experts internes et externes. Même positionnement pour AstraZeneca et Boehringer Ingelheim. Même si chacun ne cache pas l’ambition de pouvoir contractualiser avec les start-up si l’occasion se présente. Olivia Bussod de Pfizer indique que “le but est de soutenir des innovations au service des patients”. Fin 2018, elle citait néanmoins, les avancées du programme Healthcare Hub dans les autres pays avec notamment un accord de commercialisation entre la filiale allemande et Cortrium. De son côté, Caroline Moulié d’AstraZeneca souligne également : “nous cherchons comment développer nos compétences mutuelles, favoriser les échanges et développer les compétences entre les entreprises elles-mêmes. Et s’il en résulte une collaboration entre la start-up et AstraZeneca, nous l’accueillerons de manière extrêmement favorable. Mais ce n’est pas une obligation pour les start-up”. Chez Boehringer Ingelheim, Frédéric Dimur n’exclut aucune option de partenariat, prise de participation… “À la fin des trois ans, si nous avons un ou deux contrats commerciaux sur les douze start-up, j’estime que nous aurons réussi cet objectif du programme”, précise-t-il. Du côté d’Orange Healthcare, la proposition diffère. L’offre pour les start-up comporte de la visibilité avec notamment une présence sur les stands de l’industriel au salon Vivatechnology en mai 2019 pour une partie d’entre elles et de la Paris Healthcare Week pour les autres. “Nous allons également développer des vidéos, des articles et nous avons d’autres manifestations en préparation”, confie Emmanuelle Pierga. En outre, les jeunes sociétés devraient bénéficier d’offres “très attractives d’interopérabilité avec Enovacom et d’hébergement de données de santé” avec Orange Healthcare qui est hébergeur certifié. “Nous leur proposons d’adapter nos offres à leur besoins”, note la directrice de la communication. Différents moyen d’impliquer les collaborateurs Un autre point commun à tous ces programmes réside dans la volonté de faire participer les collaborateurs. Au 39Bis, Sanofi France propose des conférences hebdomadaires et des learning expeditions. “Chaque mois, la programmation est faite par le lab manager, sur la base d’un thème fil rouge. En juin par exemple, c’est la data et l’intelligence artificielle”, indique Isabelle Vitali. Les intervenants des conférences et ateliers peuvent être des collaborateurs de Sanofi ou des acteurs externes. 500 à 600 personnes viennent chaque mois au lab pour l’une ou l’autre des activités. Avec un objectif de trois par an, les learning expeditions sont ouvertes à tous sur inscription car elles accueillent chacune dix à vingt participants. Le groupe français a également créé une communauté sur le digital au sein de son réseau social Yammer et y recense en moyenne 800 membres, indique Isabelle Vitali. Pour les entreprises accompagnant des start-up, plusieurs ont mis en place du mentorat. C’est le cas notamment d’AstraZeneca. Le laboratoire a sélectionné ses neuf mentors ou parrains en interne via un tirage au sort après un appel à “candidatures motivées”. “Il faut un certain niveau de séniorité ou d’ancienneté dans l’entreprise, et des personnes faisant preuve d’une grande motivation”, rappelle Caroline Moulié. Parmi les mentors, elle cite une personne de la finance, des chefs de produits, un médecin chef de projet, une responsable du diagnostic… Pour la nouvelle saison, il est prévu de demander “une vidéo sur pourquoi ils veulent être parrains d’une start-up”. Pour encadrer la relation, s’il n’y a pas de contrat spécifique pour les collaborateurs, le laboratoire a écrit et remis à chacun des mentors une charte. Chez Boehringer Ingelheim, Frédéric Dimur distingue deux types de mentoring : “nous avons passé un appel à candidatures spontanées auprès des employés qui voulaient mettre à disposition leurs expertises… Puis pour la partie dédiée à l’accélération, nous avons cherché des mentors qui prennent du temps sur leur job traditionnel pour travailler avec les start-up et aller jusqu’à la réalisation complète. Il faut un minimum d’implication”. Dans le cadre de son programme Synapse, le laboratoire allemand a également lancé un challenge d’innovation interne. Cela lui a permis de recueillir plus de 2 000 contributions et 94 idées concernant la transformation digitale, se félicite le directeur. A travers un système de sélection participatif, trois idées ont été retenues et les collaborateurs portant ces projets pourront bénéficier d’un accompagnement d’1Kubator pour les développer pendant six mois à temps plein. Des ROI difficiles à connaître Si chacun se montre très positif pour les programmes mis en place, difficile de connaître les détails des investissements et encore plus les retours sur investissement. “Les chiffres sont très difficiles à évaluer. Il s’agit d’investissement humain de l’équipe innovation, de l’équipe communication… Puis nous avons d’autres vecteurs comme le fait de proposer une offre d’hébergement à prix cassés. Nous investissons de l’argent dans le fait de proposer cette solution. En termes de ROI, nous comptons sur un cercle d’apprentissage afin de pouvoir proposer une offre adaptée à ce marché dans les mois à venir”, indique Icham Sefion d’Orange Healthcare. Du côté des laboratoires, les montants investis restent également confidentiels. Chacun mentionnant le temps humain. Certains y ajoutant les montants des partenariats comme Pfizer avec iPEPS, AstraZeneca avec Interface et HEC ou Boehringer Ingelheim avec 1Kubator. Et pour les ROI, la discrétion est également de mise. Il reste donc à guetter les futures collaborations issues de ces programmes… Accédez à notre base de données des structures d’open innovation des industriels : Aurélie Dureuil InnovationLaboratoiresstart-upStratégie Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Quatre start-up sélectionnées par Pfizer pour son Healthcare hub français Confidentiels L'ICM agrandit son incubateur Olivia Bussod (Pfizer) : "Nous regarderons si le Healthcare Hub peut donner lieu à des partenariats" Pour son Pfizer Healthcare Hub en France, le laboratoire choisit l'ICM et Station F Quatre piliers pour la stratégie digitale de Sanofi Neurologie : Un DM israélien contre la migraine obtient le marquage CE Boehringer Ingelheim sélectionne sa deuxième promotion de start-up Boehringer Ingelheim se dote d'un accélérateur autour de la santé digitale en France