Accueil > Industrie > Start-up de la e-santé : plus de 500 M€ levés en 2019, en France Start-up de la e-santé : plus de 500 M€ levés en 2019, en France En 2019, plusieurs grosses levées de fonds ont été réalisées, sur un secteur aux contours encore mal définis. L’écosystème se structure, porté par la réussite de jeunes sociétés. Les investisseurs, qu’ils soient issus du monde de la santé ou du digital, se montrent optimistes quant au potentiel du marché. Par La rédaction. Publié le 09 janvier 2020 à 18h36 - Mis à jour le 19 septembre 2022 à 18h28 Ressources Les fonds levés par les start-up françaises de la e-santé ont enregistré une progression spectaculaire en 2019 : selon nos estimations, leur montant a dépassé les 515 M€, contre 230 M€ en 2018. Les sommes rassemblées lors des tours de table sont aussi en hausse, avec six sociétés dépassant le seuil de 30 M€ : Doctolib, Bioserenity, Dental Monitoring, Alan, Hoppen, Diabeloop. Quatre jeunes pousses se situent par ailleurs dans une fourchette comprise entre 10 et 20 M€ : Lifen, Care, Owkin et Visible Patient (voir graphe). Au global, ces dix sociétés représentent près de 83 % des levées sur l’année. Ces montants sont toutefois à comparer avec ceux investis globalement dans les start-up de la French Tech, qui ont atteint 2,8 Mds € au 1er semestre 2019 (+43 % versus 2018), selon le baromètre EY de l’investissement dans les entreprises innovantes en France. “Sur l’ensemble de l’année 2019, nous visons un cap de l’ordre de 5 Mds €, contre 3,6 Mds € l’année précédente”, estime Franck Sebag, associé chez EY. Les fonds investis en e-santé représenteraient donc environ 11 % des investissements dans les start-up de la French Tech. En outre, l’an dernier, notre bilan pointait la définition encore floue du marché de la e-santé, rendant difficile un chiffrage précis. Cette incertitude n’est pas levée. “La réussite de Doctolib est-elle une réussite de la e-santé ? C’est avant tout une disruption d’usage, avec la mise en relation et l’amélioration de la capacité à trouver son médecin”, pointe Franck Sebag. Un positionnement bien différent de sociétés confrontées à des sujets réglementaires, au développement plus long. Avec un total de 234 M€, la licorne Doctolib est la seule start-up à avoir atteint les séries D et E. De son côté, Owkin (29,7 M€ levés depuis 2016) s’est hissé dans ce classement sans avoir encore dépassé la série A. Bpifrance, un acteur majeur Bpifrance occupe une place importante sur les levées de fonds de la e-santé en France avec, en 2019, des entrées au capital de Bioserenity (Fonds PSIM), DNA Script (Fonds Large Venture), Doctolib (Large Venture), Incepto (Patient Autonome), Primaa (F3A). SeqOne et Synapse Medicine ont en outre fait l’objet d’un financement (subvention). Chahra Louafi, directrice du Fonds Patient Autonome, explique que “ces investissements s’effectuent toujours avec des partenaires, pour accompagner les sociétés sur la durée. Chaque fonds est prioritaire par rapport à une thèse d’investissement, qui dépend de la maturité des sociétés et du montant des tickets”. Elle identifie trois grands types d’innovation dans le domaine de la santé numérique : le digital, le parcours de soins, la santé pure. Chacun répondant à des logiques propres. Les premiers réclament une scalabilité rapide et mondiale et font appel à des co-investisseurs spécifiques du monde du digital. Les seconds nécessitent des changements en termes d’éducation et d’organisation, provoquant une certaine lenteur dans leur développement et sont plutôt tirés par des industriels. Enfin, les 3es reposent sur un modèle de remboursement et font appel à des investisseurs spécialisés en santé. Le marché est porteur mais peut s’avérer complexe, tant d’un point de vue technique que du fait de la nécessité de prendre en compte certains enjeux dès le départ, en particulier la protection des données de santé. Bpifrance entend équilibrer son portefeuille en investissant dans ces trois types d’innovations, sans prérequis, en sélectionnant les dossiers au sein d’un deal flow qui s’améliore. “Les investissements ont fait appel à plusieurs fonds en 2019, ce qui signifie que le marché a mûri : l’innovation est là et une dynamique commence à prendre”, indique Chahra Louafi. Des fonds orientés santé Côté investisseurs, aucun grand fonds spécialisé en e-santé ne se dégage à ce jour en France : “la e-santé est une thèse d’investissement qui est à la croisée entre la tech et la santé”, explique Franck Sebag. Les fonds sont nombreux et affichent des positionnements variés. CapDecisif Management dispose, depuis 2001, en interne, de compétences dans le digital et la santé. Un tiers des quelque 1 000 dossiers reçus chaque année concerne la e-santé et un fonds spécifique, CapDecisif 4, doté de 50 M€, est en cours de constitution : il sera positionné en early stage et des partenaires du monde de la santé ont d’ores et déjà souscrit, dont Philips, L’Occitane, Vivalto et Harmonie Mutuelle, tous à même de comprendre les enjeux des dossiers et de devenir clients ou partenaires des start-up financées. En termes de stratégie d’investissement, Baudouin Hue, Partner, pointe trois éléments clés dans le choix des dossiers : l’équipe, le business model, la technologie. Le ticket d’entrée est compris entre 0,5 et 1,5 M€ et le montant total investi peut atteindre 5 à 7 M€ par projet. “Nous sommes plutôt des investisseurs de long terme et nous pouvons rester 5 à 7 ans dans une société”, ajoute-t-il. Le fonds a investi dans Implicity (lauréat du Health Data Hub) et Incepto en 2019 et insiste sur son rôle de mise en réseau : “nous mettons en contact les entrepreneurs avec tous les experts que nous avons qualifiés depuis 20 ans. L’idée est d’apporter la bonne compétence, au bon format, au bon moment, de manière pérenne ou ponctuelle, sur des thématiques réglementaire, commerciale, technologique”. Il pointe le faible nombre de fonds dotés de compétences en santé pouvant investir en e-santé en France, tout en soulignant le savoir-faire complémentaire des fonds spécialisés dans le digital, qui s’intéressent de plus en plus à ce secteur. D’autres fonds orientés tech “Nous sommes des acteurs de la Health Tech ou de la Digital Health et non des acteurs de l’investissement dans les sciences de la vie. La nuance est importante”, pointe d’entrée de jeu Jean-Marc Patouillaud, Founding Partner chez Partech, dont les fonds investissent dans la e-santé, via le digital. La montée en puissance de ces dossiers s’explique selon lui par la révolution technologique que connaît le monde de la santé, avec l’apparition de solutions innovantes permettant d’améliorer l’interface entre patients et médecins (outils de télémédecine), numériser les données médicales (pour les sauvegarder et les transmettre) ou encore repérer et identifier, grâce à l’IA, des signaux pour détecter une maladie. En 2019, Partech a investi en France dans Ambler, Lifen et Remedee Labs. Le fonds intervient à trois stades : amorçage (0,5 à 2 M€ par ticket), capital-risque (2 à 10 M€ par ticket) et capital-développement (10 à 40 M€ par ticket), en général avec des partenaires : “construire des syndicats permet d’accompagner la société dans la durée, y compris dans des périodes moins faciles, et dans un attelage qui soit le plus diversifié ou complémentaire possible”, précise le Partner. Ne venant pas du monde de la santé, juge-t-il ces dossiers complexes ? Pas particulièrement, même si la diversité des interlocuteurs (assistance publique, médecins, organismes gouvernementaux, assureurs…) a nécessité un effort au départ et une phase de découverte mutuelle. Autre cas de figure : celui de Kima Partners, qui entend soutenir l’écosystème des start-up en co-investissant dans deux dossiers par semaine, avec un ticket de 150 K€ à chaque fois, lors d’un tour unique. Le fonds, détenu à 100 % par Xavier Niel, a investi dans trois start-up de la e-santé en 2019, Ambler, Synapse Medecine et Urgence Docteurs, évitant les cycles de R&D longs et les sociétés trop pharma, qui sortent de son domaine de compétences. “À la base, nous savons investir dans le digital et dans les start-up numériques, donc il faut que cela se rapproche de notre monde”, explique Alexis Robert, Partner. Le nombre de dossiers en e-santé s’accroît chaque année car la maturité du secteur augmente : “le fait que des acteurs aient réussi dans ce domaine, comme Doctolib ou Lifen, encourage et montre que des modèles fonctionnent. Le secteur commence à avoir de l’expérience et il y a toute une connaissance qui se développe”. Les “best practices” peuvent être adaptées dans d’autres sociétés, contribuant à faire grossir les écosystèmes par étapes. Dans ce contexte, le fonds favorise les mises en relation entre entrepreneurs, afin de permettre à chacun de bénéficier de l’expérience des autres, en matière de commercialisation auprès des hôpitaux par exemple. Momentum digital “La thèse d’investissement est importante et le marché ne peut que progresser”, estime Franck Sebag, pour qui la question est de savoir à quel point les gros acteurs de type Gafam vont préempter ce marché et comment des leaders européens vont pouvoir émerger : “il va falloir travailler sur l’identité numérique dans la santé et en passer par l’éthique et l’indépendance européenne sur le sujet”. Baudouin Hue considère aussi le secteur comme prometteur : “nous avons une conviction forte sur ce sujet. Nous pensons que c’est le bon moment pour investir, du fait de la nécessité de redéfinir les parcours de soins et les modèles économiques de certains traitements”. Et ceci passe par de nouvelles solutions, en grande partie digitales : “pour un investisseur, cela représente une opportunité de marché pertinente qu’il faut savoir adresser de la bonne manière”. Certes, des freins demeurent, notamment règlementaires, mais l’infrastructure nécessaire au déploiement d’une santé plus digitale est bien en cours de construction et de premiers succès se profilent. Enfin, pour Jean-Marc Patouillaud, “il y a une sorte de momentum digital et un besoin de digitalisation des professions et des plateformes de santé. C’est un énorme marché et toutes les places sont encore à constituer”. La révolution digitale lui semble relativement rapide en France même si un gap culturel doit encore être franchi, les services proposés par des acteurs privés étant encore trop souvent perçus comme une intrusion du capital dans la santé. La e-santé à l’international En Europe, la Suède apparaît en avance en matière de télémédecine, du fait de l’importance de ses déserts médicaux. Jean-Marc Patouillaud évoque également l’Angleterre, qu’il voit comme “une nation prompte à adopter de nouvelles technologies et manières de penser”, en dépit de l’omniprésence du NHS (National Health Service), qui devrait toutefois se doter d’outils de partage des bases de données médicales avec des acteurs privés pour faire progresser la recherche. Tous secteurs confondus, l’Angleterre s’est d’ailleurs montrée très dynamique en 2019, avec 5,3 Mds€ levés par des start-up au 30 juin 2019 et 9 à 10 Mds€ attendus sur l’année selon EY. Des montants qui s’expliquent en partie par un rattrapage après une année 2018 marquée par une stagnation de l’investissement du fait de l’attentisme lié au Brexit. Le marché européen est encore assez neuf, note de son côté Chahra Louafi. Il est aussi très protégé par le RGPD, contrairement aux Etats-Unis où il est plus dérégulé, avec une compétition forte. Elle juge la France plutôt bien positionnée en Europe, même si les sociétés restent jeunes et les séries B encore peu nombreuses. E-santé : les principales levées de fonds de 2019 – accéder au tableau La rédaction Levée de fondsstart-upStratégie Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Start-up de la e-santé : plus de 200 M€ levés en 2018, en France