Pour développer leur stratégie digitale, les pharmas visent d’abord les collaborations externes

Où en sont les grands laboratoires pharmaceutiques en matière de transition numérique ? Et quelles sont leurs priorités pour 2023 ? Dans une étude dévoilée mardi, le fondateur de Techtomed, Franck Le Meur, a souligné que l’industrie pharmaceutique “affirme son virage dans la santé numérique”. “C’est un virage que je remarque depuis plusieurs années. Au-delà des tests menés et de la communication, on voit vraiment l’industrie pharmaceutique créer des entités dédiées à la santé numérique, voire des business units spéciales, faisant ainsi le pari de développer dans le temps une véritable activité numérique,” explique ce spécialiste de la transformation de la santé et de la pharma.

Des organisations variées autour de l’innovation

Le premier enseignement de cette étude porte sur l’organisation interne des laboratoires, qui, selon Techtomed, “se reconfigure en faveur de l’innovation”… même si la stratégie adoptée varie. Ainsi, un tiers des laboratoires interrogés s’est doté d’une BU spéciale consacrée au digital, un tiers privilégie la collaboration entre les différentes BU du laboratoire et un tiers ne dispose d’aucune BU dédiée.

Le partenariat direct avec les start-up privilégié

Autre enseignement : pour développer sa stratégie “digital health”, l’industrie pharmaceutique privilégie le partenariat direct avec les start-up (79%) ou une participation dans un programme de type incubateur ou accélérateur (60%), avec des attentes de partage, d’innovation ou de partenariat futur. Il est à noter le faible taux (12%) du développement en stand alone.

Techtomed note également que “les investissements de la Pharma sont davantage orientés vers le développement de thérapies digitales (DTx) et les objets connectés”. Les premières, qui représentent un marché émergent en France et dans le monde, ont un modèle proche de ce que connaissent les laboratoires avec les médicaments (basé sur un bénéfice clinique avéré, donc avec un temps de développement assez long, sanctionnée par des essais cliniques en plusieurs phases). Ainsi, la DTx islandaise Sidekick Health, qui a levé 55 M$ pour développer sa plateforme thérapeutique numérique, a annoncé le 17 juin un partenariat avec Eli Lilly pour déployer une solution numérique d’accompagnement des patients atteints de cancer du sein sur le marché allemand.

Trois objectifs poursuivis

Selon cette étude, les directions des laboratoires interrogés qui déploient une stratégie “digital health” visent principalement trois objectifs : 

• mieux soigner en proposant de nouvelles solutions innovantes (95%) pour accompagner et enrichir le parcours de soin,
• mieux communiquer auprès des patients et des professionnels (74%),
• accéder à des données de vie réelle (69%) qui permettront notamment d’améliorer in fine la qualité d’un produit, via des collaborations entre des laboratoires et des acteurs de télésurveillance médicale, comme Théa et Tilak Healthcare par exemple.

“Il y a là un virage stratégique vers le numérique pour développer plus de valeurs dans leurs produits, mieux communiquer avec leurs patients et recueillir de la data”, analyse Franck Le Meur. Il faut dire que les laboratoires n’ont plus le choix : de plus en plus de nouveaux acteurs entrent sur le marché de la santé. Outre les Gafam, qui multiplient les actions en santé, d’autres acteurs arrivent comme Michelin, qui se lance dans les biomatériaux, Alain Afflelou, qui vient d’acquérir une solution de téléconsultation ophtalmo, Dassault qui a acquis Medidata en 2019 et creuse le sillon du jumeau numérique en santé… “De nombreux acteurs arrivent dans le domaine de la santé avec des moyens exorbitants et une puissance que n’ont pas les pharmas… et qui sont très agiles avec le traitement des données. Cela laisse penser que la santé ne s’appréhende plus en silo mais selon des parcours intégrés, intelligents et peut-être de plus en plus personnalisés, selon lui. Et de conclure : “Nous allons vers une reconfiguration du marché de la santé.”