Accueil > Industrie > La microfluidique : fleuron de la biotech française La microfluidique : fleuron de la biotech française Présente dans de nombreux dispositifs médicaux ou utilisée dans le domaine de la recherche, la technologie de la microfluidique connaît un essor depuis une dizaine d’années, principalement dans le domaine de la biotech. Mais de quoi est-il question ? Par . Publié le 28 mars 2023 à 22h30 - Mis à jour le 30 mars 2023 à 14h42 Ressources Bertrand Cinquin, ingénieur de recherche et directeur de la plateforme technologique de l’Institut Pierre-Gilles de Gennes Le point commun entre une imprimante, un test PCR et un lecteur de glycémie ? Les trois ont recours à la microfluidique. En quoi consiste-t-elle ? L’étymologie du terme est d’une grande aide pour obtenir des éclaircissements : la microfluidique allie l’échelle micro et les fluides. Il s’agit donc “de la science et des techniques des systèmes manipulant des fluides et dont au moins l’une des dimensions caractéristiques est de l’ordre du micromètre”. “La technique de la microfluidique est utilisée dans l’objectif de faire écouler des fluides (gaz ou liquides) dans des petits canaux, afin de mesurer des écoulements et de les contrôler, explique Bertrand Cinquin, ingénieur de recherche et directeur de la plateforme technologique de l’Institut Pierre-Gilles de Gennes, une communauté de chercheurs utilisant la micro et nano-fluidique et ses applications. L’idée principale de la microfluidique repose sur un travail à petite échelle pour multiplier les expériences en contrôlant facilement de nombreux paramètres, collecter une très grande quantité de données et faciliter la mesure.” Un écosystème industriel dans le secteur de la santé La mise en œuvre de cette technique a mis du temps à se déployer, principalement en raison de verrous technologiques importants. “Elle émerge pour des applications concrètes depuis une trentaine d’années, en profitant des avancées dans le domaine de la microélectronique”, précise Bertrand Cinquin. La crise sanitaire et le recours massif aux tests PCR ont permis à la microfluidique d’acquérir une forme de notoriété, apportant un soutien massif au marché de la santé, déjà en développement depuis une dizaine d’années, avec des applications nombreuses : diagnostic médical, criblage à haut débit ou encore développement thérapeutique. “La biotech est le domaine pour lequel il y a actuellement le plus de créations de solutions possible”, indique-t-il. Aujourd’hui, le marché de la microfluidique représente 23 milliards de dollars au niveau mondial, avec une expansion fixée à 15 % par an. D’ici 2030, il devrait représenter 100 milliards de dollars. Environ 40 % du marché est américain, 1/3 asiatique et le reste européen. Guilhem Velve Casquillas, co-fondateur d’Elvesys Dans ce secteur, la France n’a personne à envier. Les entreprises et start-up y tiennent une place de premier rang. Certaines affichent même l’objectif de construire une “Microfluidique Valley”. C’est le cas d’Elvesys, qui se présente comme le leader mondial de l’instrumentation de recherche en microfluidique. “ La France est passée à côté de la révolution de l’Internet, laissant la voie aux Etats-Unis et à la Chine, pointe du doigt Guilhem Velve Casquillas, co-fondateur d’Elvesys. Aujourd’hui, nous avons un cran d’avance incroyable sur la révolution biotech avec la microfluidique, nous devons nous en saisir.” Et Elvesys entend bien apporter sa pierre à l’édifice et “faire en sorte que notre pays soit le berceau de cette révolution technologique à venir”, soutient-il avant d’expliquer : “Nous vendons des instruments scientifiques aux chercheurs dans le domaine de la microfluidique. Nous pouvons ainsi identifier les meilleures applications microfluidiques dans le domaine médical, demander des fonds pour développer les prototypes puis créer une entreprise pour le développement et la commercialisation de la solution. ” Parmi les applications concrètes, la start-up Inside Therapeutics élabore des systèmes permettant de créer, de manière contrôlée, des nanoparticules d’ARN pour le développement de nouveaux vaccins. BforCure consiste quant à elle en une plateforme de diagnostic des maladies infectieuses. Des résultats peuvent être délivrés en quelques minutes, à partir d’un échantillon de salive ou de sang et grâce à l’usage d’une puce microfluidique, afin de réaliser des tests PCR. Autre application en cours de validation avec Cherry biotech : les puces microfluidiques pour les cultures de cellules humaines afin de créer des organes sur puce. Ces derniers miment les fonctions des organes à petite échelle, permettant d’éviter le recours aux animaux pour les essais cliniques et donnant l’opportunité de tester préalablement des médicaments grâce à l’organe sur puce ; une technique visant à tendre vers une meilleure éthique de travail et une personnalisation des traitements. “Avec ces entreprises, nous cherchons à accélérer la révolution biotech par tous les moyens”, affirme Guilhem Velve Casquillas. Des outils pour la recherche Florine Maes, CEO de Emulseo Autre domaine d’application, la microfluidique en goutte, aujourd’hui principalement utilisée pour deux applications clefs : la manipulation de l’ADN et celle des cellules uniques, la première étant davantage développée que la seconde. Emulseo, une start-up bordelaise ayant levé 1.5 million d’euros en seed en novembre 2022, développe et produit des formulations pour des applications microfluidiques en goutte. L’un des axes de développement repose, par exemple, sur le diagnostic de cancer via un test PCR digital, en goutte. “L’usage de puces et de micro-canaux permet de manipuler, grâce aux gouttes microscopiques, un seul brin de l’ADN”, résume Florine Maes, CEO. La technologie rend alors possible la biopsie liquide, avec des prélèvements dans le sang, en lieu et place de biopsies au cœur de la tumeur ; une démarche beaucoup moins invasive pour le patient. La technologie permet aussi de tendre vers des traitements personnalisés. Dans ce domaine, Emulseo s’intéresse aux liquides et à la chimie, donc aux différents composés permettant ces applications concrètes : l’huile dans laquelle se déplacent les gouttes, le tensioactif qui les stabilise ou encore le traitement des surfaces des microcanaux. “Nous produisons des consommables, précise Florine Maes. Nos produits sont utilisés par les développeurs d’équipements d’analyses ainsi que par les laboratoires publics et privés.” Hubert Geisler, cofondateur de Minos Biosciences De son côté, Minos Biosciences se concentre sur le secteur de recherche de la cellule unique. Sa solution technologique permet le couplage, pour chaque cellule, des données phénotypiques (caractéristiques fonctionnelles) et des données omiques (séquençage de l’ADN et de l’ARN). “Généralement, la biologie cellulaire et la biologie moléculaire sont deux univers évoluant en parallèle, rapporte Hubert Geisler, cofondateur de Minos Biosciences, incubée dans les locaux de l’Institut Pierre-Gilles de Gennes. Notre technologie permet d’associer ces deux univers afin d’analyser la même cellule, notamment ses fonctions et son expression génétique.” Les données produites aident à la compréhension du fonctionnement des cellules et des interactions possibles entre elles pour, à terme, aider les chercheurs à développer des médicaments adaptés, notamment dans le domaine de la cancérologie ou en immunologie. Dans la mise en œuvre, c’est la puce microfluidique qui intervient. “Il est possible de paralléliser le process dans une puce de la taille d’une lame de microscope dans laquelle les cellules sont capturées puis imagées, explique Hubert Geisler. Nous attribuons ensuite au matériel génétique un code-barre avant d’envoyer l’ensemble en séquençage.” La start-up fournit l’instrument de laboratoire, la puce microfluidique et le kit de réactif. “Nous nous positionnons sur le marché de la recherche, ajoute-t-il. Nous en sommes à la recherche translationnelle, et non encore à la clinique.” Des verrous à débloquer Une telle technologie, qui offre une production de résultats rapides, avec un contrôle parfait des éléments, permet un gain de temps et de moyen pour les laboratoires, les professionnels de santé et les patients. Prenons l’exemple concret des mini-labs, présentés lors du salon Healthcare Information and Management Systems Society (HIMSS). Basés sur la microfluidique, ils analysent à domicile un grand nombre de données biologiques à partir d’une seule goutte de sang. “L’intérêt est d’autant plus grand pour les personnes en difficulté de déplacement car il est possible d’envisager des mesures en ligne, avec des objets connectés et la présence d’infirmières pour les plus dépendants”, souligne Bertrand Cinquin. Et d’ajouter : “C’est de la médecine personnalisée, au chevet du patient. Mais nous sommes encore sur un champ des possibles, dans l’adolescence de la technologie, car des verrous restent à briser.” Ces verrous ne sont pas liés à la technologie en tant que telle mais à son appropriation par les professionnels de santé amenés à l’utiliser sans nécessairement détenir l’expertise et la maîtrise. Un travail de mise en confiance est nécessaire. De même que des évolutions réglementaires sont attendues (création de normes ISO, cahier des charges par l’ANSM) comme à chaque arrivée de nouveaux produits sur le marché, pour un déploiement optimal de la technologie, qui outre la santé, multiplie ses champs d’application dans le domaine de la chimie, de l’énergie ou encore de l’environnement. BiomédicalBiotechscancerDonnées cliniquesGénétiqueLaboratoiresMarchéoncologieRecherche Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind