Accueil > Industrie > Paul Sauveplane (Alan) : “Nous ne pouvons pas viser moins que le million d’assurés” Paul Sauveplane (Alan) : “Nous ne pouvons pas viser moins que le million d’assurés” Désignée lauréate du programme French Tech Next 40, l’entreprise d’assurance santé Alan est aujourd’hui, avec près de 550 salariés, l’une des principales scale-up françaises en santé. Elle entend bientôt compléter son bouquet de services “tout-en-un” en proposant sa solution Alan Mind à l’ensemble de ses adhérents. Son DRH, Paul Sauveplane, et Fabrice Staad, General Manager France, dressent un bilan de l’activité de l’assurtech et révèlent ses ambitions pour les prochains mois. Par Antoine Piel avec Romain Bonfillon. Publié le 11 avril 2023 à 22h30 - Mis à jour le 11 avril 2023 à 15h13 Ressources Quel bilan tirez-vous de votre activité de téléconsultation et, plus largement, de toutes vos solutions de e-santé ? Fabrice Staad : Notre approche de l’e-santé est centrée sur deux thèmes. Le premier est celui de l’accès efficace au soin qui devient primordial dans un système de soin saturé. Avec la Clinique Alan (cf. l’encadré sur les chiffres de cette activité), nos membres peuvent échanger de façon rapide et confidentielle avec plus d’une trentaine de professionnels de santé pour s’orienter efficacement et recevoir un premier avis. La combinaison de la “Alan Map” qui permet la recherche de professionnels pour des consultations physiques et de notre partenaire de téléconsultation Livi permet d’assurer un passage de relais avec le système de soins. Notre seconde priorité est la prévention individualisée, qui rend possible la confiance de la majorité de nos membres dans l’extension de l’usage de leurs données d’assurance à un usage préventif, ainsi que par l’utilisation régulière de notre application. Nous avons suffisamment de recul désormais pour voir que les membres exposés à nos campagnes de rappels dentaires individualisés vont plus souvent chez les dentistes. Nous enrichissons notre palette de thématiques de prévention (mal de dos, bien-être mental) pour étendre l’impact préventif de la sphère privée à la sphère professionnelle. Vous faites partie des lauréats 2023 du programme French Tech Next 40. Que vous apporte l’accompagnement de la mission French Tech ? F. S. : Nous faisons partie de la French Tech et du Next40, c’est un label qui permet de porter des messages et de gagner en notoriété. Les licornes françaises sont désormais considérées à l’étranger avec plus de respect. Nous avons aussi pu apprécier les bénéfices du French Tech Visa pour faire venir des talents des États-Unis. Il permet d’avoir une plateforme pour intégrer les employés étrangers plus vite. L’accompagnement des jeunes entreprises a beaucoup changé, notamment avec l’apparition de la Mission French Tech. Les pouvoirs publics ont œuvré à la simplification de la création d’entreprise, du droit du travail. Ils ont popularisé l’actionnariat salarié avec les bons de souscription d’actions plus accessibles pour les salariés. Il faut poursuivre ces efforts en concertation avec les entreprises qui innovent et la Mission French Tech offre un super forum pour cela. Elle joue par ailleurs un rôle clé pour naviguer dans les circuits de l’administration ou appréhender les marchés publics. Lire aussi : Comment le programme French Tech Next 40/120 bénéficie aux start-up en santé ? Où en êtes-vous de votre bouquet de services “tout-en-un” et quelle offre allez-vous prochainement ajouter ? F. S. : Nous voulons nous imposer comme le partenaire santé tout-en-un pour nos clients et poursuivons notre travail en faveur de la prévention et la démocratisation de l’accès à la santé. Les membres peuvent désormais faire un bilan de santé, et profiter de programmes personnalisés par l’équipe médicale Alan. Par exemple, il leur est désormais possible de tester leur acuité visuelle et d’essayer, en réalité augmentée, des lunettes qui conviennent à la forme de leur visage. En quelques mois, plus de 1200 paires de lunettes ont été achetées, avec une satisfaction client de 4,9/5. “Avec un niveau de dépense de 69 M€ en 2022, qui représente notre pic, nous prévoyons une amélioration annuelle jusqu’à l’atteinte de la rentabilité en 2025” Fabrice Staad, General Manager France d’ALAN Quelle stratégie entendez-vous adopter pour rendre l’entreprise rentable ? F. S. : Avec un niveau de dépense de 69 M€ en 2022, qui représente notre pic, nous prévoyons une amélioration annuelle jusqu’à l’atteinte de la rentabilité en 2025. Notre forte croissance, conjuguée à une réduction progressive de notre utilisation de trésorerie, doit nous permettre d’atteindre cet objectif. Nous disposons aujourd’hui de plus de 230 M€ de capital. En mai 2022, vous avez levé 183 M€. Comment avez-vous ou allez-vous utiliser ce financement ? F. S. : Nous investissons les fonds levés dans la différenciation de nos produits et services et dans l’innovation, en continuant de recruter les “Alaners” (salariés d’Alan, ndlr) de demain. Nous avons aujourd’hui 520 Alaners (presque 100 de plus en un an) répartis comme suit : 12% en corporate et fonctions supports, 34% en sales et marketing, 16% en service clients et 38% en produit, design, ingénieur, data, assurance, opérations. Vous avez acquis en septembre 2021 l’application Jour. Que vous a permis cette acquisition ? Paul Sauveplane : Jour est la partie BtoC de ce qu’est devenu ensuite Alan Mind, qui propose quelque chose de beaucoup plus ouvert. Cette acquisition a été une excellente porte d’entrée dans le monde de la santé mentale, sans médecin derrière. Les sujets de Jour (journaling, sommeil, problèmes de couple) qui étaient très personnels sont devenus ensuite Mind et nous sommes en train d’ajouter ces services à notre offre d’assurance. Avec une approche BtoB, nous voulons à la fois accompagner les entreprises et proposer du contenu tourné vers les salariés. Applications de santé mentale : raisons et limites d’un succès Quelle est votre stratégie d’acquisition pour le futur ? F. S. : Les acquisitions – comme celle de Jour – sont un excellent moyen pour nous d’accélérer nos avancées stratégiques afin de devenir le partenaire unique en matière de santé pour des millions de personnes. Lorsque nous évaluons de potentielles acquisitions, nous vérifions que l’entreprise contribuera à la poursuite de notre mission et de notre vision, complètera nos expertises existantes ainsi que la compatibilité de l’équipe avec nos valeurs et le haut niveau de compétence attendu. L’intégration, notamment sur le plan culturel, est l’une des parties les plus délicates de toute acquisition et nous avons des exigences très élevées en la matière. Après le rachat de Jour, le lancement de l’offre Alan Mind, quels sont aujourd’hui les grands axes de votre feuille de route ? Paul Sauveplane : Nous avons trois axes stratégiques cette année : la croissance du portefeuille utilisateurs, notamment en France pour continuer à mutualiser sur la partie assurance. Aussi, une entreprise comme Alan doit avoir une ambition internationale, car statistiquement, il nous faut du volume pour que le risque soit mutualisé. Nous ne pouvons pas viser moins que le million d’assurés. Notre deuxième axe est donc la dimension internationale (Belgique, Espagne) pour prouver que notre solution est viable. Nous réfléchissons actuellement à nous ouvrir à un troisième pays. Enfin, nous voulons développer nos services pour dépasser la vision de simple assureur. Notre ambition est de devenir un vrai partenaire santé. Nous sommes particulièrement fiers de notre clinique virtuelle, qui permet d’avoir accès à des médecins en permanence. Cela change radicalement le rapport de l’assuré au système de santé. Concernant la santé mentale, au-delà du produit, il y a une question d’options : il est beaucoup plus facile de parler à un psy par ce biais que de prendre rendez-vous dans un cabinet. Enlever cette barrière va beaucoup aider à l’adoption de cette solution. Lorsqu’on fait des sondages auprès des salariés, on se rend compte que beaucoup d’entre eux n’avaient jamais consulté et que l’usage de Mind est particulièrement fort concernant l’accès à des psychologues. Nous poussons maintenant les formations et le déploiement de ces psychologues auprès de sociétés. “Autant la sécurité des locaux est facile à mettre en œuvre et mesurer, autant les DRH sont démunis lorsqu’il faut prouver qu’ils ont fait ce qu’il fallait en matière de santé mentale” Paul Sauveplane, drh d’ALAN Comment envisagez-vous de déployer Alan Mind ? F. S. : Ce qu’on perçoit, c’est que notre discours sur la santé mentale résonne auprès des décideurs RH, parce qu’ils manquent d’outils pour gérer ces problématiques et pour détecter les signaux faibles dans le cadre d’un respect absolu de la vie privée. Aussi, il y a eu un énorme changement dans les attentes des salariés, qui hésitent moins à se tourner vers les RH face à certaines difficultés. Vendu de manière distincte, Alan Mind a si bien fonctionné qu’on a décidé de l’inclure à notre offre, de telle sorte que tous les entrants vont pouvoir en bénéficier. Les salariés pourront ainsi échanger avec des professionnels, qui pourront les aider sur des problématiques de bien-être au travail, de burnout ou des questions beaucoup plus personnelles. Nous sommes en train de faire cette migration, donc d’ici l’année prochaine, toutes les entreprises auront accès à Alan Mind au sein d’une offre unique. P. S. : Mind prend une nouvelle dimension dans l’outil Alan, avec des mesures d’engagement, la possibilité de faire venir des psychologues en entreprise. Le produit est en train de changer énormément pour accompagner toutes ces nouvelles fonctionnalités. Chaque fois que j’en parle avec des responsables RH, c’est le sujet sur lequel ils sont le plus en stress et démunis. Pour deux raisons principalement : les salariés aspirent à la plus grande flexibilité, à l’indépendance. Ils veulent être tranquilles quand ça va bien. Il est donc très difficile pour les RH de trouver le bon curseur en termes d’autonomie. Dans le même temps, ces DRH ont une obligation d’assurer la santé et la sécurité au travail. Autant la sécurité des locaux est facile à mettre en œuvre et mesurer, autant les DRH sont démunis lorsqu’il faut prouver qu’ils ont fait ce qu’il fallait en matière de santé mentale. F. S. : Les trois quarts des salariés attendent des actions de leur entreprise sur le sujet du bien-être mental et 70 % des DRH disent que c’est un sujet prioritaire. Mind était une application BtoC. Compte tenu des besoins, nous avons construit Alan Mind pour accompagner les équipes RH et aider les salariés, en lien avec notre volonté d’aborder la santé de façon globale, en s’intéressant à la fois au corps et à l’esprit. IMPACT : la e-santé mentale face à l’urgence de son développement Alan en chiffres Chiffres pour l’année 2022 : Taux de croissance : 62 % 125 000 nouveaux membres Plus de 250 M€ de revenus annuels récurrents (Source : alanblog) Chiffres globaux (au 15 février 2023) 380 000 adhérents 18 000 entreprises clientes 493 M€ levés (Source : KleinBlue) Objectifs 2023 : 380 M€ de revenus récurrents annuels Marge brute supérieure à 13 % Taux de croissance de 50 % (Source : alanblog) La “Clinique Alan” en chiffres : Plus de 1200 patients l’utilisent chaque semaine. Un nombre d’utilisateurs en hausse de +150 % par rapport à 2023. Un taux de satisfaction de 4,5/5. Trente professionnels de santé mobilisés. Si 60% des consultations concernent des sujets de médecines “classiques” (i.e. généraliste, dermatologie, santé féminine, …), 30% traitent de sujets de santé mentale, nutrition ou de médecine du sport. “Et nous avons récemment ajouté une section “Psychologie de l’enfant”, pour répondre à une demande récurrente de nos membres”, ajoute Fabrice Staad. La moitié des membres qui prévoient d’aller consulter physiquement un médecin ont finalement changé d’avis après avoir consulté la Clinique Alan, et déclarent ne plus avoir besoin d’y aller. 87% des membres qui prévoyaient d’aller aux urgences ont finalement changé aussi d’avis. (Source : Paul Sauveplane, DRH d’Alan et Fabrice Staad, General Manager France). Antoine Piel avec Romain Bonfillon assurances santétéléconsultation Besoin d’informations complémentaires ? 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