Accueil > Industrie > COVID-19 : panorama des applications européennes officielles pour organiser le déconfinement COVID-19 : panorama des applications européennes officielles pour organiser le déconfinement Pour tenter d’endiguer la propagation du COVID-19, de nombreux pays européens ont développé ou envisagent de proposer une application mobile. Quelles sont leurs finalités ? Sur quelles technologies s’appuient-elles ? Quelles données de santé sont récoltées et par qui ? mind Health détaille une quinzaine de dispositifs lancés ou à l’étude dans 13 pays européens. Par Aymeric Marolleau. Publié le 04 mai 2020 à 15h29 - Mis à jour le 21 juillet 2022 à 12h47 Ressources Les États n’ont pas tous pris une position définitive sur ces dispositifs. Les informations de ce dossier, valables début mai, sont donc susceptibles d’évoluer. Les dernières actualités sur les réponses des industries de la santé face à la pandémie sont ici. Début mai, sept des 13 pays de notre panel ont lancé ou testent une application pour tenter de ralentir l’épidémie de COVID-19. Et ils sont cinq à en étudier une ou à la développer (voir la carte interactive ci-dessous et le tableau en fin d’article). Les positions de certains de ces pays ont été citées mi-avril par la Commission européenne dans sa boîte à outils commune. Priorité au suivi des contacts par Bluetooth La plupart des applications officielles (une douzaine de celles que nous avons étudiées) visent à automatiser une partie du travail de suivi des contacts, afin de détecter et isoler les cas asymptomatiques. Certaines ont pour cela suivi les préconisations de l’initiative européenne PEPP-PT (pour Pan-European Privacy-Preserving Proximity Tracing, voir encadré). En pratique, il s’agit d’utiliser le Bluetooth LE (“Low Energy”) du téléphone pour savoir si ceux qui entourent l’utilisateur ont eux-mêmes activé le Bluetooth et si l’application y est également installée. Les deux applications échangent alors un identifiant anonyme, stocké et encrypté localement. Si l’utilisateur de l’application est infecté par le Covid-19, il lui sera demandé l’accès à la liste des identifiants qu’il a croisés, afin qu’ils soient prévenus des risques qu’ils encourent. Ce fonctionnement, qui s’apparente à celui de l’application singapourienne TraceTogether, est résumé comme une “prise de contact automatique” dans notre tableau. Il est étudié ou a été adopté par sept des 13 pays que nous avons pris en compte. Alors que le Bluetooth présente quelques limites techniques, comme le fait qu’il ne récolte plus de données sur iOS et Android lorsque l’application fonctionne en arrière-plan, la Norvège a choisi de compléter cette technologie par la géolocalisation (via GPS et/ou wifi) (voir plus loin). Tous les Etats n’ont pas choisi de se placer derrière le PEPP-PT. D’autres penchent pour le protocole Contact Tracing, de Google et Apple, ou pour DP-3T. Ces différences s’expliquent notamment par un manque de coordination entre Etats. “La santé n’est pas l’une des compétences de la Commission européenne. Elle s’en est donc tenue à publier une boîte à outil commune, sans aller jusqu’à coordonner les efforts. Chaque pays a contacté ses voisins pour connaître leurs positions et l’avancée de leurs travaux”, explique à mind Health Aymeril Hoang, représentant numérique au conseil scientifique COVID-19. Des succès de téléchargement contrastés Le téléchargement de ces applications de suivi des contacts fait toujours, en Europe, sur une base volontaire. Selon une étude de l’Université d’Oxford, une telle solution devrait être adoptée par au moins 60 % de la population d’un pays donné pour être efficace. Mais début mai, aucune de celles de notre panel disponibles sur le store d’applications de Google n’avait été téléchargée plus de 500 000 fois. D’ailleurs, le gouvernement Belge a abandonné le 23 avril son projet d’application, pour se reposer uniquement sur un suivi traditionnel des contacts, réalisé par des équipes de professionnels. Certains pays semblent toutefois rencontrer de meilleurs résultats. En Norvège, le laboratoire Simula, qui a développé Smittestopp, ont annoncé fin avril qu’elle a été téléchargée par 1,5 million de personnes, soit environ 28 % de la population du pays. En République Tchèque, l’application privée Mapy.cz avait été téléchargée plus d’un million de fois le 23 avril, soit environ 10 % de la population. A lire également sur StopCovid Les premiers contours de l’application gouvernementale StopCovid Les réserves de la CNIL sur le projet d’application mobiel StopCovid Vérification des symptômes et information Quatre pays proposent ou réfléchissent aussi ou uniquement à une application de vérification des symptômes : l’Allemagne (Corona Dataspende), l’Espagne, l’Irlande et la Pologne (ProteGO). L’application Covid Symptom Tracker a été développée par la start-up de l’e-santé Zoe Global, avec des physiciens et des chercheurs du King College de Londres et l’hôpital Saint Thomas. Les utilisateurs indiquent chaque jour leurs symptômes, s’ils en ont. Téléchargée 2,4 millions de fois au Royaume-Uni et aux Etats-Unis fin avril, elle a permis de mettre en évidence des symptômes peu connus de la maladie. L’application portugaise App Covid19 – Somos On est uniquement destinée à informer ses utilisateurs sur la maladie. En Pologne, Home Quarantine est dédiée à vérifier que les personnes revenant de l’étranger respectent bien leur quarantaine. El Pais indique que l’application espagnole pourrait aussi avoir cette finalité. Certaines applications ont été créées par des start-up Ces services sont généralement créés à l’initiative des pouvoirs publics. En France, StopCovid, qui devrait commencer à être testée en conditions réelles à partir de la semaine du 11 mai, pour un lancement prévu le 2 juin, est par exemple développée par l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (INRIA). Mais ils s’appuient parfois sur des acteurs privés. Les Pays-Bas ont par exemple étudié mi-avril les propositions de sept sociétés, dont celles de Capgemini, Accenture et Sia Partners, qui ont finalement toutes été écartées. En Italie, l’une des applications testées par le gouvernement à la suite d’un appel d’offres, Immuni, a été développée par une start-up milanaise, baptisée Bending Spoons, qui compte environ 160 salariés sur LinkedIn. A côté des applications officielles, apparaissent parfois des applications privées, comme Sm-Covid-19 en Italie, développée par la société SoftMining, ou encore Healthy Together en Allemagne. En Espagne, un consortium réunissant Google, Telefónica, Ferrovial, Goggo Network, Carto, ForceManager et Mendesaltaren a développé Corona Madrid / Asistencia Covid-19 pour aider ses utilisateurs à s’autodiagnostiquer. En France, l’Ile-de-France a annoncé fin avril qu’elle testera l’application StopC19, développée par Orange, Capgemini, Dassault Systems, Sopra Steria et Sia Partners. Quelles données sont partagées et avec qui ? La question des données partagées par ces services est sensible. Leur nature et l’identité des autorités avec lesquelles elles sont partagées varient selon les dispositifs et les pays. Lorsqu’ils suivent la philosophie du PEPP-PT ou de Contact Tracing (voir encadré protocoles), les identifiants anonymes des autres téléphones croisés par l’utilisateur au cours des derniers jours sont cryptés et stockés sur son téléphone. C’est seulement s’il est diagnostiqué positif au COVID-19 qu’il lui sera demandé l’accès à ces identifiants afin qu’ils soient prévenus et s’isolent ou se fassent à leur tour tester. En outre, aucune donnée personnelle ne doit être fournie avant d’utiliser l’application. En France, l’accès aux données ne sera possible qu’après que l’utilisateur ait été testé par un médecin. En Allemagne, un individu testé positif pourrait, selon France 24, scanner un QR code sur un document remis par le Ministère de la santé, qui sera reconnu par l’application. Mais au Royaume-Uni, il suffira que l’internaute déclare lui-même qu’il se sent malade, avec les symptômes du coronavirus, pour que les autres utilisateurs qu’il a croisés soient avertis, selon des déclarations du Secrétaire d’Etat à la santé Matt Hancock rapportées par Mobi Health News. De même, aux Pays-Bas, les utilisateurs de l’application de l’hopital d’Amsterdam OLVG peuvent y préciser leurs données médicales et observations personnelles. Si elles sont inquiétantes, un docteur les appellera. Certaines applications européennes récoltent bien plus que des identifiants anonymes par Bluetooth, comme le montrent certains exemple allemands, espagnols, islandais et norvégiens. En Allemagne, Corona Datenspende permet par exemple à l’Institut allemand d’épidémiologie et de veille sanitaire Robert-Koch (RKI) de connaître le code postal, l’âge, le poids, l’activité physique, la qualité du sommeil, le rythme cardiaque et la température des utilisateurs. Les trois premières informations sont renseignées par l’utilisateur au moment de l’installation de l’application, les autres sont récoltées par son bracelet connecté. Une application présentée par le Ministère de la santé espagnol dans le Journal Officiel le 28 mars prévoit que les utilisateurs pourront y indiquer leurs symptômes. Selon leurs réponses et leurs données de géolocalisation, ils recevront des recommandations et des instructions. Mais elle n’agira pas comme “un service de diagnostic, de soin d’urgence ou pour la prescription de traitements pharmaceutiques”, ni pour remplacer “une consultation avec un professionnel de santé qualifié”. Des sources proches du gouvernement interrogées par El Pais précisent que “seuls les professionnels de santé et les autorités compétentes auront accès aux données”. Les données personnelles seront conservées le temps de la crise. Elles seront ensuite agrégées anonymement et utilisées à des fins statistiques et de recherche pour une durée maximale de deux ans. Rakning C-19 exige des utilisateurs islandais qu’ils partagent leur numéro de téléphone à l’installation, puis l’accès en continu aux données de géolocalisation de leur téléphone, plusieurs fois par heure. Les données des 14 derniers jours sont stockées sur les serveurs de Sensa, un fournisseur de cloud islandais. Si un utilisateur est diagnostiqué positif au COVID-19, le département de la protection civile et l’équipe en charge du suivi des contacts peut lui envoyer une requête à partager ses données via l’application. Il l’accepte en indiquant son numéro d’identifiant national. Les données sont alors ajoutée à la base de données de l’équipe de suivi des contacts, qui les utilise pour identifier les personnes exposées. Le logiciel lancé en Norvège mi-avril récolte également les données de géolocalisation des utilisateurs, lesquelles sont anonymisées et stockées sur un serveur irlandais pendant 30 jours. Les utilisateurs seront notifiés s’ils ont été à proximité d’une personne infectée pendant plus de 15 minutes. Cliquez sur l’image ci-dessous ou ici pour retrouver dans notre tableau la comparaison des principales applications officielles pour favoriser le déconfinement (nom, fonctionnement, développeur, technologies, etc.) : PEPP-PT, DP-3T, Contact Tracing (Google et Apple) : quels protocoles pour les applications de suivi des contacts ? Pour faciliter le fonctionnement de ces applications et garantir leur interopérabilité, plusieurs protocoles, c’est-à-dire une suite d’API et de règles, ont vu le jour ces dernières semaines. Deux, en particulier, se disputent les faveurs des Etats européens. PEPP-PTInitié en Allemagne, le Pan-European Privacy-Preserving Proximity Tracing s’appuie sur le Bluetooth LE (“Low Energy”) pour repérer les contacts entre individus et une architecture qui garantit que les données personnelles sont entièrement stockées sur le téléphone de l’utilisateur, mais remontées vers un serveur central lorsqu’il est diagnostiqué positif au COVID-19. Cette centralisation lui vaut quelques critiques. C’est sur ce protocole qu’est par exemple fondée l’application italienne Immuni, le projet d’application privée Healthy Together, en Allemagne, ou encore le cadre ROBERT (pour ROBust and privacy-presERving proximity Tracing) https://github.com/ROBERT-proximity-tracing de l’Inria, qui développe l’application française StopCovid. “Le PEPP-PT nous a semblé la meilleure solution car il est européen, avec des principes forts d’interopérabilité, de confidentialité et de proportionnalité des réponses par rapport au problème posé”, explique à mind Health Aymeril Hoang, représentant numérique au conseil scientifique COVID-19. Contact Tracing (Google et Apple)Le 10 avril, Google et Apple ont également annoncé dans un communiqué le lancement de leur propre protocole. Baptisé Contact Tracing, il s’appuie aussi sur la technologie Bluetooth pour enregistrer chaque téléphone croisé, mais son modèle est présenté comme décentralisé, c’est-à-dire que les données sont stockées sur les téléphones des utilisateurs, et circulent lorsque nécessaire. Au Royaume-Uni, la NHS avait annoncé début avril réfléchir à l’adopter, avant de changer d’avis le 27 avril. L’Allemagne faisait au même moment le chemin inverse. En France, en revanche, le Secrétaire d’Etat au Numérique Cedric O a écarté la proposition de Google et Facebook dans une interview au JDD le 26 avril. “Il est regrettable qu’Apple ne permette pas aux applications développées par les Etats d’utiliser la brique Bluetooth de ses téléphones en arrière-plan autrement que dans le cadre de son API globale, déclare Aymeril Hoang. Il est pour le moins surprenant que cette société s’autorise ce qu’elle n’accorde pas aux autorités sanitaire des pays. J’espère que les pouvoirs publics prendront la mesure de cette dépendance”. DP-3TUn troisième protocole, décentralisé, baptisé DP-3T (Decentralized Privacy-Preserving Proximity Tracing), a été créé par des scientifiques de l’EPF de Zurich et de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne. Il a les faveurs de la Suisse, de l’Autriche, de la Finlande et de l’Estonie, notamment. Aymeric Marolleau Application mobileCOVID-19Sécurité Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Guillaume Tassetto (Kairos Fire) : "Le Bluetooth saura détecter, en intérieur, si une personne s'est trouvée à moins de deux mètres de soi, et pendant combien de temps" Selon l'analyse de la Cnil, StopCovid traitera bien de données de santé Les premiers contours de l’application gouvernementale StopCovid