Accueil > Parcours de soins > Comment Rofim et l’Institut Paoli-Calmettes créent du lien entre les médecins Comment Rofim et l’Institut Paoli-Calmettes créent du lien entre les médecins Comment la télémédecine peut-elle améliorer le diagnostic des patients et optimiser les parcours de soins en oncologie ? Menée aujourd’hui au travers de deux modules (téléexpertise et eRCP), la collaboration entre la start-up Rofim et l’Institut Paoli-Calmettes (Marseille) nous éclaire sur le fonctionnement de solutions visant à désiloter le monde de la santé. Par Romain Bonfillon. Publié le 10 avril 2024 à 10h05 - Mis à jour le 10 avril 2024 à 10h52 Ressources La start-up Rofim est née en 2018 de la volonté d’Emilie Mercadal et du Dr David Bensoussan, chirurgien vasculaire, de relier les médecins entre eux, au travers d’une plateforme, pour améliorer l’adressage et le fléchage des patients. Objectif : diminuer le temps que l’on met à poser un diagnostic. D’abord pensée pour les maladies rares, la plateforme a évolué pour adresser l’oncologie. Le tournant s’est joué en 2021, lorsque l’Institut Gustave Roussy, premier centre de lutte contre le cancer européen, choisit la solution Rofim. “C’est lui qui nous a ouvert la porte”, reconnaît Emilie Mercadal, directrice générale de la start-up Rofim qui compte à date 25 salariés et un réseau de 41380 médecins. Genèse de la collaboration autour de la téléexpertise Pr Eric Lambaudie, PU et chirurgien oncologue à l’Institut Paoli-Calmettes Le Pr Eric Lambaudie est PU en chirurgie oncologique et prend en charge à l’Institut Paoli-Calmettes (IRC) des cancers gynécologiques, pelviens essentiellement. Il travaille également à la structuration du parcours de soins des patientes de l’IRC. “En 2021, j’ai sollicité les responsables de notre département informatique pour mettre en place une plateforme qui permette aux médecins requérants de nous adresser les patients pour un deuxième avis”, raconte-t-il. La téléexpertise était alors désorganisée. “Nous recevions en permanence des sms et des mails informels de collègues de l’extérieur qui nous expliquaient l’état de santé de leur patiente en ajoutant des photos, des résultats de prélèvements partiels, des examens radiologiques, mais sans le compte rendu initial… Nous étions donc amenés à donner des avis qui n’étaient pas forcément très pertinents parce que nous n’avions pas l’ensemble du dossier de la patiente. Le responsable du service informatique nous a alors parlé d’un POC [Proof of Concept, ndlr] avec une entreprise extérieure. C’est là que j’ai connu Rofim. Ce n’était pas évident au départ, poursuit le Pr Lambaudie, car les médecins qui nous adressent les patientes doivent également un compte. Nous avons donc sollicité quelques médecins avec lesquels nous avions des relations privilégiées, pour faire les tests. Cela a bien fonctionné.” Les avantages de l’outil “L’outil permet in fine d’avoir des avis plus précis, explique le Pr Lambaudie, avec des données complètes des patientes puisqu’on peut transférer tous les documents des patientes sur la plateforme. C’est anonymisé et sécurisé, valorisé et tracé. Ce sont des éléments importants à prendre en compte dans le cadre d’un deuxième avis”. Aussi, la plateforme permet de gérer des fichiers volumineux, comme les clichés issus d’un CD de scanner. “Si le médecin a fait par exemple une coelioscopie, il peut mettre des photos et même un film ; s’il y a eu des prélèvements, il peut nous faire passer les résultats histologiques, complète le Pr Lambaudie. Tous ces éléments, et en particulier les supports vidéos et les images scanographiques, ne sont pas transférables par mail, elles sont beaucoup trop lourdes pour nos messageries sécurisées”. L’adoption et les perspectives de déploiement Emilie Mercadal, directrice générale de Rofim En termes de volume, le Pr Lambaudie a ainsi mené au travers de cet outil une dizaine de téléexpertises sur ces trois derniers mois, une par semaine environ. “Nous n’avons pas encore développé l’outil d’information pour que le correspondant extérieur soit informé de notre démarche. Un flyer a été créé par notre service de communication pour que dans tous les courriers à destination de nos correspondants, pour information concernant leurs patientes, ce flyer soit intégré et les informe sur la possibilité de nous solliciter à travers cette plateforme. À partir de là, forcément, nous allons connaître une montée en charge dans les prochains mois, compte tenu aussi de l’extension de cet outil dans les différents services d’oncologie et d’hématologie. “Notre développement au sein de l’IPC n’a pas suivi un processus top-down”, explique Emilie Mercadal, directrice générale de Rofim. “De nombreux produits de la medtech sont sur étagère et c’est à vous, utilisateur, de vous adapter à la plateforme. C’est ce qui provoque un problème d’usages de la part des médecins. A l’IPC, nous répondons à des besoins dédiés, c’est ce qui fait que l’adoption est totale”, analyse Emilie Mercadal. À noter que parallèlement, Rofim a développé une téléexpertise dite synchrone (la téléexpertise est par nature asynchrone et la moyenne du temps de réponse sur la plateforme est d’environ 20 heures). Des créneaux de visioconférence, de 5 minutes pour la plupart, ont donc été créés dans l’agenda de certains médecins de l’IPC, pour leurs correspondants. Une eRCP régionale Le second chapitre de la collaboration entre Rofim et l’IPC s’est ouvert en 2022, lorsque l’ARS a sollicité le Pr Lambaudie pour mettre en place une filière de prise en charge des cancers de l’ovaire en région PACA. Cette demande coïncidait avec la publication de nouveaux seuils de prise en charge des cancers gynécologiques (le seuil est fixé à 20 patientes par centre et par an en France, un seuil jugé “ridiculement bas” par le Pr Lambaudie, alors même qu’il est fixé à 50 à l’échelle européenne). Eric Lambaudie a alors proposé l’écriture d’une charte de bonnes pratiques, à diffuser au sein de la région, et l’organisation d’une RCP régionale (réunion de concertation pluridisciplinaire, qui permet de prendre, entre professionnels de santé, une décision thérapeutique collégiale à partir de l’étude des dossiers des patients). “Cette RCP est dans les textes appelée de recours car elle doit intégrer les avis thérapeutiques sur les stades avancés de cancers de l’ovaire, en prise en charge initiale, mais également au moment de la récidive”, précise le Pr Lambaudie. Le choix se porte assez naturellement sur la solution de eRCP proposée depuis 2019 par Rofim. “Nous en avions déjà une centaine qui tournaient tous les jours”, fait valoir Emilie Mercadal. “Cette RCP aurait peut-être pu exister sans Rofim mais la facilité de mise en œuvre est telle que l’outil nous a beaucoup aidé. Un des gros défauts de nos RCP en général est que les dossiers sont présentés avec des données narratives. L’atout principal de cet outil est d’arriver à structurer des données qui sont importantes pour le suivi de nos patients, notamment au travers d’un formulaire de RCP à remplir au travers de menus déroulants ”, explique le Pr Lambaudie. Concertation et standardisation Aujourd’hui, ce sont entre 10 et 15 dossiers qui sont présentés tous les 15 jours. “Cela représente les chiffres de l’activité régionale relevée par l’ARS, fait remarquer le Pr Lambaudie. Nous sommes déjà sur une bonne dynamique. Demain, l’idée est d’utiliser ces données pour bien vérifier l’activité et les critères qualité que l’on exige.” Lancée officiellement en novembre 2023, cette eRCP permet, tout comme le module de téléexpertise, d’ajouter toutes sortes de fichiers (scans, vidéos, examens histologiques,…) avant chaque examen de dossier patient. En favorisant les échanges entre centres, cette RCP régionale permet aussi d’élargir la possibilité d’inclure les patientes volontaires dans des essais, auxquels elles n’auraient pas eu accès si elles étaient restées dans leur centre d’origine. Pour Eric Lambaudie, “cette RCP a l’intérêt de mettre autour d’une table des gens qui n’ont pas l’habitude de discuter ensemble. Les pratiques peuvent être un peu différentes au sein d’une même région. L’objectif à moyen terme serait d’uniformiser les pratiques, de les standardiser et de se servir de cette RCP comme d’un registre pour colliger l’ensemble des patientes prises en charge. Le sujet de la chirurgie de l’ovaire est un sujet sensible en France. Cette chirurgie est extrêmement importante pour les patientes et l’expertise du centre et du chirurgien sont des éléments de guérison. Ce n’est pas notre rôle de chirurgien de faire le gendarme par rapport aux autres centres, mais si un centre dit qu’il a la capacité à faire cette activité et demande l’autorisation, la RCP est le cadre dans lequel nous allons pouvoir procéder à des vérifications, grâce à un registre.” Les futurs usages Actuellement, Rofim étend l’usage de sa plateforme aux patients fragiles et âgés, au travers de son module de téléconsultation assistée. “Nous ouvrons ce nouveau module sur la base de la confiance qui s’est créée ces trois dernières années avec l’IPC. D’ici quelques semaines, nous aurons donc trois modules qui tournent à temps plein sur l’IPC”, explique Emilie Mercadal. Le partenariat avec la start-up Posos, récemment annoncé, est précisément valorisé dans le cadre de ces téléconsultations. “Notre but est aussi d’intégrer l’outil Posos dans nos RCP, et la cancérologie est la priorité”, affirme la directrice générale de Rofim, dont les ambitions régionales sont de connecter l’IPC au CHU (l’AP-HM avec lequel Rofim travaille, au sein d’une vingtaine de services). “Mon rêve, ajoute Emilie Mercadal, est de généraliser cette collaboration et de devenir dans l’année l’outil officiel de l’AP-HM”. Rofim, histoire d’une plateforme “axée terrain” La plateforme Rofim est, comme le résume Emilie Mercadal, “axée terrain” et s’est rapidement enrichie au gré des besoins des établissements clients, jusqu’à intégrer aujourd’hui 4 modules : la téléexpertise (née en 2018), la eRCP (2019), la téléconsultation (2020) et le dossier communicant de cancérologie (DCC) en 2023. Les solutions Rofim, notamment le module de téléexpertise, sont aujourd’hui présentes en Guyane, Guadeloupe, Martinique et en Polynésie française, des territoires où la densité médicale est particulièrement faible. “Aujourd’hui un médecin guyanais va d’abord demander un avis à un confrère guyanais et si celui-ci n’a pas la réponse, nous allons pouvoir, via notre plateforme, demander avis auprès d’un médecin martiniquais, puis, par une logique d’escalier, aller jusqu’à la Métropole. Le fait de respecter ce parcours de soins respecte la nomenclature de la CPAM et donc le remboursement”, explique Emilie Mercadal. À noter que Rofim s’est également engagé dans la coopération internationale, avec une présence au Maroc, en Côte d’Ivoire, et à Sainte-Lucie. Dernière évolution en date : le lancement en février 2024 d’une solution de téléassistance chirurgicale, en collaboration avec l’éditeur AMA. Emilie Mercadal était en mars dernier en déplacement en Ukraine pour présenter cet outil au ministère de la Santé du pays en guerre, ainsi qu’à deux centres de cancérologie. Cette solution, qui participe à que l’on appelle le bloc opératoire augmenté, est très adaptée à la première ligne, au front, même si ce n’est pas l’usage pour lequel l’outil avait été pensé”, confie-t-elle. Romain Bonfillon cancerOutils numériquesParcours de soinsPatientsPlateformestéléconsultationTélémédecine Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Rofim devient partenaire de GE Healthcare Pierre Fabre et Rofim se lancent dans la téléexpertise dermatologique