Accueil > Parcours de soins > Le CHU de Rennes et Philips s’attèlent au bilan carbone en imagerie Le CHU de Rennes et Philips s’attèlent au bilan carbone en imagerie Dans le cadre d’un partenariat stratégique d’innovation entamé en 2021, le CHU de Rennes et la société Philips ont analysé le cycle de vie (ACV) d’un système biplan d’imagerie Azurion et procédé à un calcul de l’empreinte carbone d’une salle de neuroradiologie interventionnelle entière, une tâche inédite en France. Sur la base de ces résultats, l’hôpital est en mesure de formuler des hypothèses pour réduire sa facture énergétique. Par Clarisse Treilles. Publié le 09 décembre 2024 à 17h29 - Mis à jour le 12 août 2025 à 18h48 Ressources Une analyse à 360° Ce cas d’usage est inédit dans un établissement de santé en France. La société Philips, qui équipe les établissements de santé d’appareils d’imagerie complexes à produire et énergivores, a été choisie par le CHU de Rennes pour analyser l’empreinte carbone d’une salle d’opération entière. Le CHU, engagé depuis une quinzaine d’années dans une stratégie de développement durable, a constitué une équipe de professionnels consacrée à ce projet, adossée à sa commission développement durable installée dans l’hôpital depuis dix ans. Côté Philips, Mélissa Vincent, référente RSE du groupe pour la France, a travaillé à temps plein depuis Rennes pour coordonner ce chantier avec les équipes terrain. “Ce partenariat s’appuie sur un socle technologique très fort, puisque le CHU a dû renouveler un certain nombre d’équipements en radiologie, en monitoring et en anatomopathologie. Quand nous avons construit ce partenariat avec eux, le développement durable a émergé comme un axe transversal et d’intérêt commun” a expliqué Mélissa Vincent, lors d’une visite presse organisée sur le site de développement et de production des systèmes de radiologie de Philips à Eindhoven (Pays-Bas). L’Azurion est un système de thérapie guidée par imagerie biplane utilisé pour le traitement des AVC. Ce modèle est exposé dans le Philips Innovation Center (Eindhoven – Best Campus) Le choix du matériel témoin s’est rapidement porté sur le système Azurion, un équipement de Philips utilisé en neuroradiologie interventionnelle dont la durée de vie est estimée à une dizaine d’années. “Nous avons choisi cet équipement car il venait d’être installé [au CHU de Rennes] au moment de la genèse du partenariat et nous souhaitions travailler sur une référence récente. Pour les équipes, c’est un défi d’aborder l’aspect du développement durable avec un équipement utilisé en condition d’urgence, notamment pour le traitement des AVC” souligne Mélissa Vincent. L’analyse du cycle de vie s’est ensuite étendue au laboratoire de cathétérisme dans son ensemble pour prendre en compte la manière dont la machine s’intègre à son environnement de soin en conditions réelles. Sur la base des informations transmises par les fournisseurs de consommables et par les soignants eux-mêmes, Philips a pu fournir un comparatif de facteurs d’émission de gaz à effet de serre. L’étape de la récolte de données n’a pas été chose aisée. “La plupart des fournisseurs n’étaient pas préparés à l’époque. Ils ont bien avancé sur ce sujet depuis”, témoigne Camille Farrando à mind Health. Cette ingénieure en organisation au CHU travaille à la gestion et à la coordination de projets transversaux et complexes à l’échelle de l’hôpital, comme ce partenariat avec Philips. Les médicaments ont le plus fort impact Un score environnemental associé à chaque phase du cycle de vie a pu être généré. Les données de l’ACV ont révélé que le système Azurion est responsable d’environ 6 tonnes de CO2 par an. Les données ont montré que les phases d’extraction des matières premières et de production de l’Azurion sont de loin les plus impactantes pour le dispositif utilisé à Rennes, surtout en termes d’épuisement des ressources, d’écotoxicité des eaux douces et de changement climatique (ces phases représentent 66% des émissions totales de CO2). Mélissa Vincent, dans les locaux de Philips à Eindhoven (Pays-Bas) A contrario, la phase d’utilisation est assez faible dans le score final, même si, rappelle Mélissa Vincent, “plus une procédure est longue, plus elle consomme d’énergie”. La consommation d’énergie liée à la phase d’utilisation représentait 13% des émissions totales à Rennes. “Ce résultat étonnamment faible s’explique par la grande part de l’énergie nucléaire dans le mix énergétique français”, précise Melissa Vincent, estimant qu’il ne faut donc “pas s’attendre à un résultat tout à fait similaire à l’étranger”. Azurion n’est cependant pas le plus gros émetteur de carbone dans la salle de neuroradiologie interventionnelle. L’empreinte carbone annuelle de 15 consommables médicaux (sélectionnés dans la méthode de calcul notamment pour leur volumétrie) équivaut à plus de 35 tonnes de CO2. Une méthode de calcul perfectible L’analyse a été conduite selon la méthode PEF (Product Environmental Footprint), promue par la Commission européenne. Elle comprend 16 catégories d’impact, auxquelles s’ajoutent des outils de modélisation pour ajuster les scores le plus fidèlement possible. Les résultats ont également été audités par un tiers selon les normes ISO 14040/44. “Cette méthodologie n’avait jamais été testé spécifiquement dans l’industrie de la santé, encore moins sur des équipements d’imagerie médicale, tel que le biplan, qui contient plus de 2000 pièces et composants. C’était un travail colossal” insiste Melissa Vincent. De nombreuses incertitudes pèsent néanmoins sur la méthodologie de calcul, utilisée pour la première fois dans le secteur de la santé. “Les données ont de très fortes incertitudes, notamment celles des médicaments, d’où l’importance d’aller voir les fournisseurs pour qu’ils nous donnent les données précises. Aujourd’hui, les scores sont en général indexés sur des facteurs monétaires. Le volume d’achat multiplié par le ratio monétaire [méthode de calcul consistant à estimer les émissions de gaz à effet de serre à partir de montants financiers sur lesquels s’appliquent des facteurs d’émission monétaire, ndlr] nous donne l’impact” souligne Camille Farrando. “Puisque notre objectif au CHU est de mesurer le plus précisément possible notre bilan carbone, cette étude nous a permis d’acquérir des données très précises sur un équipement d’imagerie et de donner une tendance sur l’impact d’un tel équipement. Nous étions sur un facteur dix fois moindre par rapport au ratio monétaire. Cela nous permet d’affiner notre bilan carbone et donc de rediriger les tendances d’impact des différents postes d’émission. C’est un sujet sur lequel nous souhaiterions avancer au fur et à mesure. Il commence à y avoir des bases de données partagées au niveau national ou entre établissements mais la donnée est pour l’instant assez peu disponible” indique Camille Farrando. Le CHU poursuit sa stratégie de décarbonation L’optimisation des systèmes CVC (chauffage, ventilation et climatisation) dans les blocs opératoires et l’arrêt des systèmes entre les procédures figurent parmi les pistes envisagées. L’hôpital a calculé des gains d’énergie possibles de 20% en éteignant le système Azurion entre chaque intervention. L’apport du numérique et des outils d’intelligence artificielle peuvent aussi permettre de maîtriser la consommation énergétique, en améliorant par exemple la qualité des images et en augmentant l’efficience des procédures. Le CHU de Rennes prévoit d’étendre ces analyses à d’autres salles d’opérations et d’imagerie interventionnelle. Son nouveau Centre Chirurgical et Interventionnel, dont l’ouverture est prévue en 2025, sera un lieu privilégié dans la conduite de ces travaux. L’hôpital a aussi été sollicité par d’autres établissements qui entament la démarche de calculer leur bilan carbone. Philips entend, de son côté, continuer à accompagner le CHU sur d’autres équipements, comme l’IRM. Mélissa Vincent soutient que “de plus en plus d’établissements de santé, publics comme privés, sont intéressés par une telle démarche”. Le CHU en chiffres : Établissement pivot du GHT Haute Bretagne 4 sites Plus de 1 800 lits 13 unités mixtes de recherche Depuis 2016, un projet de reconstruction d’un nouveau CHU vise à regrouper en un site unique l’ensemble de ses activités de médecine, de chirurgie et d’obstétrique. Le coût du projet de reconstruction du CHU de Rennes s’élève à 875 M€, dont 218 M€ pour les travaux de la construction du centre chirurgical et interventionnel (CCI) (Source : ARS Bretagne) Clarisse Treilles HôpitalImagerie médicalePartenariatRSEStratégie Besoin d’informations complémentaires ? 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