Accueil > Parcours de soins > IA diagnostique : la réponse aux anatomopathologistes sous pression ? IA diagnostique : la réponse aux anatomopathologistes sous pression ? Owkin a révélé le 12 décembre dernier les résultats d’une étude réalisée auprès de pathologistes et d’oncologues sur le devenir de leur profession et la numérisation des laboratoires. Face à la complexité croissante des diagnostics, Owkin guette les signaux positifs du marché sur l’intelligence artificielle, alors que de fortes barrières économiques et techniques persistent. Par Clarisse Treilles. Publié le 17 décembre 2024 à 22h49 - Mis à jour le 17 décembre 2024 à 15h43 Ressources Owkin, qui déploie des solutions d’IA dans le diagnostic, a diffusé un questionnaire à 312 pathologistes et oncologues répartis en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis pour mesurer le ressenti des pathologistes et des oncologues par rapport à la transformation de leur profession. Le ressenti global est sans appel : trop de patients, trop de biomarqueurs, pas assez de temps. Les pathologistes interrogés par Owkin ont l’impression de crouler sous la demande croissante et la complexité des diagnostics. L’étude révèle que 55 % d’entre eux souffrent de stress et d’épuisement professionnel et plus d’un tiers admettent que cette surcharge impacte directement la qualité des soins aux patients. Meriem Sefta, responsable diagnostic chez Owkin Ces résultats viennent appuyer la sensation des anatomopathologistes d’être “pris dans un étau” avance Meriem Sefta, responsable en chef du diagnostic chez Owkin, à mind Health. “Ils ont une lourde responsabilité diagnostic, souligne-t-elle, même si paradoxalement, ils ne sont jamais en contact avec les patients. En parallèle, leurs diagnostics doivent être de plus en plus fins à mesure que les traitements anticancéreux deviennent eux-mêmes de plus en plus précis et diversifiés.” Owkin a voulu sonder les professionnels sur la numérisation des données et l’intégration de solutions d’IA telles que celles d’Owkin à leurs flux de travail. Dans l’ensemble, les répondants y sont plutôt favorables. 65 % des répondants estiment que l’IA permet de lever toute ambiguïté dans les résultats des tests de diagnostic et 70 % pensent que l’accès aux tests serait facilité grâce à l’IA (79% en France, 71% aux États-Unis et 60% au Royaume-Uni). “Je pense que les pathologistes en France sont très demandeurs de l’IA. Ils sont plutôt des adopteurs de la première heure. Il existe d’ailleurs beaucoup de start-up autour de la pathologie numérique en France” soutient Meriem Sefta. Des images riches d’informations L’IA est porteuse de nouveaux cas d’usage qui ont été partiellement explorés jusqu’ici. Meriem Sefta mentionne quelques exemples : “Grâce à l’IA, il est possible d’orienter le patient vers les tests auxquels il est le plus susceptible de répondre. Aujourd’hui, par exemple, les femmes qui présentent des mutations des gènes BRCA, peuvent être orientées vers des tests de séquençage, mais comme ils sont coûteux et chronophages, près de 35% seulement des patientes sont testées. En appliquant l’IA sur les images d’anatomopathologie numérisées, il est possible de pré-identifier les patientes qui sont le plus susceptibles d’être porteuses de la mutation. L’IA est donc un élément de préorientation avant un test génétique, permettant d’optimiser les ressources des anatomopathologistes et des tests autour des patients susceptibles d’être porteurs d’altérations données. L’IA pourra aussi servir un jour de test en soi, même si cette hypothèse n’est pas encore une réalité. L’IA permettra alors de prédire directement la réponse et de stratifier les patients à partir de l’image”. Si l’IA présente autant d’espoir, c’est que la donnée d’anatomopathologie est riche d’enseignements sur une pathologie. “La lame d’anatomopathologie est ultra puissante. Aucun cancer n’est diagnostiqué sans ces images générées et analysées. La lame a été sous-exploitée pendant des années car elle n’était pas numérisée, elle ne pouvait qu’être exploitée visuellement sous un microscope. Or, une image numérisée correspond à 2 gigabytes d’informations, soit à peu près le poids d’un film”, précise Meriem Sefta. Pourtant, force est de constater que les laboratoires sont loin d’avoir tous achevé leur numérisation. La majeure partie des pathologistes continue à utiliser exclusivement le microscope pour étudier les lames issues des biopsies. Selon l’étude d’Owkin, l’intégration de l’IA est notamment ralentie par plusieurs facteurs, comme des ressources et des infrastructures informatiques insuffisantes (43 %), un coût de numérisation trop élevé et un manque de financement (23 %). Trouver des modèles La question du financement et des modèles de prise en charge se pose sur le long terme. “D’où va venir cette impulsion ? Quels sont les modèles économiques sous-jacents ? ” s’interroge Meriem Sefta. Jean-François Pomerol (Tribun Health) : L’IA en santé, et notamment en anapath, est un secteur encore fragile” Le consortium PortrAlt, lancé en mars dernier par Owkin sur fonds publics, s’attèle à l’enjeu de bâtir une filière de la pathologie numérique en France. “Nous ne voulons pas nous retrouver dans la position où la France fournit les idées en R&D mais ne fait pas naître de champions industriels” souligne Meriem Sefta. Le but est de déployer 15 nouveaux outils d’IA d’ici cinq ans, spécialisés dans le diagnostic et la détection de biomarqueurs. “Nous disposons déjà de bases de données. L’étape suivante consiste à lancer dans les prochains mois des tests en conditions réelles de solutions dans des laboratoires d’anatomopathologie” commente Meriem Sefta. Les premiers tests se feront sur des produits d’Owkin. Parmi les projets lancés, un partenariat avec AstraZeneca vise à développer une solution d’IA pour détecter les mutations gBRCA à partir de lames d’anatomopathologie numérisées. Owkin poursuit aussi le développement de ses propres logiciels. Pour l’heure, il y en a deux : MSIntuit CRC et TLS Detect. MSIntuit CRC est un outil de présélection pour la détection des MSI (microsatellite instable) à partir des lames histologiques du cancer colorectal. Owkin travaille sur une deuxième version du produit visant à intégrer les biopsies en complément des résections tumorales (chirurgies pour retirer la tumeur) pour aller vers des fragments tumoraux plus fins et par conséquent des diagnostics précoces et moins intrusifs. Il est aussi question d’élargir le champ des indications de l’outil, au travers de son partenariat avec le laboratoire MSD. Son second outil, TLS Detect, identifie les structures lymphoïdes tertiaires pour prédire la réponse aux immunothérapies. Lancé en mai dernier dans sa version recherche, il est encore tôt pour tirer des conclusions sur son déploiement. Owkin souhaite travailler en profondeur sur les modèles de prise en charge : “Les laboratoires d’anatomopathologie veulent utiliser ces solutions, mais tant qu’elles ne sont pas remboursées, ils n’en ont pas les moyens” souligne Meriem Sefta.“Nous essayons autant que possible de travailler avec des pharma pour sponsoriser la prise en charge de ces outils et nous discutons aussi avec des payeurs”. Owkin mène en parallèle des études d’impact économiques côté patients pour affiner l’usage de leurs produits avant qu’ils ne rencontrent leur public de manière plus large. Clarisse Treilles anatomopathologiecancerImagerie médicaleIntelligence ArtificielleLaboratoiresOutils numériquesStratégie Besoin d’informations complémentaires ? 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