Accueil > Financement et politiques publiques > TENDANCES 2025 – Financements : le temps des incertitudes TENDANCES 2025 – Financements : le temps des incertitudes mind Health décrypte 10 tendances qui marqueront l'année 2025. Après une année 2023 marquée par un fort recul des investissements en santé, l'année 2024 a globalement été celle du retour de la croissance. Cette dernière est cependant mesurée, les acteurs du financement restant prudents face à de nombreux facteurs d'incertitude (inflation, guerre en Ukraine, instabilité gouvernementale en France, futurs choix politiques de Donald Trump,...). Par Romain Bonfillon. Publié le 28 janvier 2025 à 8h00 - Mis à jour le 28 janvier 2025 à 17h11 Ressources Contexte : Après le fort recul de l’année 2023, les levées de fonds des start-up françaises de la e-santé ont renoué avec la croissance en 2024. Dans son baromètre annuel des levées de fonds en santé numérique, mind Health a recensé 54 opérations, soit 9 de plus qu’en 2023, pour un montant total de 654 M€, soit plus de deux fois plus que l’année précédente. À noter que la levée exceptionnelle d’Alan, d’un montant de 173 millions d’euros, compte pour 30 % du total. Outre le nombre de start-up ayant levé et le montant total, le montant levé par tour de table a lui aussi augmenté. Alors qu’il avait été divisé par deux en 2023 (de 7 à 3,5 millions d’euros), le ticket médian est ainsi remonté à 5 millions d’euros l’année dernière. Nous assistons à une concentration du financement sur des projets à plus haute maturité. Les secteurs structurellement risqués (DTx et biotech) sont logiquement en difficulté. En dépit de la raréfaction globale du financement, qui n’est pas propre au monde de la santé, les montants, lorsqu’ils sont investis, peuvent être très significatifs. Signaux forts/faibles : Santé numérique : la prime aux plus forts En temps d’incertitude, les fonds d’investissements ont une propension naturelle à se replier sur des valeurs sûres, c’est-à-dire soit vers les sociétés qu’elles ont déjà en portefeuille, soit vers des start-up déjà matures dont le business model est particulièrement solide. C’est le cas aux Etats-Unis, où Rock Health note qu’une poignée des grandes entreprises de la santé numérique ont dominé le marché l’an passé, créant une dynamique semblable à celle de “David contre Goliath”. Cette situation devrait perdurer en 2025, notent les auteurs du rapport. À noter que selon ce dernier, les entreprises américaines du monde de la santé numérique ont levé en 2024 presque autant qu’en 2023 (10,1 Mds $ vs 10,7 Mds $). Le ticket moyen par transaction a lui aussi très légèrement baissé l’an dernier (20,4 M$ vs 21,5 M$ en 2023). Autre étude instructive, celle d’EY, parue en décembre dernier et qui porte sur le marché mondial des medtech. Ici encore, c’est la prime aux plus forts qui s’applique, puisqu’en 2023 les leaders commerciaux du secteur ont connu une croissance de 14,3 % de leurs revenus, alors que les leaders émergents (ceux avec des revenus inférieurs à 500 M$) ont subi une baisse de 9,1 %. Le rapport note également que le secteur des medtech a continué à croître en 2024 (+4% environ), mais il s’agit du rythme de croissance le plus faible depuis 2017. Biotech : un paysage très contrasté, mais une possible reprise Selon le bilan annuel 2024 du capital-risque en France établi par le cabinet d’analyse EY, le secteur des sciences de la vie a connu en 2024 une baisse significative de 17% en valeur. Ce bilan fait écho aux observations de Sacha Pouget, managing director du cabinet de conseil Aimpact. Cet analyste financier relève que les financements des biotech cotées ont été quasiment divisés par deux (- 45%) au deuxième semestre 2024 par rapport au premier semestre. En termes de levées, il s’agit là pour les biotech du pire S2 (337 M€) depuis le S2 2016 (316 M€). “Les biotech semblent subir le contrecoup de la dissolution”, explique Sacha Pouget. Selon EY, l’Europe accuse quant à elle sa troisième année de baisse, avec des montants levés de 53,3 Mds $ (-10 %). À noter que cette situation est propre à l’Europe, puisque EY observe un retour des investisseurs américains sur leur marché domestique, avec une croissance de 25 % des levées de fonds (190 Md$). Peut-on espérer que ce climat favorable outre-Atlantique se reporte sur l’Europe ? C’est ce que semble indiquer une étude publiée le 15 janvier par Pitchbook, qui note qu’au premier trimestre 2025, la valeur totale des transactions du premier trimestre a déjà dépassé la moitié du trimestre dernier. Près d’1,2 Md € ont ainsi été levés en moins d’un mois, contre 2,1 Mds € au dernier trimestre de 2024, selon les données de Pitchbook. Parmi les transactions les plus notables, figure notamment la série A record de 411 M$ de la biotech britannique Verdiva Bio. Hôpitaux et CLCC en temps de crise La santé financière des établissements de santé, qui constituent un puissant moteur de l’innovation, est un indicateur important de la capacité d’un pays à soutenir les acteurs de son écosystème healthtech. Or, selon un article du Monde paru le 27 novembre 2024, le déficit des CHU, qui s’ajoute à celui de la « Sécu », a doublé chaque année depuis 2021, pour atteindre 1,1 Md € en 2024. Seconde crise, qui se fait jour, note également le quotidien : “18 CHU, sur les 32 qui quadrillent le territoire, se sont retrouvés en insuffisance nette de financement, à la fin de 2023”. Pour Florence Favrel Feuillade, DG du CHU de Brest et présidente de la Commission Recherche et Innovation de la Conférence des DG de CHRU, “nous sommes dans une situation de grande difficulté budgétaire car aujourd’hui, les modèles de financement ne correspondent pas aux charges de nos établissements. Pour autant l’innovation est pour nous un facteur de transformation de nos organisations, de nos adaptations pour accélérer les parcours patients, fluidifier nos organisations”. Difficile cependant d’innover sans les fonds nécessaires et le PLFSS 2025 – qui devrait en toute logique être très contraint financièrement – n’invite pas les acteurs à l’optimisme. La situation est identique pour les Centres de lutte contre le cancer (CLCC). Avec l’évolution des tarifs et le contexte d’inflation, les conditions financières des CLCC se sont dégradées en 2024 : près de la moitié des établissements ont été déficitaires l’an dernier alors que l’ensemble des CLCC tendait vers l’équilibre en 2023. “Nous devons beaucoup autofinancer nos projets innovants et nos investissements”, analyse Sophie Beaupère, déléguée générale d’Unicancer. Innovation, prévention, RSE : les priorités d’Unicancer dans un contexte financier tendu Perspectives 2025 : Pour Jérôme Fabiano, Deputy Managing Director chez EIT Health, “il y aura en 2025 de grosses levées de fonds, des sociétés qui vont atteindre leurs milestones, et réussir. Par contre il y aura beaucoup de casse, pour les start-up mais aussi pour les fonds d’investissements qui vont être mis en difficulté. Globalement, la capacité à investir va être affaiblie”. Dans cette logique du tamis – une forme de darwinisme économique – Jérôme Fabiano prédit que les conditions actuelles du financement “vont consolider certaines équipes, celles qui sont capables de passer à un stade industriel”. Pour Franck Mouthon, directeur exécutif de l’agence de programmes pour la recherche en santé de l’Inserm et ancien président de France Biotech, “nous sommes entrés dans le dur, à la fois sur les financements publics et privés. Tout ce qui va permettre de fiabiliser les données générées va être de nature à permettre des financements, mais de manière très parcimonieuse.” Lise Alter, ancienne directrice générale de l’Agence de l’innovation en santé (et directrice du cabinet du ministre chargé de la Santé et de l’accès aux soins, Yannick Neuder de la santé depuis le 17 janvier 2025) confiait à mind Health en décembre dernier : “Il y a un vrai enjeu sur le financement de l’innovation et nous y travaillons avec l’équipe de Philippe Tibi (président du comité exécutif et des comités techniques du projet “Financement Scale-UP” au Ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance, ndlr) et de Franck Mouthon au travers d’une formation des LP’s aux investissements. Le contexte, qui n’est pas purement français, fait que l’on a besoin de plus en plus de ces fonds propres, car les développements cliniques sont de plus en plus coûteux”. Florence Favrel Feuillade, DG du CHU de Brest et présidente de la Commission Recherche et Innovation de la Conférence des DG de CHRU, fait remarquer que “la loi Macron a permis aux établissements hospitalo-universitaires de rentrer dans le capital des start-up, mais sous conditions de dette et de niveau de déficit. Comme la situation des établissements s’est dégradée, même pour des petits montants (une prise de participation de quelques milliers d’euros) c’est un processus décisionnel qui est très long et que l’on voudrait simplifier pour le rendre plus accessible. Nous espérons que cela va bouger en 2025 dans le cadre de la loi de simplification”. Romain Bonfillon biotechFinancementsFonds d'investissementHôpitalInnovationLevée de fonds Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind