Age Impulse : préserver l’autonomie des seniors

La genèse

Ingénieur de formation, Gabriel Dib consacre sa thèse de doctorat au contrôle commande de processus complexes. Une première expérience avec les jumeaux numériques qui, des années plus tard, lui donnera l’idée d’utiliser ces modèles pour prévenir les risques de chute des seniors. “Je me suis intéressé à ce sujet pour des raisons familiales et j’ai découvert des chiffres étonnants. En France, deux millions de personnes de plus de 65 ans chutent chaque année, soit une chute toutes les 15 secondes. À l’heure où les urgences sont engorgées, cela occasionne 150 000 hospitalisations par an et provoquent 13 000 décès. Le Plan national antichute estimait en 2022 à deux milliards d’euros par an le coût pour le système de santé. L’idée était de développer une solution afin de prévenir les chutes”, détaille Gabriel Dib. En juin 2020, il crée la start-up Age Impulse.

Deux applications pour préserver l’autonomie des seniors

La start-up commence par développer une première application en s’inspirant des travaux de  Véronique Billat. Professeure des universités et chercheuse en physiologie, elle est notamment connue pour avoir entraîné le cycliste sur piste centenaire Robert Marchand, détenteur de plusieurs records de vitesse, dont le dernier obtenu à 105 ans. Pour analyser l’état de forme d’une personne, Véronique Billat analyse notamment le volume d’oxygène maximum (VO2 max).

“C’est un indicateur agrégé de l’état de forme, il reflète la capacité des poumons à absorber l’oxygène, celle du système cardiovasculaire à pomper cet oxygène et l’efficacité des muscles à générer et à utiliser de l’énergie. De nombreuses études montrent que l’on peut améliorer de 15 à 20% son VO2max et gagner dix années d’espérance de vie en bonne santé. Nous avons transposé la méthode de Véronique Billat dans notre application. En analysant 14 minutes de marche, nous sommes capables de connaître le niveau de VO2max d’une personne et de générer des exercices personnalisés lui permettant de l’améliorer via des sessions de 30 minutes trois fois par semaine ”, explique le fondateur et président d’Age Impulse. L’application est commercialisée depuis fin 2022 auprès de mutuelles, comme Inizys, qui la proposent à leurs adhérents. 

À l’automne 2023, une levée de fonds permet à la start-up de travailler sur sa seconde solution (Gaitwin) visant à créer un jumeau numérique de la marche. “Notre application est basée sur une étude prospective de deux ans durant laquelle nous avons étudié vingt-deux paramètres biomécaniques de la marche. Nous en avons finalement implémenté quatre (vitesse de marche, variabilité de la foulée, fréquence de la foulée et longueur de la foulée) dans notre application”, développe Gabriel Dib. 

La technologie

La start-up a développé un modèle d’intelligence artificielle pour prédire le risque de chute. “Il a été validé avec l’équipe Mathématiques et intelligence artificielle de Sorbonne Université”, précise le fondateur d’Age Impulse. L’algorithme intégré à l’application récupère les données enregistrées par un petit capteur que la personne testée porte à la ceinture. Au préalable, des informations comme son âge, sa taille son sexe et son poids ont été entrées de manière pseudonymisées dans l’application afin d’obtenir un score de risque personnalisée (faible, potentiel ou fort). Les données sont stockées dans le cloud d’OVH certifié HDS. En 2024, Age Impulse a été l’une des entreprises lauréates du StartUp Program d’OVHcloud.

“Il nous fallait initialement 15 secondes pour obtenir le score de risque d’une personne, cela peut représenter une distance de 20 mètres pour une personne âgée, nous avons donc réussi à réduire la durée du test à quatre foulées”, indique Gabriel Dib. En fonction du score de risque, l’application indique des recommandations : consulter son médecin traitant ou un kiné (risque modéré), sensibiliser les proches et contacter un téléassisteur (risque fort). L’historique du risque de chute est également consultable sur l’application afin de suivre les éventuelles dégradations ou améliorations. 

Le modèle économique

“Les résidences nous achètent généralement entre deux ou trois capteurs, qui ont une durée de vie de cinq ans. Ils règlent ensuite un abonnement annuel dégressif en fonction de leur nombre de résidents”, explique Gabriel Dib. 

 “Nous recommandons d’effectuer un test tous les trois mois, mais pour les personnes présentant un risque faible, cela peut être organisé tous les six mois. L’avantage est que le test n’a pas besoin d’être réalisé par un professionnel de santé et ne nécessite pas de formation particulière, dans une résidence senior, par exemple, un animateur peut s’en charger”, souligne le fondateur d’Age Impulse. L’objectif de l’entreprise est désormais d’enrichir ses algorithmes avec des données physiologiques. 

La start-up propose également à ses clients résidences service et intervenants à domicile un accès à un tableau de bord personnalisé, leur permettant de visualiser le nombre de personnes étant à risque et d’organiser en fonction le calendrier de ses ateliers de prévention de chute.

Les clients et la stratégie de développement

La commercialisation de Gaitwin a débuté à l’été 2024. “Nous avons une dizaine de clients aujourd’hui, des résidences services ainsi que des associations d’aide à la personne. Nous avons, par exemple, signé un partenariat avec l’ADMR du Calvados et l’ADMR de Seine-Maritime. Nous avançons plutôt rapidement, c’est un marché concentré, une vingtaine d’acteurs représentent près de 70% du marché. Si l’on se projette à trois ans avec les clients que nous avons en signature, nous devrions dépasser le million de chiffre d’affaires ” décrit Gabriel Dib. L’entreprise vise également une internationalisation dès 2026. “Nous avons commencé à prospecter dans des pays européens comme le Luxembourg”, annonce Gabriel Dib. La start-up cible également le marché américain. Sélectionnée par la Région Île-de-France, elle a fait ses premiers pas aux États-Unis lors de l’édition 2025 du Consumer Electronics Show de Las Vegas en janvier dernier. 

“Nous voulons devenir l’outil de référence c’est pour cela que nous visons l’obtention du marquage CE médical d’ici le mois d’avril”, souligne Gabriel Dib. A terme, la start-up souhaite obtenir le remboursement de sa solution. 

Le financement

Age Impulse a réalisé une première levée de fonds en octobre 2023 auprès, notamment, du fonds d’amorçage dédié aux projets à impact Flore. La start-up souhaite désormais récolter entre 800 000 et 1 million d’euros d’ici le mois de septembre 2025 pour concrétiser sa stratégie et renforcer ses équipes, notamment commerciales.