Accueil > Industrie > Mostafa Lassik (Numih France) : “Il est possible d’avoir en France des solutions alternatives, tournées vers l’intérêt général” Mostafa Lassik (Numih France) : “Il est possible d’avoir en France des solutions alternatives, tournées vers l’intérêt général” Fusion des entités Mipih et SIB, Numih France revendique aujourd’hui haut et fort sa place de leader des offres et services aux établissements de santé. Son directeur général, Mostafa Lassik, revient sur la stratégie et les ambitions du GIP (Groupement d’Intérêt Public), focalisé sur l’innovation et la satisfaction de ses adhérents. Par Romain Bonfillon. Publié le 01 juillet 2025 à 22h56 - Mis à jour le 02 juillet 2025 à 16h02 Ressources La fusion des entités Mipih et SIB, officialisée le 1er janvier dernier, a-t-elle été un processus compliqué ? Cette fusion a été un défi humain, organisationnel et stratégique. Pour embarquer tout le monde, il a fallu définir une trajectoire très claire, où chacun s’y retrouve et a l’impression d’accomplir un but qui le dépasse. Cette fusion n’est pas seulement celle des collaborateurs du Mipih et du SIB, c’est la fusion de deux communautés hospitalières : celle des adhérents aux deux structures. Il a donc fallu d’abord s’assurer que ces deux communautés étaient d’accord pour fusionner. En termes d’organisation interne, nous avons naturellement été amené à harmoniser nos manières de travailler, à aligner des processus et des outils, tout en maintenant – et cela a été le plus grand challenge pour nous – la qualité de service auprès de nos adhérents. Quel est l’avantage d’une telle fusion en termes de proposition de valeur ? Nous apportons aujourd’hui une offre industrielle publique qui répond à l’ensemble des besoins des hôpitaux (la gestion médicale, RH, administrative) dans un cadre complètement sécurisé, puisque nous avons nos propres data center, avec un système d’accompagnement du changement au travers de nos cabinets de formation et de conseil. Nous sommes les seuls aujourd’hui sur le marché à apporter cette réponse publique, industrielle et servicielle. C’est ce qui nous différencie de la concurrence. Numih France se présente aujourd’hui comme le leader des solutions numériques à destination des établissements de santé. Vous n’êtes néanmoins pas le seul éditeur à revendiquer une telle position… Cette terminologie de leader est en effet utilisée par plusieurs acteurs mais dans le domaine de la santé hospitalière, nous sommes clairement l’acteur numéro 1 en termes de ressources dédiées à cette activité et de parts de marché. Mais les parts de marché ne sont pas notre finalité, c’est d’ailleurs ce qui explique notre succès. Étant une structure publique, notre priorité est d’accompagner les établissements de santé dans leur transformation digitale et 100% de nos excédents, lorsqu’il y en a, sont réinvestis directement dans la R&D et nos projets, au bénéfice de nos adhérents. La Poste Santé & Autonomie, CPage et les HCL ont créé en mai dernier “l’Alliance SIH” pour proposer le système d’information hospitalier (SIH) de nouvelle génération, centré sur la donnée. Cette alliance constitue-t-elle une menace concurrentielle pour vous ? Nous nous félicitons de ce dispositif. Le marché national est important et nous n’avons pas vocation à tout faire. Je suis convaincu que nous aurons à l’avenir de belles synergies en commun, au bénéfice de nos hôpitaux. Il y a de la concurrence entre les acteurs, c’est une réalité, mais je vois plutôt les choses de manière complémentaire. Les parts de marché et les installations des uns et des autres sont faites. J’ajoute que toute l’approche data centrée est quelque chose que nous faisons déjà. Au sein de notre DPI, toutes les données que nous saisissons sont déjà structurées. La Poste Santé & Autonomie, CPage et les HCL s’unissent pour créer l’Alliance SIH Vous êtes un Groupement d’Intérêt Public (GIP). Qu’est-ce qui fait la spécificité de ce statut juridique en termes de gouvernance ? Un GIP est un acteur 100% public qui est aligné avec l’intérêt général. Notre gouvernance hospitalière nous donne une grande proximité avec le terrain et une capacité à co-construire nos solutions avec les établissements. Nous rendons des comptes à nos adhérents (nous ne parlons pas de “clients”). Ces adhérents sont en capacité de décider de tout : de la gouvernance de notre groupement, de nos tarifs, de nos orientations stratégiques…Notre enjeu, dans le cadre du projet Métamorph’OSE (qui correspond à la feuille de route stratégique 2025- 2027 de Numih France) est de garantir un haut niveau d’expérience adhérent. Notre Assemblée générale réunit annuellement les 1000 adhérents de Numih France. Elle a élu en son sein des administrateurs qui sont pour la plupart des chefs d’établissement ou des directeurs adjoints chargés du numérique en santé, mais aussi des médecins. En tant que GIP, nous sommes aussi le premier soutien en matière d’exécution des politiques publiques de santé et bien évidemment dans leur déclinaison numérique. Vous êtes également président de l’Asinhpa. Pouvez-vous nous rappeler la raison d’être de cette alliance et ses ambitions ? L’Alliance française du numérique éthique et souverain en santé (Asinhpa) est une fédération d’intérêt général qui regroupe des acteurs publics, tous d’origine hospitalière, et des acteurs privés (La Poste Santé & Autonomie, Enovacom, Evolucare, Synapse Medicine,…). Tous ceux qui y adhèrent signent une charte des valeurs, par laquelle ils s’engagent à garantir les valeurs d’éthique, de souveraineté, d’interopérabilité, de sécurité et de protection des données. Je me bats pour démontrer qu’il est non seulement possible, mais nécessaire, de bâtir en France des alternatives crédibles, durables et souveraines aux solutions dictées par des logiques purement financières. Les fonds de pension, souvent motivés par une finalité strictement lucrative, ne peuvent être les seuls architectes de notre avenir numérique ou organisationnel. Nous devons promouvoir et faire vivre des structures à but non lucratif, comme notre groupement d’intérêt public, fondées sur la seule boussole de l’intérêt général. Notre mission n’est pas de maximiser des profits, mais de répondre, avec exigence et sens, aux besoins concrets de nos adhérents. Vous vous présentez comme un acteur public et souverain. Quelle est votre position sur le projet de certification européenne pour les services de cloud (EUCS) ? Plaidez-vous pour que le plus haut niveau de sécurité, le SecNumCloud, soit exigé ? À l’Asinhpa, nous ne nous limitons pas à une vision française, nous avons une position européenne. L’EUCS doit pouvoir garantir qu’il ne permet pas à des fournisseurs d’exploiter les données qui sont stockées et d’éviter tout accès d’une puissance étrangère. Pour l’instant, le projet européen tel qu’il a été présenté, ne permet pas de le démontrer. C’est cet élément-là qu’il reste à faire évoluer, et le SecNumCloud le permet. Numih France cherche d’ailleurs à obtenir cette qualification. Nous espérons l’obtenir en 2026 et l’annoncer lors du prochain salon SantExpo. Nous avons pour l’instant passé les deux premiers jalons, il ne nous reste plus que le dernier à franchir. Quel est aujourd’hui votre produit phare ? Notre produit phare est aujourd’hui notre plateforme médico-administrative. Notre offre de gestion administrative comprend aujourd’hui la gestion des ressources humaines (nous réalisons à ce titre 60% des bulletins de paye de la fonction publique hospitalière, soit 600 000 bulletins par mois), la gestion économique et financière et la facturation du patient. Toute cette gamme-là de solutions a été renouvelée et nous allons encore beaucoup investir pendant les cinq prochaines années. Cette nouvelle gamme de produits s’appelle dh, comme digitalisation à l’hôpital et nous sommes capables grâce à elle d’accompagner l’hôpital sur tout le versant administratif. Pour le versant médical, il y a notre DPI Sillage. Notre ambition est d’avoir une offre unifiée, à la fois sur le plan médical et administratif. Combien représentent ces solutions en termes de chiffres d’affaires ? dh représente plus de la moitié de notre chiffre d’affaires et Sillage en représente environ le tiers. Les 20% restants sont réalisés au travers de nos nombreuses autres activités : l’hébergement des données de santé de nombreux hôpitaux, nos solutions décisionnelles, notre cabinet de conseil public qui accompagne les établissements dans leur transformation digitale, notre centre de formation qualifié Qualiopi. Comment se fait la mesure du niveau de satisfaction de vos adhérents ? C’est notre point fort. Nous avons une direction dédiée, la Direction de la relation et de l’expérience de nos adhérents (DREA). Nous avons aussi dans chaque direction opérationnelle des agents référents de la satisfaction clients, qui travaillent en réseau avec la DREA. Aussi, depuis environ 2 ans, nous externalisons nos enquêtes de satisfaction, pour ne pas être juge et partie. Nous avons également des clubs utilisateurs pour chacune de nos familles de solutions (gestion des ressources humaines, admission/facturation, gestion économique et financière, DPI, solutions décisionnelles et hébergement des données). Ces clubs utilisateurs sont, en fonction de leur taille, organisés par grande région géographique, pour éviter aux acteurs d’avoir à trop se déplacer. Numih France organise aussi une conférence des DSI, qui se tient deux à trois fois par an. L’ordre du jour est construit par les DSI des établissements adhérents. Cela nous permet de partager les sujets d’actualité, d’anticiper les évolutions réglementaires et technologiques, et de ne jamais nous couper du terrain. Une partie de la direction de Numih France se rend d’ailleurs régulièrement dans les GHT, à la rencontre des directions d’établissement, présidents des CME, DSI, directions métiers…En 2024, nous sommes allés dans presque la totalité des nos 123 GHT adhérents, pour expliquer la fusion, mesurer s’il y avait des inquiétudes et répondre aux questions posées. Enfin, nous nous assurons de l’engagement de nos collaborateurs et les sensibilisons au fait que lorsqu’ils signent un contrat chez nous, il s’agit aussi d’un contrat moral puisque nous sommes un service public. Cet engagement contribue directement à la satisfaction de nos adhérents. Vous avez annoncé, le 20 mai dernier, votre premier partenariat international avec le Fondation Mohamed VI des sciences et de la santé. En quoi consiste-t-il ? Nous allons accompagner la digitalisation de plusieurs dizaines d’hôpitaux universitaires au Maroc, d’abord à Rabat, puis à Casablanca et dans d’autres établissements puisque la Fondation Mohamed VI forme également les médecins, les infirmiers, les ingénieurs. Elle fait également de la recherche et de l’innovation, c’est un vrai partenariat stratégique pour nous. Avez-vous l’ambition de vous lancer ailleurs et des premières pistes pour d’autres marchés ? Nous sommes fortement sollicités, mais nous avançons prudemment. Le déploiement de l’Hôpital universitaire international Mohammed VI de Rabat doit se faire rapidement puisqu’il sera inauguré au mois d’octobre 2025. C’est le challenge le plus important que nous ayons eu dans l’histoire du Mipih et du SIB, compte tenu des délais contraints. D’ici deux à trois ans, notre ambition est de nous étendre en Afrique francophone et le Maroc constitue à cet égard une porte d’entrée. Nous avons déjà été sollicités par de nombreux pays comme le Sénégal, la Mauritanie et la Côte d’Ivoire. Je peux néanmoins révéler que nous avons accepté, en parallèle du Maroc et pour des raisons stratégiques et politiques, d’accompagner Djibouti, où nous sommes en train de déployer une plateforme médico-administrative dans un premier hôpital. J’ai signé un partenariat stratégique avec le ministre de la Santé publique du pays, qui vise à digitaliser les hôpitaux du pays. Ce partenariat stratégique est encore en train d’être affiné au niveau de l’organisation et du timing. Où en sont, selon vous, les hôpitaux français dans leur processus de transformation digitale ? La transformation est en marche, grâce à tous les investissements publics qui ont été réalisés ces cinq dernières années, en particulier dans le cadre du Ségur numérique. En revanche, elle est inégale. Certains établissements, nous le voyons sur le terrain, sont très avancés, mais d’autres peinent à structurer leur système d’information. Notre rôle est d’accompagner cette diversité de maturité en proposant des solutions qui puissent répondre à tout le monde, quitte à hybrider certaines selon le niveau de maturité. Qu’est-ce qui peut expliquer ces différences de maturité ? Les causes sont multiples. Nous constatons que les établissements médico-sociaux accusent un certain retard, malgré les 630 M€ injectés dans le Ségur. Aussi, et de plus en plus, nous nous rendons compte des difficultés qu’ont les établissements pour recruter des profils informatiques de bon niveau, puisque les salaires sont plus faibles que dans le privé. Il existe également dans plusieurs GHT des difficultés de gouvernance et d’alignement entre les établissements partis rendant plus compliqué d’opérer une transformation numérique efficiente. Mostafa Lassik Depuis mai 2025 : Directeur général de Numih France Depuis décembre 2018 : Président de l’Asinhpa 2020 – 2025 : Directeur général du Mipih 2010 – 2017 : Directeur adjoint du Centre Hospitalier de la Côte Basque (CHCB) Numih France en chiffres Date de création : 1er janvier 2025 (fusion du Mipih et du SIB) Nombre de collaborateurs : 1400 Nombre d’établissements adhérents : plus de 1000 (dont 125 GHT équipés des solutions Numih France) Chiffre d’affaires : 200 M€ de CA annuel projeté en 2025 Bénéfices réalisés : environ 3 M€ en 2024 (+2,7 M€ pour le Mipih et + 200 K€ pour le SIB). Ces 3 M€ ont été directement affectés en R&D. Quatre IA faites maison Numih a annoncé en mai dernier un investissement de 1 Md€ d’ici 2030 (200 M€ par an) pour accélérer son développement, notamment au travers de l’implémentation de l’IA. À côté des 12 solutions d’intelligence artificielle qui sont référencées dans le store IA de Numih France et qui viennent enrichir son offre, le GIP a développé ses propres IA, autour de 4 cas d’usage : Basée sur l’IA générative, SAUsmart est une solution prédictive des entrées au niveau des urgences et des hospitalisations post-urgence, qui vise à améliorer la prise en charge. Implémentée au CH de Maubeuge, la solution est en train d’être déployée dans l’ensemble des établissements adhérents de Numih France. “Le projet marche tellement bien, que nous allons faire évoluer l’outil pour qu’il évalue aussi les capacités dans les services cliniques, l’objectif étant de pouvoir piloter le nombre de lits disponibles dans tout un établissement”, ajoute Mostafa Lassik. DispensIAtion prévient le risque iatrogénique pour le pharmacien hospitalier. Ce module a été expérimenté au CH de Douarnenez depuis 2024. “Il est désormais industrialisé et disponible pour l’ensemble de nos établissements”, précise Mostafa Lassik. Sur la partie gestion, l’IA baptisée Cockpit, co-construite notamment avec le CH d’Avignon, est une application mobile destinée au pilotage stratégique des établissements de santé et destinée aux directions générales. Elle sera déployée sur le dernier trimestre 2025 et généralisée à tous les établissements à partir de 2026. Enfin, une nouvelle solution, baptisée GenRH, a été codéveloppée avec le CHU de Reims et avec un consortium scientifique porté par l’Institut de l’intelligence artificielle en santé (IIAS). “Elle vise à automatiser le maximum de tâches RH, pour que l’on puisse se recentrer sur l’humain. Chaque année, les agents de la fonction publique hospitalière doivent faire des entretiens d’évaluation. Ces entretiens aboutissent à des comptes rendus. L’IA permet de synthétiser automatiquement tout ce qui s’est dit pendant l’entretien, de faire remonter les sujets importants et d’alimenter automatiquement les logiciels RH et de formation”, explique Mostafa Lassik. GenRH sera expérimentée à l’automne 2025 au sein du service RH du CHU de Reims. À noter que toutes ces solutions d’IA, comme l’ensemble des logiciels de Numih France, sont codéveloppés avec des établissements de santé. “C’est dans notre ADN, nous avons toujours procédé ainsi : les hôpitaux identifient les cas d’usage et nous développons directement avec eux les solutions adaptées”, explique le DG de Numih France. Romain Bonfillon dossier patient informatisééditeurHôpitalInteropérabilitéLogiciel Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind