Accueil > Industrie > Stratégie > Thierry Picard (Pierre Fabre) : “Les médecins et les pharmaciens se retrouvent face à des patients presque mieux informés qu’eux” Thierry Picard (Pierre Fabre) : “Les médecins et les pharmaciens se retrouvent face à des patients presque mieux informés qu’eux” Après un début de carrière dans l'accompagnement digital de sociétés de distribution, Thierry Picard a intégré les laboratoires Pierre Fabre en 2015 pour insuffler une dynamique autour du digital. Le Chief digital officer dédié à l'activité Pharmacie revient sur le déploiement de sa feuille de route et les premières réalisations. Par Aurélie Dureuil. Publié le 06 décembre 2017 à 10h45 - Mis à jour le 06 décembre 2017 à 10h45 Ressources Vous qui venez du secteur de la distribution, quel regard portez-vous sur les évolutions du secteur pharma ? Après les années où les laboratoires ont fondé leur croissance sur le pouvoir des prescripteurs, aujourd’hui, l’Internet, le téléphone mobile, les objets connectés ont rebattu les cartes. Le patient se trouve à remettre en question cette position presque supérieure des professionnels de santé. Les laboratoires se retrouvent face à des professions moins puissantes dans la façon d’imposer leurs produits. En parallèle, les laboratoires comme le nôtre ont élargi leurs gammes. Face à cette offre pléthorique, les pharmaciens se retrouvent en incapacité d’avoir tous les produits, surtout dans le domaine de l’OTC. Je me retrouve dans la situation dans laquelle j’avais trouvé le secteur de la distribution il y a 5 ans. Avec des consommateurs plus documentés que les prescripteurs. Les médecins et les pharmaciens se retrouvent face à des patients presque mieux informés qu’eux sur les produits, les effets secondaires… et ne sont pas capables d’avoir la totalité des références en tête. Face à cette offre élargie, les laboratoires ont justement besoin d’avoir des marques fortes. Comment le digital s’inscrit-il dans cette mutation ? La santé paraît être un des derniers secteurs à être bouleversé par les nouvelles technologies. Et le plus important c’est que cela touche tout le monde quelque soit les âges. La décision du groupe, il y a deux ans, a été de mettre le digital au coeur des métiers. J’ai apporté ma culture de la distribution sur la façon dont le digital doit servir le repositionnement d’une partie de l’offre du groupe. Dans le domaine de l’OTC notamment, il est important d’avoir des marques fortes avec des stratégies de communication relativement proches du mass market. Le marché pharmaceutique se distingue par sa réglementation. Comment travaillez-vous avec ces contraintes ? Si on voit la réglementation comme une contrainte, on a rapidement l’impression de ne rien pouvoir faire. Il faut la voir comme un paramètre qui pousse à être créatif. Cela contribue à une certaine transformation de l’entreprise. Les entreprises françaises ont beaucoup de mal à jouer avec la réglementation et ont tendance à être plus royalistes que le roi. Une des missions du digital est d’accélérer la transformation des entreprises, notamment à l’international. Comment mettez-vous en oeuvre cette transformation au sein de Pierre Fabre ? Nous travaillons sur deux axes principaux. Le premier est d’accompagner les projets digitaux qui sont initiés dans l’entreprise. Il peut s’agir de communication en ligne pour le marketing, de création d’applications mobiles… L’objectif est de rendre plus experts les métiers qui consomment du digital. Nous sommes là pour amorcer le service, conseiller les personnes des métiers, challenger leur vision, les aider à trouver les bons prestataires… Au bout de deux ans, nous commençons à voir des effets très concrets. Les métiers pour certains commencent à être très utilisateurs de digital. Le deuxième axe concerne la transformation de l’entreprise. Nous avons commencé par des réflexions, des rencontres en interne et à l’extérieur de l’entreprise. Nous regardons l’utilisation du digital dans le e-commerce, dans les façons de promouvoir nos marques et d’améliorer la relation patient. Nous nous intéressons également au nouveau modèle de la santé associé au digital, c’est-à-dire tous les usages de ces technologies qui modifient l’exercice de la santé et le marché et qui pourraient demain être des relais de croissance. Quels moyens sont dédiés au digital ? Chaque métier prend à sa charge le budget du projet. L’enveloppe globale au niveau du groupe se chiffre en millions d’euros. Sur ce type de projet, les budgets sont de l’ordre de dizaines de milliers d’euros. En termes de moyens humains, je travaille avec une directrice de projet, qui combine un background sur le digital ainsi qu’une bonne connaissance de la santé, puis nous avons des responsables digitaux dans chacune des trois branches de l’activité Pharmacie : les médicaments éthiques, l’oncologie, et l’OTC. Au niveau du groupe, une Core team digital a été mise en place pour travailler sur ces sujets puis les proposer au Comité de direction. Ce process garantit que les décisions ne soient pas prises par une seule personne. Vous avez également créé une Digital Academy. En quoi consiste-t-elle ? Dans les différentes branches Pharma de Pierre Fabre, des personnes font plus ou moins de digital. Pour les accompagner, nous avons créé la Digital academy en 2015. Aujourd’hui, un tiers des collaborateurs ont participé. On y propose des programmes autour des thèmes de la performance digitale, des réseaux sociaux, de la pharmacovigilance. Il y a aussi de sujets sur les questions de notoriété, voire sur la relation avec les patients ou les professionnels de santé. Nous proposons par exemple d’apprendre à créer un site Internet, mais aussi des discussions autour des usages du digital. Comment mesurez-vous les bénéfices des projets menés ? Le digital permet deux choses : le retour sur objectif et le retour sur investissement. Dans le premier cas, il s’agit de notoriété ou d’économies potentielles. Nous avons eu un projet autour de la réalité virtuelle auprès des dentistes. Cela va servir la notoriété des produits Oral care. On peut également utiliser le digital pour permettre aux pharmaciens de commander des produits en ligne et ainsi améliorer la relation clients avec ces professionnels. En terme de retour sur investissement, nous avons des projets de commercialisation de systèmes de santé. Nous sommes en train d’y réfléchir pour sortir ce type de services. Nous travaillons également sur le commerce en ligne, pour lequel nous allons probablement sortir quelque chose rapidement. Aujourd’hui, nous sommes dans des phase de preuve de concept plus que d’industrialisation. THIERRY PICARD 1997 : Ingénieur en informatique industrielle de l’Ecole Polytechnique de Marseille 1997 : Fondateur et dirigeant de l’agence GT Web. 1999 : Responsable Marketing on-line chez Houra, société du groupe Cora. 2002 : Chef de la mission Conseil des systèmes d’information en charge de la politique Internet et Intranet du ministère de l’Agriculture. 2014 : Il obtient une certification Data Science Starter Programme de l’Ecole Polytechnique de Paris. 2015 : Chief digital officer du pôle Digital Pierre Fabre Médicament & Santé. Aurélie Dureuil LaboratoiresPharmacieStratégie Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind