Accueil > Parcours de soins > Gestion de la data > Essais cliniques : améliorer le recrutement des patients avec les outils numériques Essais cliniques : améliorer le recrutement des patients avec les outils numériques Alors que le recrutement peut se compter en année, les promoteurs d’études cliniques travaillent aujourd’hui pour réduire ses délais grâce aux outils numériques. Sites internet et applications mobiles pour sensibiliser et rassurer les patients sur la recherche clinique, bases de données pour identifier plus vite et mieux les patients, gestion du consentement sont quelques-unes des pistes qui commencent à être déployées. mind Health fait le point sur ces différentes possibilités. Par Aurélie Dureuil. Publié le 12 mars 2019 à 10h28 - Mis à jour le 08 mars 2021 à 16h36 Ressources Estimé entre 1 et 3 milliards de dollars selon les études, le coût de R&D pour la mise sur le marché d’un médicament comporte de nombreux éléments, dont la mise en place des différentes phases d’essais cliniques. Et pour ces étapes, les patients restent encore au coeur du processus. Leur recrutement s’avère alors un point clé. L’étude du Leem (Les Entreprises du médicament) sur l’attractivité de la France pour la recherche clinique internationale, présentée début 2017, faisait état d’une “vitesse moyenne de recrutement par étude” de “2,6 patients par centre et par mois en 2016, loin devant le Royaume-Uni (0,9), l’Espagne (1,5), l’Europe de l’est (1,5), l’Allemagne (1,4), l’Italie (1,4) et les États-Unis (0,8)”. La France se place cependant derrière l’Amérique latine (2,9) et l’Asie (2,8). Et en fonction de la phase d’essais cliniques et du nombre de patients nécessaires pour le mener mais aussi de la pathologie concernée et des critères d’inclusion, le recrutement peut être plus ou moins rapide. “C’est très variable. Le recrutement va de quelques semaines à plus d’un an”, confie Noa Berkovich, chef du pôle Systèmes cliniques au sein du département Opérations cliniques à la direction R&D des laboratoires Servier. Son équipe “gère les systèmes classiquement utilisés pour la collecte et le suivi des essais cliniques ainsi que le pan innovation pour l’étude des futurs outils digitaux qui pourraient aider les essais cliniques de demain”, précise-t-elle. Arnaud Fouchard manager secteur public et santé chez EY renchérit : “Trouver le bon patient qui va dire oui à un essai clinique est un enjeu qui se développe de plus en plus”. Les essais in silico à l’étude Pour palier à cette contrainte, la piste des essais in silico est étudiée, c’est-à-dire utilisant des outils de simulation et de modélisation. La FDA travaille sur le sujet et a notamment tenu à l’été 2018 un webcast sur la simulation. L’Agence du médicament américaine signale ainsi “reconnaître les avantages pour la santé publique offerts par la modélisation et la simulation, y compris dans le domaine des essais cliniques in silico (utilisation de la simulation informatique individualisée pour le développement et/ou l’évaluation réglementaire de produits médicaux, d’instruments médicaux ou d’interventions médicales)”. L’autorité réglementaire liste par ailleurs cinq applications potentielles : “prévoir les résultats cliniques, accompagner la conception des essais cliniques, étayer les preuves d’efficacité, identifier les patients les plus pertinents et prévoir l’innocuité du produit”. “Dans certains cas, les essais cliniques in silico sont utilisés pour remplacer les essais cliniques sur l’homme, en particulier ceux destinés à évaluer le risque d’interactions médicamenteuses”, ajoute la FDA. Une société française s’est positionnée sur ce domaine. Créée en 2010, Novadiscovery, développe ainsi une expertise autour des outils de simulation et de modélisation pour la recherche in silico. La start-up lyonnaise se positionne surtout sur l’accompagnement des essais cliniques. C’est le cas également de la société américaine Immunetrics qui propose de la simulation et de l’optimisation d’essais cliniques dans le domaine de l’immunologie. Sensibiliser les patients à la recherche cliniques Et comme les essais cliniques sans patient ne sont pas encore répandus, les laboratoires pharmaceutiques doivent améliorer le recrutement des patients. “Ces dernières années, il y a une défiance de la part du grand public et donc des patients vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique. Cela a un impact sur le recrutement pour les essais cliniques”, observe Arnaud Fouchard qui rappelle que “ce sont toujours des gens volontaires qui participent”. Dans son enquête sur l’attractivité de la France pour la recherche clinique publiée fin 2018, le Leem appelle de son côté à améliorer l’information des patients sur la recherche clinique afin d’augmenter leur inclusion dans les essais. Les acteurs du secteur se sont saisis de cet enjeu sur la sensibilisation des potentiels patients. À l’instar des organisations professionnelles Leem, Snitem et Afcros, de la Conférence nationale des comités de protection des personnes (CPP), du Comité national de coordination de la recherche (CNCR), de France Assos Santé, de F-Crin (French clinical research infrastructure network) ainsi que la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), qui se sont associés autour du site Notre recherche clinique. Les laboratoires développent également de la visibilité sur ces sujets comme Lilly qui y consacre une page de son site internet ou encore Novartis. Informer sur les études en cours ou à venir Le laboratoire suisse se targue d’ailleurs d’avoir été, en 2005, “l’une des premières entreprises du médicament à publier au niveau mondial les avancées et les résultats de nos essais cliniques, à destination des professionnels de santé comme des patients” avec son site dédié. Fin 2018, Roche France a mis à disposition une plateforme informatique afin de répertorier les essais cliniques sur le cancer du poumon dans l’Hexagone et à l’international tandis qu’Abbvie a créé un site internet d’information sur les essais cliniques mais comportant aussi une carte permettant de géolocaliser les essais cliniques en cours ou à venir. Chez Servier, Noa Berkovich étudie la faisabilité à moyen-long terme d’améliorer la visibilité, auprès des patients, des essais cliniques en phase de démarrage à travers “des sites web dédiés par essai pour donner de l’information aux patients et éventuellement les orienter vers un centre investigateur s’ils souhaitent participer à l’essai”. Identifier les volontaires potentiels grâce à des bases de données Pour accélérer le recrutement, les laboratoires misent ainsi sur les bases de données référençant les centres investigateurs ou les potentiels volontaires. Des start-up se positionnent sur la constitution de ces bases de données et leur accès. Elles sont américaines comme Sciences 37 et Evidation Health qui affichent des partenariats avec des laboratoires pharmaceutiques comme Sanofi. Des sociétés françaises se positionnent également. À l’exemple d’Inato qui collabore avec Ipsen. “L’IA nous aide à mieux sélectionner les sites investigateurs et les cohortes de patients répondants au traitement”, note le laboratoire avant de détailler les objectifs du partenariat noué avec Inato : “Le principe est de digitaliser la faisabilité de l’étude clinique pour répondre aux points suivants : mieux identifier l’intérêt d’un investigateur pour une étude définie grâce aux données, mieux comprendre la compétition dans les différents centres/pays, acquérir, structurer, contextualiser et labelliser des données pour à l’avenir pouvoir les utiliser…” En France, la start-up BePatient, qui développe des solutions pour l’accompagnement des patients lors d’hospitalisation, dans le cadre de maladies chroniques mais aussi au cours d’essais cliniques, travaille également sur le sujet du recrutement, principalement pour des études observationnelles. “À travers nos différentes activités, nous gérons des e-cohortes. Dans certains cas, via des consentements spécifiques et la stratification des données, nous demandons aux utilisateurs si ils veulent participer ou pas à des études. Nous avons quelques projets qui se construisent autour de cette notion mais cela reste très lié aux volumes”, indique Frédéric Durand-Salmon, P-DG de BePatient. Car pour utiliser des bases de données pour identifier les patients potentiels, l’accès aux données massives s’avère crucial. Un sujet sur lequel se positionne notamment InterSystems spécialisé dans la gestion des données des établissements de soins. “La difficulté aujourd’hui est de récupérer les données en quantité et qualité. Elle sont dans les DPI (dossier patient informatisé, NDLR), dans les hôpitaux, dans les laboratoires, dans des formats de données qui diffèrent”, constate Florence Cureau, ingénieur avant vente d’InterSystems. Elle mentionne le socle technologique Iris For Health et la plateforme HealthShare pour accéder à ces données. A travers ses solutions, la société propose en effet d’ “aider à analyser le dossier médical en temps réel avec des outils d’analyse sémantique par exemple”, ce qui permet “d’identifier des patients qui pourraient être intéressants pour un essai clinique et de signifier de manière automatique au médecin que son patient a été identifié”. La FDa a notamment annoncé en début d’année son intention de travailler sur les essais cliniques décentralisés, ce qui passera par l’identification des patients via leur dossier clinique. Florence Cureau cite l’exemple du réseau de santé américain Northwell Health. “Ils utilisent une plateforme pour agréger, intégrer et stocker des données de DPI de différents établissements. Ils comptent 23 hôpitaux et 450 autres acteurs. Ils ont construit une liste de patients selon les critères d”’inclusion comme un diagnostic confirmé de cancer et une chirurgie prévue. Ils ont utilisé l’outil d’analyse sémantique pour aller vérifier dans tous les rapports (de radiologie, de pathologie mais aussi les notes cliniques) que le patient est éligible au don de tissu et peut être contacter pour son consentement”. Faire évoluer le recueil du consentement En effet, une fois le patient identifié, il faut recueillir son consentement à participer à l’essai clinique. Une étape qui a évolué en 2018 avce l’entrée en vigueur du règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD) au niveau européen en mai et des méthodologies de références publiées par la Cnil en juillet. “Nous travaillons aujourd’hui avec des formulaires de consentement “classiques” en format papier, qui ont été revus pour être conformes aux récentes évolutions de réglementations. Et, nous réfléchissons à comment apporter une information plus pédagogique, plus interactive, grâce au digital. L’idée est d’intégrer des contenus dynamiques, tels que des vidéos ou des glossaires, accessibles à tout moment pour faciliter la compréhension du patient quand il s’engage dans un essai clinique. La dernière étape serait de digitaliser la signature du patient, là où la réglementation le permet”, confie Noa Berkovich de Servier. Arnaud Fouchard appelle par ailleurs à une meilleure gestion des consentements : “Aujourd’hui, on demande tellement de fois le consentement aux personnes. Comme pour beaucoup de choses, la centralisation et la conservation des consentements est importante”. L’association Seintinelles construit une base de patients pour les études Créée pour aider à la mise en relation des chercheurs et médecins avec des patients pour des projets de recherche en oncologie, l’association Seintinelles a construit une base “d’un peu moins de 28 000 personnes dont près de 8 000 patients ou anciens patients”, confie Lauriane Bassoleil, responsable opérationnelle et communication. Après la validation par le comité scientifique, les projets soumis par les chercheurs sont communiqués à la base via une newsletter. Les personnes inscrites peuvent ensuite se manifester pour participer. Si pour le moment, il s’agit de projets de recherche en sciences humaines et sociales, des réflexions sont en cours pour davantage qualifier la base, “pour envoyer les bons emails aux bonnes personnes”. Et pourquoi pas communiquer sur des essais cliniques. “Nous discutons actuellement sur la possibilité de lancer des essais cliniques sur la base du site. Il s’agit pour le moment de réflexions”, précise Lauriane Bassoleil. Cliquer sur le tableau pour le voir dans son intégralité. Aurélie Dureuil base de donnéesEssais cliniquesPatientstart-up Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire La FDA veut développer des essais cliniques "décentralisés" grâce aux outils digitaux Essais cliniques : Partenariat autour d'une plateforme d'identification des patients