Désinformation médicale : la résistance s’organise

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Le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) présentait le 16 janvier sa charte du médecin créateur de contenus. Une initiative née il y a un an et qui voit le jour en pleine polémique sur le renoncement de Meta au fact-checking de ses réseaux sociaux. 
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“La désinformation prolifère, tout comme les pressions commerciales en particulier dans des domaines comme la chirurgie esthétique. Parmi les vidéos sur la santé qui font des millions de vues, combien ont un contenu médical vérifié ?”, s’interroge le Dr François Arnaud, président du CNOM. 

Face au constat d’une désinformation médicale grandissante, l’Ordre des Médecins a sollicité il y a un an et demi l’aide de la plateforme YouTube. Cette dernière est en effet familière des questions de modération, s’étant en particulier distinguée au travers d’un partenariat initié en 2022 avec l’AP-HP ou en s’engageant, un an plus tard, à supprimer « tous les contenus faisant la promotion de traitements anticancéreux nocifs ou inefficaces ». La période Covid aura marqué un tournant, nous poussant à faire un règlement pour une information fiable, vérifiée et de qualité”, analyse Justine Ryst, directrice générale de YouTube France (cf. notre encadré)

La charte du CNOM, un “point de départ”

Conçue comme un guide de bonnes pratiques, la “charte du médecin créateur de contenu responsable” est le fruit du travail d’un groupe pluridisciplinaire, réunissant des représentants de l’Ordre des médecins, des experts de YouTube, ainsi que des médecins engagés dans la création de contenu médical en ligne. Déclinée en 10 principes, elle fixe un cadre déontologique non contraignant, qui vise essentiellement à servir de repère pour la création de contenus de qualité. “Cette charte est un point de départ et nous souhaitons qu’un maximum de médecins la signent”, confie le Dr François Arnaud. Largement partagée, cette charte pourrait ainsi servir de base pour exclure un contenu d’une plateforme et pourrait faire l’objet d’un label apposé sur les vidéos de ses signataires. Objectif : discréditer “en creux” les contenus de ceux qui ne peuvent s’en prévaloir. 

Fake news en santé : la lutte s’organise

La pandémie de Covid a vu le nombre de rumeurs et fausses informations en santé exploser, au point que l’OMS lance une campagne pour lutter contre ce qu’elle qualifie d’infodémie. Des initiatives nationales sont nées, à l’image du collectif No FakeMed ou de la communauté pro vaccin des Vaxxeuses. À noter qu’en septembre dernier, l’Inserm s’est également lancé dans ce combat contre la désinformation, en mettant en place une série, baptisée Canal Détox, et destinée à “valoriser la parole scientifique”.

Pour autant, ces moyens de lutte n’empêchent pas les fausses informations de se diffuser plus largement et d’entrer dans les esprits. C’est fort de ce constat qu’Adel Mebarki a créé il y a un an la start-up Foresight Data Agency. Ce spécialiste de l’analyse des réseaux sociaux (co-fondateur de l’entreprise KapCode – dédiée aux enjeux de l’expérience patient – qu’il a quittée en décembre 2023), observe que “l’on traite de la désinformation a posteriori, c’est-à-dire qu’on attend que la fausse information atteigne une certaine viralité, avant de la traiter sous la forme d’une communication de crise ou sous forme juridique”. Aussi a-t-il créé un “bouclier informationnel” destiné à identifier très en amont une fausse information “pour casser les chaînes de contagion, avant que la croyance s’installe”, précise-t-il. Cet outil s’appuie sur trois critères : la nature du diffuseur de la fausse information (a-t-il un vrai ou un faux compte ? est-ce un troll ?) ; la vitesse de propagation de l’information (une fake news est connue pour se répandre en moyenne 7 fois plus vite qu’une vraie information) ; le fonctionnement du réseau (au travers d’une représentation graphique mettant notamment en lumière les interconnexions entre communautés et leur ancienneté). Parmi ses partenaires, essentiellement institutionnels, figure notamment la Miviludes.

Fin du fact-checking des réseaux sociaux : quelles conséquences ?

Adel Mebarki, fondateur de la start-up Foresight Data Agency

Pour Adel Mebarki, “l’abandon du fact-checking par Instagram et Facebook est une catastrophe.. Si on se réfère aux travaux de l’Arcom sur la prolifération des fausses informations, X et Tik Tok apparaissaient jusqu’à maintenant comme les mauvais élèves, Youtube faisait partie des bons élèves ; Facebook et Instagram étaient en milieu de tableau.

On va donc se retrouver avec une homogénéisation de la diffusion de fausse information, le groupe Meta rejoindra X et Tik Tok. Mécaniquement cela va avoir un impact de santé publique assez important. Difficile de le mesurer aujourd’hui, mais il est irréfutable”.

Déréférencement, l’alternative au fact-checking

Les « 4 R » qui forment la charte de responsabilité de la plateforme YouTube

La plateforme vidéo, deuxième site le plus visité au monde derrière Google en 2023 (avec 33,04 milliards de visites mensuelles en moyenne, selon BDM), ne dispose pas de fact-checkers rémunérés, comme Facebook jusqu’à maintenant. “La plateforme a opté pour une stratégie poussant les contenus provenant de sources fiables (au travers de YouTube Health, ndlr) et dé-référençant ou enlevant toutes les recommandations pour ceux au contenu scientifique considéré comme plus borderline”, explique Thibault Guiroy, Head of Public Policy de YouTube France. C’est le cas en particulier pour Thierry Casasnovas, emblématique « gourou » crudivore, naturopathe autoproclamé et multicondamné. “Ces personnes savent très bien jouer avec les limites de notre charte d’utilisation, afin de ne pas se faire bannir. Nous avons par contre les moyens de faire chuter leur visibilité (le taux d’apparition de leurs vidéos en fonction de certaines requêtes, ndlr), de l’ordre de 60%”, confie Thibault Guiroy à mind Health. C’est ainsi que se constitue sur les plateformes une nuée de “profils fantômes”, accessibles seulement au travers de leur URL.

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