Accueil > Financement et politiques publiques > Charges et produits 2026 : l’analyse à l’origine du plan budgétaire de François Bayrou Charges et produits 2026 : l’analyse à l’origine du plan budgétaire de François Bayrou Le rapport Charges et produits pour 2026 de l’Assurance Maladie est inédit, par l’ampleur du travail prospectif et l’ambition des propositions qu’il contient. Il donne à voir, chiffres à l’appui, les menaces qui pèsent sur notre système de santé et a très largement inspiré les propositions faites récemment par le Premier ministre, dans le cadre de la présentation de son plan budgétaire. Par Romain Bonfillon. Publié le 18 juillet 2025 à 14h20 - Mis à jour le 20 août 2025 à 15h02 Ressources Le 15 juillet dernier, le Premier ministre François Bayrou présentait un plan budgétaire visant notamment à réduire de 5 Mds € les dépenses de santé. Les mesures proposées, accusées par plusieurs associations d’être subjectives, trouvent en fait leur source dans le rapport Charges et produits pour 2026 de l’Assurance Maladie. Ce dernier a été présenté par Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins et Grégoire de Lagasnerie, directeur adjoint chargé de la stratégie, des études et des statistiques de la Caisse nationale d’assurance maladie, lors d’un webinaire proposé le 11 juillet dernier par l’agence de conseil en affaires publiques nile. Le rapport charges et produits 2026 de l’Assurance maladie a pour ambition de préserver l’ “exception solidaire française”, qui s’objective par trois chiffres : la France est le 3e pays de l’UE à investir le plus dans la santé (11, 9% du PIB contre 10, 4% en moyenne), il dispose d’une très large couverture de la population (80%) et permet le reste à charge par patient le plus faible au monde (7,5%). Le rapport 2026 de la Cnam est exceptionnel à plusieurs titres : il établit une stratégie de soutenabilité à horizon 2030, le rôle du Conseil de la Cnam a été renforcé pour son élaboration et il contient des analyses inédites (rentes économiques, arrêts de travail, médicaments) qui ont permis à l’Assurance maladie de formuler 60 propositions, ainsi que des “options” qui n’ont pu obtenir le consensus des membres du Conseil. Le constat : un déficit qui recommence à se creuser Entre 2020 et 2023, le déficit de l’Assurance Maladie est passé de 30,4 Mds € à 11,1 Mds €. L’année 2024 marque un retournement de tendance, avec un déficit que la Commission des comptes de la Sécurité sociale estime à 13,8 Mds €. Si la tendance se poursuit, il devrait atteindre 19,4 Mds € en 2029. La situation des hôpitaux publics est encore plus préoccupante, avec un déficit global (budget principal et annexe) en hausse constante depuis 2022 (1,3 Md en 2022, 2,4 Mds € en 2023 et 3,5 Mds € en 2024). Aussi, résume le rapport, la situation financière de l’Assurance Maladie peut se scinder en deux problématiques : “solder le stock et empêcher l’aggravation du déficit”. S’agissant du stock, le déficit actuel devrait s’établir à 16 Mds € en 2025. À politique inchangée, un déficit supplémentaire de l’ordre de 25 Mds € devrait se constituer d’ici 2030, en lien avec la pression démographique et épidémiologique. La dynamique des dépenses de santé est en effet largement portée par l’accroissement de la prévalence des maladies chroniques, passée de 34 % de la population française à 36,9% en 2023. Cette dernière est principalement liée au vieillissement de la population. La part des 70 ans et plus représentera, selon l’Insee, 18 % de la population en 2030 (contre 16% aujourd’hui), ce qui amènerait la prévalence des maladies chroniques au-delà des 40% à cette échéance. Pour rappel, un assuré sans ALD coûte en moyenne 1230 € par an à la Cnam, contre 9560 euros pour un assuré avec ALD. Une priorité : bâtir un système de santé préventif Afin d’inverser la tendance actuelle, l’Assurance maladie préconise, à horizon 2030, de “bâtir un système de santé préventif, conciliant efficience des parcours et soutenabilité des prises en charge”. Cela passe tout d’abord par le renforcement de la prévention dans toutes ses dimensions (augmentation de la couverture vaccinale, recul de l’exposition aux facteurs de risque comme le tabac ou l’alcool, dépistage et diagnostic précoce des cancers et des maladies cardiovasculaires). Mais, pour être financé, cet effort devra aller de pair avec une meilleure organisation des parcours de soins et une “responsabilisation générale” permettant à la Cnam de “payer le juste soin au juste prix”. Qualifiant son rapport d’optimiste, l’Assurance maladie constate que les marges de progression sont gigantesques en matière de prévention, qu’elle qualifie de “défi de la décennie”. Ainsi, la grippe a encore fait 10 000 morts en 2024 et généré 40 000 hospitalisations, le papillomavirus touche 80% de la population qui y est exposée et est responsable de 2900 cancers du col de l’utérus. Aussi, citant l’INCa, la Cnam rappelle que 40% des cancers sont liés à des facteurs modifiables. Environ 80% des pathologies cardiovasculaires seraient également évitables. Les principales mesures en matière de prévention Pour faire progresser la prévention en France, la Cnam propose notamment : d’installer une gouvernance de la prévention en santé, d’engager le dépistage généralisé de l’hypertension artérielle (notamment en pharmacie), d’activer la prévention personnalisée dans Mon Espace Santé, d’interdire les dépassements d’honoraires pour les actes en lien avec les dépistages organisés, de faire du NutriScore la clé de la politique de prévention nutritionnelle, en rendant son affichage obligatoire, de renforcer d’élargir progressivement les taxes comportementales, afin de rendre les produits les plus nocifs pour la santé moins attractifs pour les consommateurs, la vaccination contre la grippe obligatoire en Ehpad et de saisir la HAS sur l’opportunité d’abaisser la vaccination HPV à 9 ans. À noter cependant que ces deux dernières propositions, contrairement aux précédentes, n’ont pas fait l’objet d’un consensus au sein du Conseil de la Cnam. ALD et arrêts maladie : lutter contre l’emballement La France, note le rapport de la Cnam, fait figure d’exception par rapport à d’autres pays européens, avec un dispositif ALD qui couvre 20% de sa population, contre 12% en Belgique et 4,8% en Allemagne. Les patients en ALD représentent aujourd’hui deux-tiers des remboursements de l’Assurance Maladie et pourraient atteindre les trois-quarts en 2035. Le statut ALD, constate la Cnam, ne permet pas d’empêcher l’apparition des pathologies chroniques et d’éviter la chronicisation de la maladie. La Cnam ne le remet pas en cause, mais note que ce dispositif arrive trop tard dans la prise en charge des patients. Identifier par exemple les patients en HTA permettrait d’éviter beaucoup d’entrées en ALD. S’agissant des arrêts de travail, les chiffres issus du SNDS, témoignent d’un emballement de la dépense d’indemnités journalières (IJ) entre 2019 et 2023 : +6,3% /an, soit +1,1 Md € en 2024. Si le vieillissement de la population et la hausse de l’emploi salarié expliquent en partie cette hausse, plus de 40% de cette augmentation est liée au taux de recours et à l’augmentation de la durée moyenne par arrêt. Aussi, assez paradoxalement, ce sont les personnes qui ne sont pas en ALD qui contribuent principalement à la croissance des arrêts longs. Parmi les motifs d’arrêts les plus fréquents, on retrouve les syndromes dépressifs et anxio dépressifs mineurs (TADM), la lombalgie commune et la sciatique, “pour lesquelles les durées de prescription dépassent largement les recommandations scientifiques”, souligne l’Assurance Maladie. Cette dernière a mené des contrôles médicaux ponctuels sur les arrêts de plus de 18 mois, qui ont montré que 54% des arrêts concernés par ces contrôles n’étaient pas justifiés, avec la possibilité d’une reprise du travail pour le salarié ou d’un passage en invalidité. Aussi préconise-t-elle d’encadrer davantage le prescription, en rendant les motifs d’arrêt obligatoires et en limitant la durée de l’arrêt pouvant être prescrit (en primo-inscription : 1 mois en sortie d’hôpital et 15 jours en ville) “afin de garantir un vrai suivi médical de la personne arrêtée et la pertinence de l’arrêt de travail”. Le médicament : une évolution des dépenses insoutenable La Cnam souligne une rupture dans l’évolution des dépenses de médicaments depuis 2020, avec un taux de croissance annuel moyen de 4,2 % entre 2020 et 2024, contre 0,6% entre 2010 et 2019. En cause, analyse-t-elle, un coût moyen des innovations qui progresse sans cesse, un coût moyen des produits apportant un progrès thérapeutique mineur (ASMR IV) qui a lui aussi explosé (+ 55% en 7 ans) et une hausse des dépenses pour les médicaments n’apportant pas d’amélioration (ASMR V) alors qu’il diminuait pas le passé. Les dépenses dans le domaine de l’oncologie en particulier posent problème : 27 Mds € des dépenses médicamenteuses en 2023 étaient en lien avec les cancers alors que 45% des produits remboursés entre 2016 et 2023 n’apportaient pas de preuve d’efficacité. Ces chiffres traduisent selon l’Assurance Maladie “une escalade thérapeutique” qui se fait parfois au détriment de la qualité de prise en charge et de vie des patients. Aussi, la Cnam préconise de baisser les prix des médicaments en ASMR IV et V et d’aligner les prix nets sur les prix faciaux. Pour l’oncologie en particulier, il s’agit d’enrayer le phénomène consistant à payer plus cher qu’avant des médicaments démontrant moins bien leur intérêt. Deux autres propositions, qui ne manqueront pas de faire réagir les acteurs du médicaments : “appliquer aux biosimilaires l’ensemble des dispositifs ayant permis une pénétration forte des médicaments génériques” et “faire de la désescalade thérapeutique une priorité”, en lançant un large programme de financement d’études sur ce thème, auquel l’industrie pharmaceutique participerait financièrement. Lutter contre la rente économique de certains secteurs L’Assurance Maladie rappelle d’emblée qu’elle n’a pas vocation à financer des rentes économiques. Pourtant, une analyse menée en 2022 sur les secteurs de l’anatomopathologie, des prothèses auditives, de la biologie, de la dialyse, de la médecine nucléaire, de la radiologie et de la radiothérapie montre que ces secteurs, qui ont représenté cette année-là 13 Mds € de dépenses à la Cnam, présentaient une rentabilité opérationnelle moyenne supérieure à 15%. Dans un souci de transparence, l’Assurance Maladie veut étendre et pérenniser ce type d’études et propose dès maintenant de baisser les tarifs des secteurs présentant des très hauts niveaux de rentabilité. La transparence, élément clé de ce rapport Charges et produits 2026, est là encore mise en avant, avec l’audacieuse proposition consistant à rendre obligatoire pour chaque offreur de soins la déclaration de son éventuelle appartenance à un groupe, groupement ou réseau. Romain Bonfillon Assurance MaladiePolitique de santéPrévention Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind