Accueil > Financement et politiques publiques > Jean-Marc Bourez (EIT Health) : “L’enjeu du programme VCoE est d’être capable de proposer à une start-up trois sources de financement en equity” Jean-Marc Bourez (EIT Health) : “L’enjeu du programme VCoE est d’être capable de proposer à une start-up trois sources de financement en equity” La branche santé de Institut européen de l'innovation et de technologie (EIT) officialise les 5 et 6 octobre 2020 le lancement de son programme VCoE (Venture Centre of Excellence). Jean-Marc Bourez, le directeur général d'EIT Health France en charge du programme, détaille le fonctionnement de ce nouveau véhicule d’investissement dans les start-up européennes et de l’institut pour mind Health. Par Aurélie Dureuil. Publié le 05 octobre 2020 à 12h50 - Mis à jour le 08 janvier 2021 à 18h32 Ressources Pouvez-vous présenter la genèse de l’Institut européen de l’innovation et de technologie (EIT) Health ? L’Institut européen de l’innovation et de technologie (EIT) est un instrument supporté par la Commission européenne dans le cadre du programme H2020. Au 1er janvier 2021, nous allons basculer dans le programme Horizon Europe. EIT est notre ombrelle. Créée en 2008, elle se compose de KIC (Knowledge and innovation communities). Les premières étaient sur l’énergie, le climat et le numérique (EIT InnoEnergy, Climate et Digital). Dans la foulée sont nées d’autres communautés. EIT Health a vu le jour le 1er janvier 2015, en même temps que RawMaterial. Une 3e vague de création de KIC a permis la naissance de communautés sur la mobilité urbaine, l’industrie du futur et la nutrition. Au total, il y a huit KIC. Dans le cadre d’Horizon Europe, les budgets sont en cours de validation. EIT devrait récupérer environ 3 Md € à répartir sous forme de financement. Quel est le positionnement d’EIT Health ? Nous adressons les sujets qui répondent aux enjeux stratégiques sur la santé et le vieillissement. Nous regardons les technologies médicales, les outils de diagnostic, les biotechnologies, le numérique, la télémédecine, les applications mobiles, des dispositifs médicaux connectés ou pas, implantables ou non, ce qu’on appelle des solutions de type Value-based healthcare… Nous nous positionnons autour de sujets matures qui nécessitent encore un peu de soutien pour l’accès au marché. Pour la plupart, ces solutions technologiques sont développées par les membres de notre communauté. Pouvez-vous détailler vos six domaines d’intérêt ? Nous avons défini six grands domaines liés à leur capacité de transformer et de pérenniser financièrement les systèmes de santé en Europe. Reforming care pathways concerne les sujets touchant l’organisation des soins et le parcours de soins dans des situations complexes et donc le lien ville-hôpital. Les projets autour du numérique vont être au centre. Harnessing real-world data porte sur l’accès aux données de vie réelle et le recours à ces données de santé, qu’elles soient déjà stockées ou dans le dossier électronique du patient, dans un datalake ou pas, acquise auprès du patient ou issues de dispositifs médicaux… Bringing care home est centré sur la façon de prendre en charge les maladies à domicile, les enjeux d’apporter le soin avec les nouvelles technologies. Encore une fois, beaucoup de sujets impliquent le numérique comme la téléconsultation, le télésoin, la téléexpertise… Healthy workplace concerne la santé au travail avec le développement de solutions technologiques ou pas autour de la transformation de la prise en charge des employés sur leur lieu de travail que ce soit dans domaine des soins que dans leur activité tant industrielle que tertiaire ou pour les étudiants. Nous regardons notamment les nouvelles approches numériques pour détecter les comportements comme le stress, le burn out, les douleurs liées aux postures de travail… Fostering healthier lives s’intéresse aux solutions pour favoriser le bien être, l’empowerment des patients… Nous mettons l’accent sur les solutions permettant au patient de gérer son capital santé, de comprendre les comportements ayant une incidence sur sa santé future. Enfin, Healthcare transformation porte sur la pérennité financière des systèmes de santé. EIT Health est une organisation européenne. Quelle est la couverture géographique ? EIT Health représente la plus grande communauté life science au monde. Nous sommes répartis à travers des zones géographiques interconnectées entre elles. Nous avons sept hubs qui agrègent des pays ou des zones spécifiques. Il existe une connexion entre eux et les partenaires collaborent à travers l’Europe. Chaque hub a une représentation harmonieuse et équilibrée de sa communauté pour garantir que nous adressons toute la chaîne de valeur en santé dans les mêmes conditions. La France est un centre à elle seule. Nous disposons du siège à Paris et d’une antenne à Grenoble. Ces deux régions représentent 75 % des investissements privés, publics dans les sciences du vivant. Nous avons donc décidé de dédier 80 % de notre efforts dans ces deux grandes régions. Comment intervenez-vous auprès de la communauté ? Nous lançons des appels à projets pour financer des projets collaboratifs qui doivent obligatoirement être cross border avec au moins des représentants de deux pays, avoir un time-to-market de cinq ans maximum, représenter la chaîne de valeur, répondre à un besoin non pourvu, avoir une vision sociétale et créer un impact en terme d’emplois et sur l’économie du système de santé. Nous finançons pendant trois ans ces projets. Ils doivent tous intégrer le triangle connaissance : éducation, innovation et économie. Par exemple, le projet doit intégrer l’éducation des patients ou des professionnels de santé dans l’adoption de la solution. Il doit avoir un business plan très clair ainsi que la proposition de valeur de la solution sur le système de santé comme l’augmentation de la durée de vie, la réduction des dépenses de santé… Quels sont les projets soutenus autour du numérique ? EIT Health est extrêmement actif un peu partout dans le numérique en santé. Nous finançons beaucoup de projets dans les domaines de l’intelligence artificielle, de l’imagerie, des dispositifs médicaux connectés… Nous en pouvons citer quelques-uns. Oncowatch apporte des améliorations révolutionnaires au diagnostic et au traitement du cancer de la prostate en combinant les technologies de big data, d’IA et de cloud computing. OncoWatch Image permet une analyse plus rapide, meilleure et moins coûteuse des images des biopsies de la prostate. OncoWatch Explore apporte de nouveaux outils d’analyse pour la médecine de précision, ce qui permet de réduire le temps de traitement et d’accélérer la mise en œuvre des médicaments. Les partenaires sont Philips, SynLab, Karolinska Institut, Medical Centre of Lodtz, etc. Le projet RealWorld4Clinic concerne un dispositif qui recueille en continu des données réelles sur l’état de santé cardio-respiratoire du patient. L’IA donne ensuite un sens aux données pour aider au développement de médicaments et à la télé-cardiologie. Les partenaires sont aQua Institute, CHU Rennes, LINQ, SurgiQual Institute, Zana Technologies, PrYv… Outre le soutien de projets, vous intervenez dans des levées de fonds. Quels sont les véhicules de financement ? EIT Health est une organisation sans but lucratif. Elle va apporter aux projets collaboratifs des subventions non remboursables ou des fonds sous forme d’avance remboursable. Sur cette partie, nous avons un modèle d’obligations convertibles. Par exemple, nous lançons des challenges, des hackathon d’une durée de six mois. Nous investissons jusqu’à 2 M€ dans la compagnie créée à l’issue de ces challenges. Lorsque la compagnie fait sa première levée de fonds, soit nous transformons nos obligations en parts de capital, soit nous sortons, soit nous attendons. Sinon nous avons des instruments d’investissement en equity. Il y a aussi l’EIT Health Investor Network : un programme de coinvestissement entre des business angels et des venture capital early stage. Ce sont des tours d’investissement en equity entre 500 000 euros et 10 M€. Nous avons un autre programme : EIT Health Crowdfunding platform. Nous allons gérer une levée de fonds en crowd et regrouper des bases d’investisseurs individuels intéressés par le projet avec des tickets d’un minimum de 5 000 euros. Ce mécanisme permet des levées de fonds pouvant aller jusqu’à 10 M€. Quels sont les objectifs du programme VCoE (Venture Centre of Excellence) que vous officialisez ce 5 octobre 2020 ? Il s’agit d’un programme de coinvestissement entre organisations publiques et privées dont l’équipe opérationnelle sera basée à Paris avec le soutien de la région Île-de-France. Cette équipe mixte Fonds européen d’investissement (FEI) et EIT Health, placée sous ma responsabilité, sera encadrée par Isaac Middleman en tant que program manager. L’enjeu est d’être capable de proposer à une start-up trois sources de financement en equity. Nous adressons les trois principaux key players : venture capital, corporate industriels et assurantiels et l’écosystème public. Notre objectif est de faciliter l’accès au financement pour les start-up du domaine de la santé, de l’early stage jusqu’au pré-IPO. Nous allons réunir deux grandes communautés de VC funds et de corporate industriels et assurantiels investisseurs ainsi que des technology-transfer offices (TTO) qui pourront investir sur une période de 15 ans. La Commission européenne a déjà accordé son soutien ainsi que le FEI. Nous dévoilerons un appel à candidatures officiel au niveau européen dans le cadre des HealthTech Innovation Days pour recruter les VC funds et les corporate ventures. Nous nous assurerons de couvrir l’ensemble des états membres européens. Ces fonds devront adresser nos priorités stratégiques en termes de maturité des start-up, du early stage à l’IPO. Il faudra que l’ensemble couvre la totalité de la chaîne de valeur d’investissement. Enfin, ils devront couvrir la totalité des catégories. 50 % du portefeuille des deal devront concerner les thérapies : biotech, thérapies cellulaires, thérapies digitales. Et 50 % devront être consacrés aux medtech et digital health. Combien de VC funds allez-vous sélectionner ? Nous lançons l’appel à candidatures pour sélectionner 15 à 20 VC funds managers à travers l’Europe. Cette sélection va durer environ deux ans. Nous allons investir dans ces fonds l’argent que nous sommes en train de mobiliser et ainsi devenir limited partners de ces 20 VC funds manager. Il faudra qu’ils aient des véhicules d’investissement qui couvrent nos priorités stratégiques. Les fonds viendront du FEI, de la Commission européenne et de nos VC Partners. La Commission européenne a déjà accordé un financement de 150 M€. La première moitié est déjà débloquée. Et les corporate industriels et assurantiels investisseurs ? Au fil de l’eau, pendant que nous allons sélectionner les VC funds manager, nous allons commencer à sélectionner les corporate. Ils garderont leur propre capacité d’investissement qu’ils appliqueront deal par deal de manière discrétionnaire. Nous appliquerons les mêmes critères afin de couvrir l’ensemble de l’Europe, les différents domaines et les différentes maturités. Nous essaierons d’assurer une homogénéité des acteurs présents dans le programme avec des big pharma, des medtech, des healtech, des assurances, des mutuelles… Une fois sélectionnés, ils devront investir un token d’un montant de 5 M€. Chaque année, une tranche sera appelée auprès du corporate tandis que lui sera versée un montant lié à la performance du programme. À un moment, la performance du programme deviendra supérieure à la tranche du token appelée. Le token est un gest important fait par le corporate partner et qui sera multiplié par trois par la Commission européenne. 15 à 20 partenaires sont attendus. Nous pourrons aller jusqu’à 30. Comment les différents acteurs investiront-ils ? Nous avons développé une plateforme d’intelligence artificielle, avec la société Skopai sélectionnée dans le cadre d’un appel à projets européen, et qui va permettre de faire du scouting, du sourcing et de la syndication. Le scouting permettra aux membres d’entrer le nom d’une société d’intérêt et d’accéder à un rapport détaillé avec l’information organisée de façon intelligente. Pour le sourcing, le partenaire peut placer dans son espace une société tétant d’intérêt pour lui et ainsi accéder à un rapport de type due digilence. Enfin,la syndication permettra de réaliser des scénarios de coinvestissement intelligent. Les VC funds manager investiront et les corporate pourront participer avec une stratégie deal par deal, sur une base discrétionnaire, sans les empêcher de se contacter directement bien sûr. Quel est le calendrier ? Le VCoE aura trois périodes de closing. La première est achevée avec la validation de la première tranche par la Commission européenne. La deuxième va s’étendre entre octobre 2020 et mars 2021 : tous les documents seront finalisés d’ici fin octobre et stockés dans le digital dataroom pour les partenaires potentiels. Notre ambition est de recruter 5 à 10 VC funds managers au cours de cette période. La 3e entre avril 2021 et avril 2022 permettra d’accueillir les derniers candidats. Jean-Marc Bourez Depuis octobre 2016 : Directeur général d’EIT Health France, Health du VCoE Depuis septembre 2017 : Président et confondateur de SentinHealth 2005 – 2016 : Plusieurs postes chez Sanofi et notamment coordinateur de la dynamique d’innovation e-santé de Sanofi France 2000 : Plusieurs postes chez Aventis 1991 : Visiteur médicale chez Theraplix puis Rhône Poulenc Rorer Aurélie Dureuil AdministrationAssuranceCommission EuropéenneFonds d'investissementInnovationLaboratoiresstart-up Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Le programme de co-investissement public/privé porté par EIT Health pourrait atteindre une capacité de 2 Mds € Ouverture du Janssen Startup Accelerator Qubit Pharmaceuticals lève 1 million d'euros Le fonds HealthTech for Care de France Biotech se rapproche d'EIT Health Sur les 15 start-up retenues par EIT Health pour se développer en Europe, 8 françaises dont 4 sur la e-santé