Accueil > Financement et politiques publiques > La stratégie pharmaceutique de l’UE, selon le Sénat La stratégie pharmaceutique de l’UE, selon le Sénat La commission des affaires européennes du Sénat s’est penchée sur la stratégie pharmaceutique de l'UE, qui servira de base à la préparation de mesures législatives. Elle repose sur 3 piliers : la recherche et l’innovation, la disponibilité des médicaments sur le marché et leur juste prix. Pascale Gruny et Laurence Harribey, les rapporteures de cette commission sénatoriale, ont présenté le 20 octobre leur “avis politique”, qui alimentera les futurs textes européens. Par Romain Bonfillon. Publié le 03 novembre 2022 à 15h42 - Mis à jour le 03 novembre 2022 à 16h52 Ressources La pandémie de COVID-19 a mis en lumière le nombre croissant de ruptures d’approvisionnement en médicaments à l’échelle de l’Union européenne (jusqu’à 200 par an dans 67% des États) et la nécessité d’assurer sa souveraineté sanitaire. De plus, “les innovations technologiques majeures” et “les prix de plus en plus élevés des thérapies innovantes” constituent des facteurs qui ont poussé la Commission européenne à proposer fin 2021 une stratégie pharmaceutique pour l’Europe. Celle-ci doit servir de base à la préparation de mesures législatives, notamment en matière de recherche.Après avoir évalué cette stratégie, les rapporteures de la commission des affaires européennes du Sénat, Pascale Gruny (sénatrice de l’Aisne et membre du Groupe Les Républicains) et Laurence Harribey (sénatrice de la Gironde et membre du Groupe Socialiste, Écologiste et Républicain) ont formulé un certain nombre d’observations et de propositions. La Commission européenne, qui doit prochainement promulguer des lois en lien avec cette stratégie, devra lui répondre sous 3 mois. Lutter contre la pénurie de médicaments La commission des affaires européennes propose ainsi de : définir une liste de médicaments critiques à l’échelle de l’Union. Cette criticité serait établie d’un point de vue clinique, mais aussi industriel ; mettre en place un système de notification permettant aux autorités compétentes des États- membres et aux entreprises de l’industrie pharmaceutique (vraisemblablement l’ANSM et le Leem en France) de signaler les ruptures d’approvisionnement potentielles ou effectives de ces médicaments critiques ; obliger les entreprises de l’industrie pharmaceutique à constituer des stocks pour ces médicaments jugés critiques. Cette obligation serait accompagnée d’un soutien financier de l’Union ; recourir aux notices électroniques pour les médicaments critiques en cas de pénurie, afin de permettre les échanges de médicaments entre États membres. Enfin, pour favoriser un accès plus rapide aux médicaments et harmoniser les délais inhérents à leur mise sur le marché, la Commission européenne a suggéré de mettre en place des évaluations cliniques communes aux pays de l’Union. Le Sénat, qui dans un premier temps, s’était montré critique envers ce projet, au motif du principe de subsidiarité (les modalités de remboursement des médicaments sont pour l’instant fixées par les États-membres qui s’appuient pour cela sur leurs propres évaluations) est parvenu à un compromis : les rapports d’évaluation clinique communs aux pays de l’Union seront “dûment pris en compte” mais les Etats-membres garderont in fine le pouvoir de décider s’ils remboursent ou pas certains médicaments. Assurer la souveraineté sanitaire de l’UE Afin de permettre le maintien ou la relocalisation de sites de production en Europe, le Sénat recommande de prendre des mesures d’incitations financières et fiscales pour les industriels concernés (ceux qui fabriquent les médicaments dits “critiques”). À noter que le président de la commission des affaires européennes, Jean-François Rapin, avait également soutenu en mai dernier l’idée de la “création d’un stock stratégique européen” pour répondre à cet enjeu de souveraineté et d’indépendance. Le rapport sénatorial n’exclut pas non plus l’idée d’une production publique de médicaments, “qui ne doit plus être considérée comme un sujet tabou”. Citant le projet “Civica” aux États-Unis (qui a permis à 900 hôpitaux de produire eux-mêmes certains médicaments pour ne plus être dépendants), le Sénat encourage la création d’un programme public de production, via notamment des partenariats public-privé, dans le cas où les industriels délaisseraient certains marchés. La question du “juste prix” des médicaments Le coût des médicaments innovants a explosé ces dernières années (par exemple, le Luxturna, du fabricant Spark Therapeutics, qui soigne la dégénérescence de la rétine, coûte 425 000 $ par œil). La plupart des laboratoires justifient le coût élevé de certains de leurs médicaments par le coût de la recherche. La commission des affaires européennes du Sénat suggère de mettre en place des mesures destinées à rendre plus transparents ces coûts, afin de fournir aux autorités compétentes des États membres des informations utiles pour négocier avec les industriels. S’agissant toujours de ces médicaments innovants, qui “doivent répondre à un besoin médical non satisfait”, la commission des affaires européennes propose aussi de : créer un fonds de soutien (qui serait géré par la Commission européenne et les États membres) pour venir en aide aux États les moins dotés ; prévoir l’octroi obligatoire de licences à un fabricant de médicaments génériques ou à un organisme public “dans des conditions équitables et raisonnables et en dernier recours”, lorsque le prix proposé par le fabricant du médicament princeps ne sera pas considéré comme “juste et équitable”. Cette dernière notion, rappellent Pascale Gruny et Laurence Harribey, reste à définir par la Commission européenne. Le soutien à la recherche Favoriser le développement des médicaments de demain passe par “un soutien financier, technique et réglementaire à la recherche”, rappelle le Sénat. Dans le cadre du programme Horizon Europe, la Commission européenne souhaite consacrer 8,2 Mds € à la recherche dans le domaine de la santé (dont 2 Mds € pour la recherche contre le cancer). Le programme EU4Health vise en parallèle à améliorer l’accès aux soins. Il est doté d’un budget de 5,1 Mds €. La commission des affaires européennes estime indispensable de définir la notion de besoins médicaux non satisfaits, pour orienter ces financements européens vers des besoins prioritaires, qu’elle a identifiés : la lutte contre le cancer, la résistance aux antimicrobiens et le traitement des maladies rares et des maladies infantiles. Focus sur le rôle-clé des technologies numériques La Commission européenne propose de : soutenir le développement de bases de données pouvant aider la recherche. Ainsi, l’initiative “1+ Million Genomes” doit permettre de construire une base de données qui regroupera un million de génomes et permettra notamment de faciliter la recherche sur les maladies rares et le cancer ; créer un “atlas” européen des images liées au cancer. Ces images anonymisées seraient rendues accessibles à l’écosystème des hôpitaux, des chercheurs et des innovateurs. Enfin, l’espace européen des données de santé (EHDS) a été officiellement lancé le 4 mai dernier. Pascale Gruny et Laurence Harribey notent que la saisie des données dans chacun des Etats-membres constitue un travail “conséquent et chronophage” et proposent “d’engager des moyens spécifiques pour aider les acteurs de terrain à constituer ces bases de données”. L’Europe trop dépendante de pays tiers ? Selon l’EMA (l’Agence européenne du médicament), près de 40 % des médicaments commercialisés dans l’Union européenne proviennent de pays tiers. Plus inquiétant encore, alors que la proportion de fabricants extra-européens de substances pharmaceutiques actives utilisées pour des médicaments disponibles en Europe était de 20 % il y a 30 ans, cette proportion est aujourd’hui de 80 %. Romain Bonfillon cancerCommission EuropéenneDonnées de santéEuropeFinancementsInnovationMaladies raresMédicamentPharmacieRecherche Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind