Accueil > Parcours de soins > Gestion de la data > L’outil d’évaluation des hôpitaux Ichom prépare son déploiement en France L’outil d’évaluation des hôpitaux Ichom prépare son déploiement en France Le consortium international, qui fournit des standards s’appuyant sur les patients afin de mesurer les performances des hôpitaux en fonction de chaque pathologie, compte plusieurs soutiens en faveur de son développement en France. Un projet qui pourrait bénéficier de la digitalisation des patients. Le ministère de la Santé et la HAS notamment suivent de près ce projet. Par . Publié le 12 mars 2018 à 14h28 - Mis à jour le 12 mars 2018 à 14h28 Ressources Passer d’un financement des soins à l’acte par opérateur à un financement à la qualité du résultat fait partie des priorités affichées par Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, lors du lancement de la grande concertation sur les priorités de la stratégie nationale de santé. Derrière cette annonce : un changement de paradigme en cours dans le monde de la médecine, qui vise à prendre davantage en compte la qualité d’une prise en charge médicale à travers les résultats évalués sur et par le patient, plutôt qu’à travers les actes et les techniques utilisées. Ce mouvement est facilité par l’émergence du numérique : le patient, plus informé, peut aussi remonter davantage d’informations sur les suites d’un acte médical. Le numérique facilite aussi l’assemblage des données et leur exploitation. Cette vision est partagée par l’organisation non gouvernementale à but non-lucratif Ichom, qui se déploie aux Etats-Unis et en Europe, et particulièrement en Suède et aux Pays-Bas, depuis 2012. Le principe : fournir une mesure, aux ambitions internationales, permettant de déterminer quels sont les meilleurs hôpitaux en fonction de chaque pathologie, en interrogeant les patients sur des critères objectifs et unifiés. En résultent des bases de données pour 40 pathologies (dont l’hypertension, l’opération de la cataracte, la dépression, le cancer du sein…), qui peuvent être utilisées par les soignants, ainsi que mises à disposition du public. Chaque pathologie compte une dizaine de critères spécifiques, pouvant être aussi variés que le temps d’hospitalisation, le temps de rééducation nécessaire, les conditions de fin de vie après la prise en charge, le nombre d’effets secondaires ou encore le poids du traitement pour la famille d’un patient. Ces indicateurs sont regroupés sous l’appellation PROMS, pour Patient reported outcome measure, soit le résultat clinique évalué par le patient. Dans le cas d’Ichom, ils peuvent-être recueillis grâce à une application pour smartphone, qui interroge régulièrement les patients volontaires. Une expérimentation en cours dans l’ophtalmologie Ce projet est financé dans le monde par l’Institut Karolinska, l’université d’Harvard et le cabinet de conseil Boston Consulting Group. “Cela fait 10 ans que nous promouvons l’utilisation d’indicateurs de résultats, en particulier les indicateurs Ichom depuis qu’ils existent, avec succès dans certains pays comme la Suède, les Pays-Bas et la Belgique. En France, où je rencontre régulièrement des CHU, la HAS, le ministère de la Santé, la CNAM… j’observe que le pays est prêt intellectuellement sur ces sujets, mais extrêmement prudent dans la mise en oeuvre”, explique Agnès Audier, directrice associée au BCG. Ailleurs dans le monde, Ichom a en effet été adopté pour certaines pathologies au sein d’établissements pilotes, puis généralisé : la chirurgie du genou en Allemagne, l’opération de la hanche en Suède… Dans ces pays, certains remboursements, par la sécurité sociale ou les assurances, font l’objet de malus ou bonus en fonction des résultats Ichom. Des économies seraient aussi réalisées grâce à un taux plus bas de réhospitalisation ou d’effets secondaires indésirables. Un intérêt des assureurs et groupes de cliniques privés “En Suède, des équipes de chirurgiens orthopédiques sont payées en fonction de leurs résultats, mesurés par Ichom, ce qui a permis d’améliorer le niveau des hôpitaux et de faire économiser près de 20 % en dépenses de santé dans ce domaine”, affirme Philippe Presles, directeur R&D d’Axa France, qui fait partie des grands soutiens de cette initiative dans l’Hexagone. Depuis deux ans, Axa suit le projet et son déploiement en Europe et est désormais convaincu qu’il faut le développer en France. A partir de mai 2018, Axa Research Fund cofinancera le projet de l’Université Paris Descartes et d’Elsan de créer un registre Ichom autour de l’opération de la cataracte (lire l’interview de Gregory Katz d’Elsan sur cette expérimentation). D’autres expérimentations avec Ichom ont lieu en France : l’IHU de Strasbourg sur le cancer colorectal et l’institut de cancérologie de l’Ouest autour du cancer du sein. L’AP-HP a également organisé un séminaire de deux jours, début mars 2018, sur Ichom. Un soutien de la HAS en vue ? Pour donner plus d’ampleur à ces expérimentations, Ichom cherche à obtenir le soutien de la Haute Autorité de Santé (HAS) et du ministère. “Une très bonne façon d’avancer serait que la HAS (ou le ministère lui-même) lance un appel à projets national pour tester ce dispositif, autour d’une pathologie en particulier”, indique Agnès Audier de BCG. Selon elle, ce n’est pas le coût de ce projet qui est prohibitif. “L’enjeu principal est de trouver des équipes motivées et volontaires au sein d’établissements, qui perçoivent ce projet comme un outil de remobilisation pour donner du sens à leur service de santé, en se comparant avec les plus grands hôpitaux du monde, et non comme une contrainte administrative supplémentaire”, explique-t-elle. Du côté de la HAS, Catherine Grenier, directrice de l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins assure que “ce n’est pas à la Haute autorité de participer au déploiement opérationnel d’un projet autonome comme Ichom. Mais ce projet, comme le font d’autres, permet d’insuffler une dynamique et de faire prendre conscience du besoin de mesurer les résultats des services de santé. La HAS pourrait donc apporter son soutien à ces projets en encourageant les établissements à y participer. Un séminaire sur les indicateurs de résultats s’appuyant sur le patient est d’ailleurs organisé par la Haute autorité le 12 avril. Il réunira des représentants du ministère de la Santé, de l’Assurance maladie et des professionnels de santé afin d’évaluer les différents modes de mesure de résultats cliniques. Ichom est l’un des principaux car il couvre une très grande part des pathologies. “Le séminaire n’a pas pour but d’arbitrer sur Ichom, mais d’informer les acteurs français des différentes initiatives contribuant à la mesure des résultats qui importent aux patients. La HAS est engagée dans cette voie et s’est fixée des objectifs à 2020.”, explique Catherine Grenier. Selon elle, l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale, qui permet de tester de nouveaux modes de rémunération, “ouvre d’ailleurs des terrains d’expérimentation et de financement à Ichom”. Un séminaire Ichom organisé en mai Si pour Agnès Audier (BCG) le contexte est donc “extrêmement favorable au déploiement d’initiatives comme Ichom”, la HAS exprime également quelques doutes sur ce projet. “Lors d’expérimentations, certains établissements ont renoncé au projet pour une question de faisabilité de la mesure. Dans beaucoup de pays, les établissements disposent de registres cliniques complets et sont organisés pour consigner toutes les données des patients. En France, nous n’utilisons que des bases médico-administratives en vue de la tarification, cela demande donc beaucoup de travail supplémentaire aux équipes. Il y aussi une question de maturité de la culture professionnelle : la culture de l’évaluation – quasi-personnalisée avec Ichom – est moins développée chez nous que dans les pays anglo-saxons et nordiques”, observe Catherine Grenier. Pour tenter de lever ces doutes, Ichom organisera en mai 2018 un séminaire à Paris, en marge du sommet de l’OCDE dont il est partenaire. Selon nos informations, Agnès Buzyn, ou l’un de ses représentants, a annoncé sa présence, tout comme la présidente d’Ichom, du professeur d’Harvard Michael Porter, du président d’Elsan, de Nicolas Revel directeur de la CNAM, Dominique le Guludec présidente de l’HAS et Olivier Véran, rapporteur général de la commission des affaires sociales à l’Assemblée. Participeront également les représentants des établissements ayant participé aux expérimentations Ichom dans le monde (Karolinska en Suède, Mayoclic aux Etats-Unis et Martini Clinic en Allemagne notamment) et les soutiens du projet, dont Axa. base de donnéesbig dataHôpitalPolitique de santé Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Gregory Katz (Elsan) : "Ichom va permettre d’améliorer la qualité des soins"