Management de l’innovation : l’AIS veut accélérer sa mise en pratique

Après l’appel à projets dédié aux études d’impact des dispositifs médicaux numériques, lancé le 15 avril dernier, les établissements de santé désireux d’innover disposent désormais d’un nouvel AAP, porté lui aussi par l’Agence de l’innovation en santé (AIS).

C’est dans le cadre d’une table ronde du salon SantExpo, sur le thème “Innover, les clefs du succès”, qu’Enguerrand Habran, directeur adjoint du pôle accompagnement et chargé de l’animation territoriale à l’AIS, a annoncé, le 21 mai, cet appel à projets portant spécifiquement sur le management de l’innovation.

L’objectif de cet AAP est de pousser les établissements à se structurer pour mieux innover. Il financera des ETP, de la formation, des outils (comme par exemple des logiciels de management de projet) et du conseil. “Nous allons financer 10 à 15 établissements (un à deux par région) pour pouvoir essaimer ces équipes partout sur le territoire. A terme, nous voulons que ces établissements pilotes génèrent des indicateurs, pour prouver à l’ensemble des directions hospitalières qu’une équipe innovation apporte énormément à un établissement de santé”, explique Enguerrand Habran.

À noter que cet AAP est ouvert à tout type d’établissement de santé (public, universitaire ou non, privé, ESPIC, CLCC), qu’il ait ou non déjà créé une direction de l’innovation ou qu’il ait simplement la volonté de le faire. Le cahier des charges de l’AAP n’a pas encore été publié (il est encore en attente de la signature du Premier Ministre) mais les établissements intéressées ont d’ores et déjà la possibilité de se faire connaître en s’inscrivant sur le site innovation-sante.fr/aap

La valeur, au-delà du ROI

Mesurer l’impact que peuvent avoir des équipes dédiées à l’innovation dans un établissement de santé, tel est l’enjeu de l’appel à projets de l’AIS, qui voit plus loin, dans le mesure d’impact, que le simple retour sur investissement ou le nombre de projets soutenus. Pour Johan Claire, CEO du cabinet de conseil Innovation Way et président de la commission de normalisation française sur le Management de l’innovation d’AFNOR, “l’important est la valeur créée, qui peut être financière ou non. L’objet d’une équipe innovation n’est pas d’augmenter le chiffre d’affaires de l’hôpital mais si demain la satisfaction patient ou l’efficacité des soins augmente, on a déjà innové. Un projet et une équipe peuvent très bien se monter avec comme seul et unique objectif la volonté d’améliorer le recrutement et la fidélisation des salariés, par exemple”, ajoute-t-il.

Les conditions de réussite d’une direction innovation

Dédiée aux bonnes pratiques en matière d’innovation au sein des établissements de santé, la table ronde “Innover, les clés du succès” de SantExpo a permis de mettre en avant quelques principes de base. “Il n’existe pas de système idéal ou plutôt les organisations présentées comme idéales ne sont pas forcément celles qui vont vous convenir le mieux”, prévient d’emblée Enguerrand Habran, à l’attention des établissements désireux de créer leur cellule innovation. “Par exemple, poursuit-il, l’une des principales questions qui revient à chaque fois, est celle-ci : “où est-ce que je mets cette équipe innovation ?” Plein de modèles existent, qui ont tous leurs avantages et inconvénients. Si vous rattachez les équipes innovation à la DSI, il va vous falloir expliquer que l’innovation n’est pas que numérique ; si ces équipes dépendent de la direction générale de l’établissement, il faudra expliquer que l’innovation n’est pas un process top/bottom. Le plus important, en définitive, est de s’adapter à la culture de son établissement et de commencer à faire”, insiste-t-il, rappelant tout de même trois éléments indispensables à toute équipe innovation :

la commission médicale de l’établissement doit être impliquée
il faut des personnes entièrement dédiées à cette cellule innovation
une ou des personnes de l’équipe devront être formées à la chefferie de projet. “Les hôpitaux, sont après les sous-marins nucléaires, les organisations les plus complexes qui puissent exister. Dans ce cadre, un(e) chef(fe) de projet est une compétence minimale pour avancer”, estime Enguerrand Habran.

Armelle Dion (HCL) : “Nous créons des alliances ad hoc autour de chaque projet”

Créée en avril 2021, et disposant d’un budget entre 1,8 M€ et 2 M€ par an, la direction de l’innovation des Hospices civils de Lyon est l’une des plus anciennes en France, celle qui est aussi très souvent citée en exemple par d’autres établissements. Armelle Dion, directrice de l’innovation aux HCL, explique comment l’innovation naît de son organisation : “Nous avons deux dispositifs. Tout d’abord le système d’appel à projets d’innovation interne. N’importe quel agent des HCL sur le terrain peut soumettre un projet. Tous les semestres, une quinzaine de projets sont sélectionnés pour être accompagnés pendant 12 à 18 mois. Cette démarche dite d’innovation sortante, qui vient de l’hôpital et peut aller vers l’extérieur, a généré 150 projets déposés. Nous en avons accompagné environ 50 depuis 4 ans, qui concernent aussi bien des équipements innovants, des DM stériles, de l’innovation organisationnelle, managériale, numérique, de l’impression 3D. Concernant l’innovation entrante, elle provient souvent de nos Tiers-lieux d’expérimentation (l’un de ces Tiers-lieux est dédié à la robotique chirurgicale, ndlr). Notre métier consiste à faire le lien entre l’innovation entrante et sortante. Si on repère parmi les envies des professionnels ou des patients un besoin non couvert avec une idée inventive pour y répondre et un besoin d’aller chercher un partenaire externe pour co-construire la solution, nous sommes l’effecteur qui va faire cette mise en relation. Nous créons des alliances ad hoc autour de chaque projet. Sur cette partie innovation entrante, nous avons beaucoup de sollicitations et avons une quarantaine de projets réalisés ou en cours”.

Romain Bonfillon