Accueil > Financement et politiques publiques > Médecine génomique : Quel bilan tirer du plan français ? Médecine génomique : Quel bilan tirer du plan français ? La stratégie nationale sur la médecine génomique arrive à un tournant de son parcours, alors que le plan était initialement prévu pour durer jusqu’en 2025. Si la plupart des objectifs ont été atteints, la feuille de route a aussi bifurqué par endroits face à des parcours de soins complexes, en oncologie notamment. Par Clarisse Treilles. Publié le 29 octobre 2024 à 23h33 - Mis à jour le 29 octobre 2024 à 16h32 Ressources L’heure du bilan a sonné pour le plan France Médecine Génomique 2025. Initié en 2017, ce plan visait à intégrer le séquençage génomique à très haut débit dans les parcours de soins dans les maladies rares et en cancérologie sur l’ensemble du territoire. Le PFMG 2025 a permis de définir et valider 77 pré-indications à date, qui définissent les critères cliniques et biologiques pour permettre à un patient d’accéder au séquençage génomique. Le plan s’est organisé autour de plusieurs infrastructures, avec d’un côté les laboratoires de séquençage SeqOIA (Ile-de-France) et AURAGEN (Auvergne Rhône-Alpes), le Centre de référence, d’innovation, d’expertise et de transfert (CRefIX), ainsi que le collecteur analyseur de données (CAD), dont la finalisation a pris plus de temps que prévu. Il reste encore des verrous à lever, notamment le faible nombre de prescriptions pour les patients atteints de cancers, puisque près de 80% des prescriptions effectuées via ce plan concernent les maladies rares. “Cette proportion n’avait pas été anticipée” a indiqué Frédérique Nowak, coordinatrice opérationnelle du Plan France Médecine Génomique 2025, à mind Health. Il existe cependant des distinctions notoires en fonction des spécialités, précise-t-elle : “les tumeurs solides se déploient lentement, mais il y a un plus fort dynamisme du côté des cancers pédiatriques et de l’hémato-oncologie”. Au niveau des maladies rares, les difficultés sont surtout observées au niveau des délais de rendu des résultats, qui peuvent atteindre “jusqu’à quatre mois dans les maladies rares, contre des délais de 2 à 8 semaines en cancérologie”, note Amaury Martin, administrateur de SeqOIA, à mind Health, citant le cas de la plateforme francilienne. L’activité des laboratoires de séquençage s’accélère Les deux laboratoires de séquençage génomique mis en place dans le cadre du plan, SeqOIA et AURAGEN, sont bien installés dans le paysage et leur activité s’accroît. En septembre dernier, 37 400 prescriptions ont été adressées aux laboratoires, dont plus de 30 000 concernaient les maladies rares, un domaine où les prescriptions s’étendent souvent aux membres d’une même famille, ce qui monte le nombre de personnes concernées par ces examens à près de 100 000 au total. “Selon l’hypothèse que le dynamisme des trois derniers mois va se poursuivre, on estime que l’activité pourrait augmenter de 30% en 2024 par rapport à 2023” indique Frédérique Nowak. Si le nombre d’examens augmente, les délais de réponse restent “un point d’attention”, et particulièrement dans les maladies rares. Le facteur humain joue beaucoup : “le nombre de biologistes en capacité d’interpréter les résultats est la principale difficulté” évoque Frédérique Nowak. Chez SeqOIA, près de 500 prescriptions sont réalisées chaque mois sur les maladies rares, et 150 pour les cancers. Amaury Martin constate une augmentation de 50% d’examens réalisés sur la partie cancer entre 2023 et 2024, qui devrait rester constante l’an prochain. À titre indicatif, le budget de fonctionnement de la plateforme parisienne devrait atteindre 35 millions d’euros en 2025. Ces montants significatifs disent l’importance de la stratégie, pour valider le pari médico-économique de la médecine génomique. Amaury Martin souligne que la génomique aujourd’hui “n’est plus de la science-fiction”, avec des coûts qui se sont drastiquement abaissés et un parcours de soins prend forme. “On atteint la cible des 1000 euros par patient et les délais de rendu coïncident avec le calendrier de prise en charge”. Les recherches sur le point de démarrer Sur le versant de la recherche, la stratégie se structure aussi. La construction du CAD a demandé plus de temps aux équipes impliquées dans ce chantier d’envergure, mais les premières pierres de l’édifice sont aujourd’hui en place pour démarrer des projets de recherche. Le CAD a pris la forme d’un GIP fin 2022 et les recrutements ont eu lieu l’année d’après. “A l’image d’une start-up, il fallait partir de zéro” souligne Frédérique Nowak. Aujourd’hui, avec une vingtaine de personnes à son bord, le CAD a obtenu les premières déclarations de conformité au référentiel des EDS et les principaux contrats de transfert de données ont été signés. “Ces étapes vont permettre aux recherches de démarrer” commente Frédérique Nowak, anticipant l’accord des premiers accès dès la fin de l’année. À date, une douzaine de projets de réutilisation des données ont été validés par le comité scientifique et éthique du CAD. Quelle suite donner au plan après 2025 ? Le plan est cadré jusqu’en 2025, sans “date précise”, fait savoir Frédérique Nowak. Un certain nombre de sujets sont en discussion pour amorcer la suite du plan, notamment le nombre de laboratoires de séquençage (douze laboratoires étaient initialement prévus). Les deux laboratoires opérationnels ont “beaucoup augmenté leurs capacités” souligne Frédérique Nowak. “Ils ont été équipés cette année en séquenceurs de nouvelle génération avec une plus forte capacité pour un coût inférieur.” Dans les arbitrages à venir au-delà de 2025, plusieurs scénarios sont possibles : augmenter la capacité des laboratoires existants, en ouvrir de nouveaux, ou opter pour une solution intermédiaire, en créant un réseau de laboratoires régionaux. Le remboursement fait aussi partie des grandes inconnues. Pour l’heure, le séquençage est financé par le ministère de la Santé. “Pour les financements des actes, il était prévu dans le premier plan que la Haute Autorité de santé (HAS) procède à une évaluation sur la base des résultats des études médico-économiques. Pour l’instant, la HAS est en train d’évaluer les panels de gènes et s’intéressera aux actes de génomes complets une fois ce travail achevé” détaille Frédérique Nowak. Une évaluation des pré-indications est aussi prévue. “Certaines pourront être arrêtées pour ne garder que les indications cliniques efficientes, qui pourraient ainsi entrer dans le droit commun”. Des groupes de travail travaillent de concert à l’amélioration d’un certain nombre de sujets de fonds dans le parcours de soins, comme l’information au patient et le recueil de consentement en vue de la réalisation du séquençage génomique. L’implication de la France dans les plans européens est un autre cheval de bataille du PFMG 2025. La stratégie française doit s’harmoniser avec l’initiative 1+ Million Genomes visant le partage des données génomiques et cliniques associées dans l’Union européenne, à la fois pour le soin et la recherche. “La France, qui était observatrice de cette initiative à son démarrage en 2018, est devenue membre à part entière depuis 2022” indique Frédérique Nowak. Le projet est de bâtir une infrastructure européenne pour faire les analyses de manière fédérée et gérer les demandes d’accès aux données au niveau européen, en parallèle des infrastructures nationales. Le CAD tiendra le rôle de “nœud français” pour centraliser ces données. “La France est plutôt en avance en Europe. Le niveau est comparable à celui de la Suède et du Danemark” précise Frédérique Nowak, deux pays avec lesquels la France a signé des accords de collaboration. Clarisse Treilles Données de santégénomiqueMaladies raresoncologiePartenariatRechercheStratégie Besoin d’informations complémentaires ? 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