Accueil > Financement et politiques publiques > Stratégie > Jessica Leygues (Medicen): “Nous créons un nouvel axe stratégique très fort dédié à la data et l’IA” Jessica Leygues (Medicen): “Nous créons un nouvel axe stratégique très fort dédié à la data et l’IA” Medicen fait la part belle à l’IA et la data dans sa stratégie 2021. Jessica Leygues, déléguée générale et CEO du pôle de compétitivité, et Julie Baussand, cheffe de projet data & innovation du laboratoire d’initiatives Medicen pour la donnée de santé, le MIHD, détaillent pour mind Health la tactique derrière l’ambition stratégique. Par Camille Boivigny. Publié le 02 mars 2021 à 17h30 - Mis à jour le 16 mars 2022 à 17h03 Ressources Comment a évolué Medicen autour du numérique ? Jessica Leygues : Aujourd’hui, ce sont désormais 60 % de nos adhérents qui sont acteurs du numérique alors qu’historiquement notre activité concerne principalement les biotech et les medtech. Cela implique de se structurer et de s’entourer différemment et influe sur notre stratégie, notamment en termes de complémentarité et de réseau. Une des premières évolutions, mise en place après mon arrivée au poste de déléguée générale du pôle en avril 2020, est la restructuration des activités de l’équipe innovation santé, auparavant organisée autour de cinq domaines stratégiques – dont le numérique en santé qui regroupait aussi bien les enjeux de la e-santé, télémédecine, applications, etc., que ceux de la data et de l’intelligence artificielle (IA) -. Notre fonctionnement interne devient plus matriciel. Il existe désormais trois filières : biotech, medtech et e-santé, et un nouvel axe stratégique très fort dédié à la data et l’IA, remplaçant celui du numérique en santé, trop global. Qu’implique cette nouvelle organisation ? Jessica Leygues J.L. : D’une part, des filières structurantes biotech, medtech et e-santé traitant d’enjeux différents spécifiques pour chacun de ces écosystèmes. D’autre part, la création du laboratoire d’initiatives Medicen pour la donnée de santé, le MIHD (Initiatives for Health Data) porté par Julie Baussand. Cet axe contribuera de manière transversale à lever les verrous de l’accès à la donnée de santé, essentiel pour chacune des trois filières. Concrètement quel est le rôle de cette nouvelle entité ? Julie Baussand : L’écosystème tend vers les données de santé et l’IA, c’est ce qui a dessiné notre feuille de route. Nos adhérents, du clinicien au start-upper en passant par les industriels et institutionnels, sont confrontés aux problématiques d’accès, de partage et d’exploitation de la donnée. La restructuration de notre équipe va de pair avec celle des lancements d’actions structurantes. L’enjeu réside dans une meilleure visibilité et lisibilité des données, pour élaborer de bonnes pratiques et créer une véritable nouvelle culture du partage de la donnée. C’est une relation de confiance qu’il faut instaurer entre les différents acteurs. Comment définir et valoriser un modèle de partage des données de santé ? J.B. : Le MIHD va permettre d’explorer de nouveaux formats visant à accélérer les projets exploitant ces données. Il s’agit de “libérer” cette donnée existante pour notamment éviter que les acteurs de l’écosystème aillent chercher la data à l’étranger alors qu’en France nous disposons de données riches, d’une qualité recherchée, récoltées sur le long terme. Pour favoriser le travail entre “exploitants” et “producteurs”, nous sommes en train d’organiser une série de webinaires chaque dernier jeudi du mois, MeetMyData. L’objectif est de permettre à l’écosystème de mieux comprendre le panorama des données de santé existant, d’identifier les différents acteurs, leurs spécificités, pour favoriser les projets d’innovation. Concrètement, une structure disposant de données viendrait les présenter et exprimer les besoins recherchés. Il s’agit de leur donner la parole pour décrypter la typologie des données, leur volumétrie, les modalités pour y accéder, leur inscription dans le panorama – par rapport au Health Data Hub par exemple – pour expliquer à nos adhérents comment en tirer bénéfice, avec quelle finalité. Parallèlement, nous accompagnons quelques-uns de ces “producteurs de données” pour définir des modèles de partage et de valorisation qui formeront un socle de bonnes pratiques réplicables à l’ensemble de l’écosystème. Une présentation favorisant la mise en place de Proof of concept (PoC), de cas d’usage en quelque sorte ? J.B. : Exactement, sachant que le deuxième axe stratégique consiste à faire émerger les projets pour valoriser ce travail collaboratif, en proposant des véhicules d’innovation adaptés aux besoins cliniques et des industriels. Par exemple, un appel à manifestation d’intérêt a été lancé sur l’innovation multi-technologique dans le domaine des maladies cardiovasculaires, je prévois d’en lancer bientôt un second sur les approches prédictives et de suivi thérapeutique multi-échelles sur les données autour du cancer du sein. La réflexion porte sur la façon de combiner de la donnée hétérogène et de son intérêt pour l’écosystème. Un hackathon pourrait ensuite voir le jour, dans l’optique de faire émerger des bonnes pratiques de partage de la donnée potentiellement réutilisables par l’ensemble des acteurs, au sein d’initiatives nationales ou internationales qui pourraient s’en inspirer. L’enjeu réside dans une meilleure visibilité et lisibilité des données et dans la création d’une véritable culture, celle du partage de la donnée JULIE BAUSSAND À quel horizon cette stratégie s’établit-elle ? J.L. : 2022, à très très court terme ! 2021 est un premier pas vers l’évolution de notre modèle. Le rôle de Medicen étant salué par l’ensemble des acteurs, nous n’avons pas souhaité de disruption totale. Pour initier ce virage stratégique avec l’écosystème, le temps investi est indispensable pour bâtir une confiance entre les différents acteurs, et ensuite accélérer. L’idée est de pouvoir réunir une masse critique suffisante permettant de monter des projets qui eux seront suffisamment disruptifs pour mener à des financements de nouveaux produits ou services de santé. Dans le contexte actuel, comment ne pas “systématiquement corriger les retards mais se concentrer sur les maillons de la chaîne de valeur” comme l’indique votre note de synthèse ? J.L. : Relocaliser la production de produits traditionnels de santé n’a plus de sens, nous ne sommes plus compétitifs. Le réel enjeu consiste à se focaliser sur les produits de demain et faire en sorte d’être pionniers sur nombre de technologies permettant d’élaborer leur production en France. Pour la filière medtech, aujourd’hui totalement destructurée, il s’agit de renforcer les maillons manquants de la chaîne de valeur pour éviter de faire appel à des prestataires étrangers alors que le savoir-faire est présent dans une région voisine. Cette stratégie s’applique aux données de santé : il ne s’agit pas de chercher à tout résoudre, mais d’éviter de se disperser. Que la France se rapproche du leadership qu’elle mérite, de parvenir à transférer ce potentiel sur le marché. 2021 est un premier pas vers l’évolution de notre modèle Jessica Leygues Comment expliquer que 75 % du chiffre d’affaires des membres de Medicen est réalisé à l’export ? J.L. : Il s’agit du chiffre d’affaires des entreprises en santé accompagnées. En France le financement public initial est très généreux mais s’ensuit une “vallée de la mort” poussant les acteurs à rencontrer leur premier marché ailleurs. Aux niveaux européen et international, Medicen contribue activement au montage de projets, en identifiant les partenaires pertinents, en organisant des délégations de rencontre d’acteurs locaux dans des zones-clés comme les États-Unis, le Japon, la Corée, la Chine, Israël ou le Canada. Nos adhérents en comprennent ainsi mieux les conditions d’accès et sont mis en relation avec des clients potentiels. L’étendue de nos activités est assez tentaculaire. Comment se finance Medicen ? J.L. : Historiquement les pôles de compétitivité ont été créés par l’État, selon une politique nationale de structuration de filières stratégiques. Chaque pôle suit son propre modèle : le budget de Medicen provenait pour un tiers de l’État, un tiers de la Région, un tiers des cotisations et des prestations de santé. Nous sommes à la 4e phase de labellisation des pôles, l’État a décidé de régionaliser le budget qu’il allouait aux pôles. Cela accroît la part de la Région dans nos financements, ce qui est une vraie question de modèle et d’orientation pour les pôles puisqu’il existait une réelle complémentarité entre les missions régionales, territoriales, de développement d’un écosystème local, et des missions régaliennes d’attractivité et de structuration des filières. Nos adhérents représentent 45 % de l’écosystème de l’innovation en santé en France. Notre accompagnement personnalisé qualifié leur permet d’atteindre un taux moyen d’accès aux financements de projets de 40 %, contre en moyenne 18 % tous appels à projets confondus. Mais nous sortons de l’indicateur de performance purement quantitatif et modifions le modèle selon lequel l’écosystème nous perçoit comme 100 % financé par le public, donc sollicitable gratuitement. Notamment pour prioriser et optimiser notre impact en termes de prestations de services, en passant d’une logique opportuniste à une stratégie volontariste engagée. Le marché de la santé numérique a gagné en maturité, comment en pérenniser les usages ? Julie Baussand J.B. : Pour les DTx (thérapies numériques, ndlr) par exemple, il s’agirait de s’inspirer de l’Allemagne qui en favorise le remboursement. Pour ensuite faire connaître ces modèles et réfléchir avec les institutionnels pour faire avancer les lignes. De jeunes start-up nous sollicitent car le remboursement fait partie de leur business model donc il faut avoir conscience de la réalité de terrain, en France et ailleurs. J.L. : C’est un point important de notre positionnement : nous ne sommes pas un acteur du lobbying. En revanche, compte tenu de l’ensemble des entreprises que nous représentons, notre rôle est de porter la voix des start-up, TPE et PME. En nourrissant ces réflexions et en travaillant avec les syndicats et organisations professionnelles qui eux ont ce rôle de lobbying. Directement ce n’est pas notre raison d’être mais de part notre proximité avec les centres de décisions, politique ou de recherche, nous sommes fortement impliqués dans les politiques nationales. Chiffres clés de Medicen pour l’année 2020 492 membres4 filières stratégiques40 projets R&D labellisés et financés, > 150 M€ de budget globalParticipation à 11 projets européens et internationauxPlus de 100 entreprises accompagnées (international + Europe)Missions (en digital) d’accompagnement sur 4 pays : Japon, Corée, USA et Canada Jessica Leygues Déléguée générale et CEO de Medicen Paris Région(depuis avril 2020) Responsable associations de patients et programmes institutionnels patients chez Celgene(novembre 2017 – avril 2020) Responsable de projets transverses chez Celgene(mars 2016 – avril 2020) Project manager – Innovation & new business consulting chez Alcimed (septembre 2011 – février 2015) Julie Baussand Health innovation project peader – Head of Medicen initiatives for health data (MIHD) chez Medicen Paris Région (depuis août 2020) Health innovation project peader – Medical Imaging chez Medicen Paris Région (janvier 2020 – novembre 2020) R&D Life Sciences Industry – Solution define chez Dassault Systèmes (février 2016 – janvier 2020) Biovia R&D – Software quality assessment & evangelism chez Dassault Systèmes (novembre 2012 – février 2016) Camille Boivigny Données de santéIndustrieInnovationIntelligence Artificiellepôle de compétitivitéPolitique de santéRecherchestart-up Besoin d’informations complémentaires ? 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