Accueil > Financement et politiques publiques > Télé AVC : les régions structurent l’offre Télé AVC : les régions structurent l’offre La télémédecine permet d’améliorer la prise en charge de l’accident vasculaire cérébral (AVC). Plusieurs régions ont mis en œuvre le Télé AVC mais son déploiement est long en raison des changements organisationnels nécessaires et des problèmes d’interopérabilité rencontrés lors de la fusion des régions. Par La rédaction. Publié le 20 janvier 2019 à 17h48 - Mis à jour le 11 octobre 2021 à 12h32 Ressources En France, la prise en charge de l’AVC est une priorité de santé publique. Selon le ministère des Solidarités et de la Santé, chaque année, 150 000 personnes sont victimes d’un AVC. Plus de 110 000 sont hospitalisées et 30 000 en décèdent. L’AVC représente ainsi la 3ème cause de mortalité de maladie chez l’homme et la 2ème chez la femme. Surtout, la pathologie est la première cause de handicap chez l’adulte : plus de 500 000 Français vivent avec des séquelles. Plus le diagnostic et la prise en charge sont rapides, plus le patient a de chances de survivre et réduit le risque de séquelles importantes. En effet, la thrombolyse, qui est l’injection d’une molécule permettant de dissoudre le caillot bouchant un vaisseau du cerveau dans le cas d’un AVC ischémique, doit être réalisée dans les 4 heures et demi après l’apparition des symptômes. Ce geste est normalement réalisé par un neurologue dans une unité neuro-vasculaire (UNV). Or, tous les hôpitaux ne disposent pas d’une UNV. De plus, les UNV peuvent être éloignées du service des urgences qui accueille le patient. La solution ? Mettre en place le « Télé AVC » pour que les patients accèdent rapidement à un praticien de l’UNV par un maillage entre les établissements d’un même territoire. Cette télémédecine consiste en une télé-expertise entre les urgences et une UNV pour qu’un neurologue pose le diagnostic grâce à une IRM du cerveau et indique le protocole de prise en charge par l’urgentiste. Lorsque cela est possible, l’urgentiste ou l’infirmière spécialisée réalise la thrombolyse avant de transférer le patient à l’UNV du territoire. « Il s’agit pour le patient d’accéder à un diagnostic précoce, de réduire les délais de prise en charge notamment pour la thrombolyse, de mieux organiser les transferts vers les unités neurovasculaires, en résumé d’améliorer la qualité et la rapidité de la prise en charge », précise Michèle Dupuy, responsable du département systèmes d’information de santé et télémédecine à la Direction de l’offre de soins et de l’autonomie de l’ARS Nouvelle Aquitaine. « L’objectif du Télé AVC est que tout patient n’ait aucune perte de chance quel que soit son lieu de résidence », ajoute Fadela Bellaredj, cadre coordinatrice de la filière AVC du territoire de santé Artois-Douaisis des Hauts-de-France. Une organisation primordiale Le premier service de Télé AVC est créé en Franche-Comté dès 2000 à l’initiative d’une communauté de médecins. D’autres projets de sont lancés en 2010 notamment en Bourgogne, en Lorraine et en Artois-Hénaut dans le Nord-Pas-de-Calais, en 2012 dans le Limousin et en 2014 en Aquitaine. A chaque fois, la procédure suit le même schéma : le médecin urgentiste réalise l’examen clinique ; une IRM du cerveau est réalisée et transmise au neurologue qui pratique une téléconsultation ; s’il décide d’une thrombolyse, l’urgentiste ou l’infirmière spécialisée la réalise sous sa responsabilité ; le transfert du patient vers l’UNV ou, dans certains cas vers le CHU, est organisé. Dans tous les cas, les préalables sont identiques : le service des urgences doit disposer d’une IRM, l’établissement requérant (c’est-à-dire le service des urgences) et l’établissement requis (l’UNV) doivent pouvoir communiquer par une liaison Internet sécurisée pour la transmission des images et du dossier patient, et pour la téléconsultation, un neurologue doit être disponible pour la télé-expertise, les infirmières et urgentistes doivent être formés pour mieux repérer les signes de l’AVC ainsi qu’à l’acte de thrombolyse, mais aussi à l’utilisation des outils de télémédecine. La télé-expertise implique en effet la constitution d’un dossier patient adressé au neurologue par messagerie sécurisée, la transmission par haut-débit d’images du cerveau via une ligne Internet haut-débit et sécurisée, une téléconsultation par visioconférence. Ce qui signifie que l’équipement des établissements comprend également l’installation d’un logiciel spécifique, de caméras, d’écrans (le neurologue peut disposer de 2 écrans, l’un pour voir le dossier, l’autre les images) et d’une ligne Internet dédiée. Si les principes paraissent simples, la mise en œuvre peut s’avérer complexe. « Le triptyque de la télémédecine, c’est l’organisation, la technique et le financement », souligne ainsi Michèle Dupuy. En termes d’organisation médicale, il faut que les équipes des différents établissements apprennent à travailler ensemble, que les projets émanent des acteurs du terrain comme en Bourgogne, dans les Hauts-de-France ou en Lorraine, ou de l’ARS. « Lorsque le Télé AVC semble justifié, l’ARS déclenche une discussion sur la pertinence du projet en organisant des échanges avec la communauté des acteurs concernés (directeurs d’établissements, neurologues, radiologues, urgentistes, infirmiers, manipulateurs en électroradiologie médicale, etc.). La réunion de lancement est essentielle car elle permet de s’assurer que les acteurs clés se sont bien approprié le projet de Télé AVC avant que l’ARS ne finance l’équipement et les formations », relate Benjamin Daviller, coordinateur de la filière AVC au sein de l’ARS Nouvelle Aquitaine. En outre, « pour qu’il soit pertinent d’installer et de former les acteurs à l’outil TéléAVC, il faut que le service d’urgences se trouvant à plus de 30 min d’une UNV reçoivent au moins 40 patients souffrant d’un AVC par an », ajoute-t-il. « Les prises en charge nécessitent que nous ayons tous les mêmes bonnes pratiques et les mêmes protocoles. La formation permet aussi d’avoir le même langage. Car il s’agit bien d’un travail d’équipe malgré la distance entre les établissements, qui implique aussi le manipulateur radio et l’infirmière », souligne François Mounier-Vehier, neurologue au CH de Lens. De fait, « l’organisation de télé AVC entre les hôpitaux fait l’objet de conventions inter-établissements, qui précisent les procédures, les protocoles, le financement et le retour patient. Il s’agit en effet de prestations inter-établissements », explique Michèle Dupuy. Il faut ensuite faire vivre l’organisation, sachant que les membres des équipes peuvent changer. « La formation des urgentistes dans les 21 établissements qui pratiquent le Télé AVC, est permanente. Des sessions ont lieu tous les trimestres », note d’ailleurs Maurice Giroud, neurologue du service de neurologie générale, vasculaire et dégénérative du CHU de Dijon. Par exemple, dans le Grand-Est, les utilisateurs du Télé AVC, par groupes d’une quinzaine de personnes, bénéficient d’une formation de deux demi-journées sur les différents types d’AVC, les délais de prise en charge, les bonnes pratiques, la télémédecine appliquée à l’AVC. Une simulation sur un mannequin leur permet de mettre en pratique la théorie et d’avoir un débriefing sur leur mise en situation. Cette formation est payée par l’ARS. Avant le lancement du Télé AVC, les équipes ont également une formation in situ à l’utilisation des outils, financée par le GIP Pulsy. Si la technique a évolué depuis les débuts du Télé AVC, elle ne constitue pas pour autant la principale difficulté. En fait, c’est l’équipement des hôpitaux qui prend du temps, y compris pour la mise en oeuvre d’une liaison Internet sécurisée et dédiée à la télémédecine. « C’est très long, environ un an, à mettre en place entre le moment où le projet est lancé et celui où il est opérationnel, commente Michèle Dupuy. Certains hôpitaux sont équipés mais ne démarrent pas le télé AVC, car ils rencontrent des difficultés d’organisation. C’est le rôle de l’ARS d’accompagner les acteurs et de booster les projets. » Quant au financement des projets, qui peut être un frein, les ARS le prennent en charge en grande partie en finançant l’équipement initial (outils de télémédecine, installation de la fibre haut débit), la formation médicale et l’animation des filières AVC (par exemple, 450 000 € pour les 6 animateurs des Hauts-de-France), ainsi que la rémunération des praticiens (neurologues, radiologues) qui sont d’astreinte ou de garde. En revanche, l’hôpital paye l’abonnement à la ligne Internet. Un lent déploiement Malgré les résultats positifs du Télé AVC (voir encadré), tous ses préalables expliquent la lenteur de son déploiement, sachant que la fusion de certaines régions a soulevé les problèmes d’harmonisation des dispositifs et de l’interopérabilité. « Dans le sud des Hauts-de-France, les résultats attendus sont identiques à ceux du nord de la région, mais l’outil est différent. Par exemple, dans le nord de la région, les extractions automatiques de données et des statistiques facilitent le suivi d’activité et ont remplacé le suivi manuel des prises en charge effectuées. Ce n’est pas encore possible dans le sud. Autre exemple : le logiciel utilisé par les établissements du sud de la région ne permet pas au radiologue de tracer son compte-rendu dans le dossier patient qui n’est accessible qu’à l’urgentiste et au neurologue, détaille Fadela Bellaredj. L’éditeur doit faire des propositions pour que les hôpitaux puissent disposer rapidement et simplement de cette fonctionnalité. A moyen ou long terme, une harmonisation de l’outil télé AVC pour l’ensemble de la région est envisagée, mais celle-ci ne se fera pas sans concertation de l’ensemble des utilisateurs, sur les avantages et les inconvénients des solutions qui se profilent. Dans tous les cas, l’ARS accompagnera ce changement. » En Nouvelle Aquitaine, le dispositif de Télé AVC du Limousin a été rapatrié sur la plateforme de l’ex-Aquitaine seulement fin décembre 2018. « Nous avons eu la chance d’avoir le même éditeur de logiciel et le même hébergeur de données de santé agréé entre les deux ex-régions », observe David Jouson, chef de projet au GIP ESEA. Dans le Grand-Est, le regroupement des trois GCS d’e-santé de Lorraine, d’Alsace et de Champagne-Ardenne n’a eu lieu qu’en juin 2018 le nouveau GIP constitué n’est opérationnel que depuis début janvier 2019. L’organisation du télé AVC peut aussi ne pas coller aux « frontières administratives ». Ainsi, dans la partie sud de l’Aisne, les établissements de Soissons et de Château-Thierry sont plus proches du CHU de Reims (Grand-Est) que de celui d’Amiens. « Nous sommes en train de finaliser la formalisation de l’organisation avec le CHU de Reims, car nous leur transférons les patients de l’Aisne sud », précise Fadela Bellaredj. La situation est identique pour le CH de l’Arrondissement de Montreuil-sur-mer, au sud du littoral, moins distant du CHU d’Amiens que du CHU de Lille. L’ARS travaille depuis environ un an à organiser les transferts entre ces établissements. Le projet est lancé, mais « la difficulté est que nous avons deux dispositifs de télé AVC qui ne peuvent pas communiquer entre eux aujourd’hui. Nous devons donc trouver une solution », observe la coordinatrice. L’interopérabilité a, de plus, un coût puisqu’il faut soit faire migrer un dispositif vers une autre plate-forme, soit changer de logiciel, soit ajouter des fonctionnalités. L’avancement du Télé AVC varie donc selon les régions. En 2019, de nouveaux établissements vont le mettre en place. Par exemple en Nouvelle Aquitaine, l’ARS souhaite équiper les hôpitaux de Saint Palais, Confolens, Saint-Jean d’Angély, Royan, Jonzac, Rochefort, Faye-l’Abbesse et Ussel. Mais pour l’heure, la totalité du territoire est loin d’être maillé par cette télé-expertise. Des résultats positifs « Le Télé AVC en Bourgogne a permis de réduire les décès de 20 %. Et parmi les survivants, 20 % des patients sont totalement guéris. Le Télé AVC répond aux progrès de la médecine. Il permet d’avoir la même efficacité dans la prise en charge dans les services d’urgence qu’au CHU. Et il n’y a pas plus de complications pour les patients traités à distance », observe Maurice Giroud du CHU de Dijon. Le Télé AVC permet en effet d’améliorer la prise en charge des patients notamment par l’augmentation du nombre de thrombolyses réalisées. Par exemple, en Artois-Hénaut, le nombre de thrombolyses est passé de 29 en 2011 à 107 en 2013 et depuis, à 200 par an sur environ 1 500 dossiers patients par an. Le Télé AVC donne aussi la possibilité d’orienter plus vite en nuit profonde les patients vers les CHU le plus proche s’ils ont besoin d’une thrombectomie dans le cas d’un AVC hémorragique (un vaisseau saigne dans le cerveau). Télé AVC : panorama des solutions dans trois régions – Données recueillies par mind Health La rédaction AVCGradesImagerie médicaleTélémédecine Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind