Accueil > Industrie > Accès au marché > 2018, année de l’accélération dans la santé pour les Gafa ? 2018, année de l’accélération dans la santé pour les Gafa ? Recrutements de spécialistes du secteur, avancées technologiques mais aussi collaborations avec les acteurs traditionnels du médicament et des dispositifs médicaux et investissements de croissance externe et de capital risque, les Gafa ont multiplié les annonces dans le domaine de la santé, tant autour des traitements que de l’assurance, en 2018. Une tendance qui se confirme depuis le début de l’année. Les cabinets de conseil Deloitte, EY et KPMG livrent à mind Health leur analyse. Par Aurélie Dureuil. Publié le 28 janvier 2019 à 14h28 - Mis à jour le 28 janvier 2019 à 14h28 Ressources Inscription du digital parmi les cinq priorités stratégiques de Novartis, création d’une direction consacrée au numérique et nomination d’un CDO chez Pfizer, investissements de Sanofi pour convertir ses sites industriels aux nouvelles technologies, point sur la stratégie digitale lors de la présentation des résultats annuels de Boehringer… Les acteurs traditionnels du secteur de la santé ont affiché en 2018 leurs ambitions pour se saisir des sujets autour du numérique, tout en observant l’arrivée des Gafa sur leur territoire. Car, ces géants du numérique n’ont pas faibli en 2018 dans leurs prises de positions sur ce marché. De équipes de plus en plus dédiées à la santé D’abord dans la structuration de leurs activités en santé. L’année 2018 a ainsi été marquée par des recrutements d’acteurs issus du monde de la santé. Certains sont officiels comme celui de David Feinberg, vice-président de Google Health après une carrière dans les réseaux de soins américains Geisinger et Ucla Health, et celui de Jason Oberfest qui a intégré l’équipe santé d’Apple après avoir été fondateur et président de Mango Health. D’autres témoignent de projets plus confidentiels. C’est le cas de Taha Kass-Hout, ancien de la FDA, recruté en mai 2017 par Amazon mais dont la nomination n’avait toujours pas été officialisée début 2018. Ou encore du cardiologue Freddy Abnousi, qui a intégré Facebook pour mener la recherche en santé en 2016 dans la plus grande discrétion. “Google, Apple et Amazon ont ouvert beaucoup de postes aux corps médical et à des spécialistes de la santé. Il y a une hausse forte des compétences acquises”, observe Julien Maldonato, associé, innovation et business transformation de Deloitte. Un constat également de Cédric Foray, associé d’EY-Parthenon, en charge de l’activité santé en France qui cite le recrutement de David Feinberg chez Google fin 2018 comme illustrant “l’idée de réorganiser les activités dans la santé”. Pourtant, Frédéric Thomas, associé chez KPMG France et en charge du secteur sciences de la vie et santé, se montre prudent : “Ces recrutements témoignent surement d’une prise de conscience. Mais ce n’est pas toujours un facteur de succès. Nous avons déjà vu des acteurs qui n’étaient pas du secteur et qui avaient recruté des personnes de la santé pour se lancer sur ce marché, pour qui cela n’a pas fonctionné. Il est difficile d’être isolé dans une organisation qui ne comprend pas encore bien le marché”. Les prises de fonctions de ces nouveaux collaborateurs devront donc prouver leur valeur pour les stratégies des Gafa. Google et Amazon, actifs dans les levées de fonds, acquisitions et coentreprises Outre les recrutements, les géants du numériques, et plus particulièrement Google et Amazon, ont également connu une année très active en prises de participations dans les start-up, en opérations de croissance externe voire en création de coentreprises. À commencer par Google qui a multiplié les investissements avec son fonds de capital risque Google Ventures. Le groupe a participé aux tours de table de BenchSci dans le domaine de la découverte des médicaments et de Viz.AI qui travaille sur l’aide à la décision médicale. Sans oublier l’assurance avec les investissements de sa maison mère Alphabet dans Oscar Health. Google investit ainsi sur l’ensemble du secteur de la santé. Et le groupe ne s’est pas limité au marché américain. Il a notamment participé au tour de table de la start-up française Owkin. Google a également participé avec Amazon au tour de financement d’Aiva, qui développe un assistant vocal pour faciliter la communication entre professionnels de santé et patients. Si les deux géants du numérique s’y sont retrouvés associés, Amazon a également réalisé deux opérations importantes en 2018. En juin, il a annoncé l’acquisition de PillPack dans le domaine de la livraison de médicaments aux Etats-Unis. Et début 2018, le géant du commerce en ligne s’est positionné dans le domaine de l’assurance santé avec la création d’une coentreprise avec JP Morgan et Berkshire. “Il s’agit notamment de se positionner dans le domaine de l’assurance et de proposer des services autour du care, avec toujours une volonté de faire baisser les coûts. Il se prépare à adresser les services de demain en devenant un acteur crédible du secteur”, observe Jean-François Poletti, associé de Deloitte France. Plus généralement, il ajoute : “les Gafa veulent avancer et gagnent en maturité”. Google n’a pas été en reste dans la création de coentreprises avec des acteurs traditionnels du médicament et des dispositifs médicaux. Via Verily, déjà en coentreprise notamment avec Sanofi (Onduo) et GSK (Galavani Bioelectronics), s’est associé avec la société spécialisée dans le traitement de l’apnée du sommeil, Resmed. “Nous avons vu des acteurs traditionnels qui ont mesuré les enjeux de l’investissement pour la digitalisation de leurs parcours clients. Plutôt que de refondre leur modèle, ils peuvent désormais s’appuyer sur les Gafa”, constate Jean-François Poletti. Verily a fait également plusieurs annonces autour de ses collaborations avec les laboratoires pharmaceutiques. La coentreprise avec Sanofi dans le diabète progresse dans sa phase de commercialisation, en nouant des partenariats avec des fabricants pour les intégrer à la plateforme. Ce fut le cas fin 2017 avec le Français Voluntis. Et plus récemment avec le Canadien Orpyx Medical Technologies. “En 2018, la plupart de ces acteurs commencent à s’apercevoir que pour réussir, il faut s’appuyer sur une logique de plateforme capable d’agréger les services d’un certain nombre de partenaires”, indique Cédric Foray d’EY-Parthenon. En parallèle, Verily a également annoncé l’arrêt d’un projet initié avec le laboratoire suisse Novartis en 2014. “Cela montre une forme de maturité supplémentaire. Nous ne sommes pas seulement sur des accords de principe. Les laboratoires ont dépassé le niveau de la preuve de concept. Ils commencent des projets, en ajoutent d’autres… Certains vont être arrêtés tandis que d’autres vont entrer dans l’âge de la mise en oeuvre”, analyse Frédéric Thomas de KPMG. Outre les coentreprises avec les acteurs privés, les Gafa ont également multiplié les partenariats avec les établissements de santé, avec en ligne de mire l’accès aux données de santé. Les Gafa ont également poursuivi en 2018 leur stratégies de développement technologiques. A l’été, Facebook a conclu un partenariat avec l’université de New York dans le cadre d’un projet collaboratif sur les IRM. De son côté, Deepmind, activité d’IA de Google, a signé un accord avec un hôpital universitaire japonais dans le domaine du cancer du sein. Google Cloud et Amazon Web Services ont également rejoint l’initiative Strides des National institutes of health (NIH). Et des avancées technologiques S’ils ont multiplié les accords avec des acteurs du secteur, les Gafa ont également avancé leurs pions du côté de la technologie. Amazon a par exemple déposé un brevet pour que son assistant vocal Alexa puisse reconnaître un état de santé, comme la toux ou un éternuement. Il a également créé sa marque de dispositif médicaux. Apple a aussi développé son portefeuille de solutions pour la santé. Il propose un carnet de santé numérique dans ses devices. “Le groupe est arrivé dans la santé via des applications avec une dimension plutôt bien-être. Aujourd’hui, on est plus dans une solution thérapeutique. Ainsi, Apple noue des partenariats avec des hôpitaux, des centres de recherche, des assureurs pour se faire référencer pour le suivi des patients, grâce à son Apple Watch notamment”, souligne Cédric Foray (EY-Parthenon). Obtention d’autorisations réglementaires Outre ces avancées technologiques, les Gafa sont en train de franchir l’étape de l’enregistrement réglementaire de leurs produits. C’est le cas d’Apple. Le géant à pomme a bénéficié de la procédure d’évaluation De Novo de la FDA pour la fonction d’électrocardiogramme de son Apple Watch. Suivi début 2019 par Alphabet avec sa Study Watch. Un positionnement permis par l’Agence américaine qui “s’est emparée de façon très proactive du sujet des applications mobiles, des dispositifs médicaux et de la combinaison des deux”, observe Frédéric Thomas. Julien Maldonato estime d’ailleurs qu’il était inévitable que les Gafa intègrent le circuit réglementaire, “s’ils veulent travailler avec les hôpitaux, les médecins…”. Néanmoins, il pronostique un travail “à double vitesse” pour continuer à développer des produits hors de ce circuit réglementaire long. Après une année 2018 riche dans le positionnement stratégique des Gafa dans la santé, que réserve l’année qui débute ? Alphabet a démarré avec une levée de fonds d’un milliard de dollars pour sa filiale Verily. Et Apple annoncé une collaboration de recherche avec Janssen Pharmaceuticals (J&J). Pourtant, Cédric Foray estime qu’“il y aura certainement une rationalisation des projets”. Ne pas négliger les BATX Si les Gafa font beaucoup parler d’eux dans le secteur de la santé, en Asie, les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) sont également à la manoeuvre. “Les Chinois qui ont moins de limite culturelle sont en train de dépasser les Américains autour de cet enjeu planétaire de la santé. Ce sont eux qui ont les usines. Ils sont capables de baisser les prix sur ces appareils de mesure encore peu utilisés”, prévient Julien Maldonato (Deloitte). Alibaba a notamment renforcé sa filiale Alibaba Health Information Technology en mai 2018. Et Alibaba et Tencent ont signé des accords de collaborations avec des laboratoires pharmaceutiques comme AstraZeneca et Merck. Des croissances exponentielles de Google et Facebook dans les publications scientifiques Les citations de Google et Facebook dans PubMed ont été multipliées respectivement par plus de 40 et 15 en 10 ans. C’est ce qu’il ressort de l’étude du nombre d’occurrences depuis 2008 sur le site des National institutes of health qui recense les publications médicales. Ces chiffres incluent toutes les mentions des géants américains. Les mentions d’Apple et Amazon augmentent également mais prennent en compte également les noms communs anglais. On constate néanmoins la présence de 41 occurrences pour Apple Watch et de 204 citations avec Apple Inc. Les Gafa dans la santé en 2018 – Données recueillies par mind Health Aurélie Dureuil acquisitionApplication mobileGAFAMLaboratoiresLevée de fondsPartenariatStratégie Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind