Accueil > Industrie > Aqemia mêle l’IA et la physique pour concevoir des molécules prometteuses Aqemia mêle l’IA et la physique pour concevoir des molécules prometteuses Aqemia est une start-up spécialisée dans la découverte de médicaments, dont l'ambition est de découvrir des molécules thérapeutiques innovantes avec les meilleures chances de succès. L’IA générative d’Aqemia apprend à inventer des molécules pertinentes, sur la base d’algorithmes qui prédisent l’affinité entre une molécule et sa cible. Alors que l’entreprise signe avec les plus grands laboratoires pharmaceutiques, son CEO et co-fondateur, Maximilien Levesque, revient pour mind Health sur l’histoire d’Aqemia, de son ancrage académique à ses perspectives thérapeutiques. Par Clarisse Treilles. Publié le 23 janvier 2024 à 22h45 - Mis à jour le 23 janvier 2024 à 14h22 Ressources Un ancrage académique dans les mathématiques fondamentales Dans le processus de découverte médicamenteuse, la R&D est une étape cruciale, où le passage du virtuel au réel, quand il s’agit de recherche in silico, nécessite de valider des millions de tests et d’hypothèses avant de former des molécules potentiellement actives sur une cible thérapeutique donnée. En 2019, Maximilien Levesque et Emmanuelle Martiano se sont saisis de cette problématique, en misant sur la technologie découverte deux ans plus tôt dans le laboratoire de Maximilien Levesque à l’ENS. Ce chercheur du CNRS dirigeait à l’époque un groupe de recherche en physique théorique, après une thèse en physique quantique théorique réalisée au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) à Paris-Saclay. Devenir un laboratoire de recherche de médicament Tout est parti d’une équation mathématique résolue par Maximilien Levesque, pour laquelle il a reçu un prix de l’American Institute of Physics en 2017. Devant l’intérêt non dissimulé des grands laboratoires pour son travail, l’idée d’utiliser la technologie appliquée à la drug discovery a commencé à germer. La rencontre l’année suivante avec Emmanuelle Martiano, ingénieure de formation qui travaillait à l’époque auprès de grands comptes pour le Boston Consulting Group, a été déterminante pour la suite : ensemble, ils ont créé Aqemia, avec l’ambition très claire d’utiliser des technologies issues de la recherche fondamentale pour fabriquer des médicaments. “Le projet a toujours été de faire de la recherche de médicament” déclare Maximilien Levesque à mind Health. Pas question pour le CEO d’Aqemia de vendre des logiciels : “Le marché du logiciel pour aider les chercheurs à faire des médicaments est un petit marché de 200 millions d’euros. Quant au marché du service pour faire de la recherche de médicament, il est plus intéressant mais il ne permet pas de capter la valeur des molécules qui sont inventées” analyse ce dernier. Les partenariats, le nerf de la guerre “Puisque la drug discovery demande beaucoup de ressources financières, nous avons tout de suite voulu lever de l’argent pour construire une équipe” explique Maximilien Levesque. La spin-off de l’ENS et du CNRS a ainsi commencé par lever 1,6 million d’euros en 2019 auprès d’Elaia Partners, de Business Angels et de Bpifrance, puis 30 millions d’euros en série A en 2022, auprès d’Eurazeo et du fonds Large Venture de Bpifrance, avec la participation de l’investisseur historique Elaia Partners. Les partenariats avec les acteurs de la pharma constituent à date la totalité des revenus. Signe de stabilité, Sanofi a resigné en fin d’année dernière un partenariat pluriannuel avec Aqemia, qui pourrait rapporter jusqu’à 140 millions de dollars à la start-up selon la réussite des projets sur un certain nombre de cibles thérapeutiques. Aux côtés de Sanofi, Servier ou encore Janssen ont aussi rejoint l’aventure. Ces partenaires se révèlent être d’un précieux soutien sur le plan scientifique et culturel. “Travailler sur des projets industriels nous permet d’apprendre et de démontrer ce que l’on est en capacité de faire. Nous apprenons à être plus performant” soutient Maximilien Levesque, qui précise aussi que “les grands laboratoires s’appuient sur notre technologie pour remplir leurs pipelines de nouveaux candidats médicaments.” L’autre grand avantage, c’est de permettre aux laboratoires “d’augmenter la probabilité de succès de leurs projets”, souligne Maximilien Levesque, là où de manière globale en drug discovery, ce taux ne dépasse pas les 5%. Les partenariats n’occupant que “15% des effectifs” chez Aqemia, l’essentiel des ressources humaines sont consacrées aux recherches propres à la start-up. “Notre focus, c’est notre pipeline interne”, déclare Maximilien Levesque. Une dizaine de projets lancés Aqemia œuvre sur une dizaine de projets en interne à date. “Le travail que nous menons est efficace. Nous faisons fabriquer les molécules que nous inventons sur ordinateur, et réalisons des tests à différents niveaux, à la fois dans le bécher, au niveau des cellules et sur les animaux”. Sur son pipeline, trois molécules sont actuellement testées sur animaux en oncologie et en immuno-oncologie, précise Maximilien Levesque. Une technologie éprouvée Ces découvertes prometteuses reposent sur la technologie unique d’Aqemia, qui se nourrit à la fois d’IA générative et de physique, offrant l’avantage de ne pas se limiter à une aire thérapeutique en particulier. De façon synthétique : “Notre technologie permet de prédire sur des bases physiques si une petite molécule est un principe actif sur une cible thérapeutique donnée” explique Maximilien Levesque. En d’autres termes, Aqemia conçoit des principes actifs. L’IA générative permet d’inventer des dizaines de millions de molécules virtuelles pour une cible thérapeutique donnée, qui sont ensuite testées. “Parmi ces molécules potentielles, la physique extrait les quelques molécules intéressantes et potentiellement actives. La physique donne l’information à l’IA générative, qui apprend de ce feedback et améliore son processus de génération”. Autrement dit, il s’agit d’une boucle d’apprentissage en continu. Dans ce processus, le rôle du chimiste demeure central, comme celui du biologiste et du mathématicien. “Leur travail, c’est de challenger la machine et d’apprendre à l’IA quand elle se trompe ou emprunte de mauvaises directions”. Le travail du chimiste consiste également à “interpréter les résultats expérimentaux”, pour être en mesure de tester et fabriquer les molécules une fois les tests virtuels terminés. Ces étapes prennent plus de temps : “La boucle pour générer des molécules dure deux semaines. Quant à la fabrication de molécules, elle dure environ six semaines et coûte 5000 euros par molécule” précise Maximilien Levesque. À noter que les équipes d’Aqemia utilisent une version modifiée du programme AlphaFold de DeepMind. Cela permet, de façon numérique, de connaître la structure moléculaire tridimensionnelle (l’agencement en 3D des atomes) des protéines inconnues. Aqemia veut poursuivre sa croissance en 2024. Comptant actuellement une cinquantaine de salariés (dont un tiers non francophone), la start-up devrait accueillir un peu moins du double d’ici la fin de l’année, pour atteindre “80 à 90 personnes”, estime Maximilien Levesque. Des théories physiques inspirées du quantique “La théorie mathématique que j’ai développée est une transcription d’une théorie quantique. Les ordinateurs quantiques n’existent quasiment pas aujourd’hui et les premières applications n’arriveront pas avant au moins cinq ans. Il faut rester à l’affût des super technologies qui viennent, si un jour le quantum devient réalité, nous serons les premiers dessus. Toutefois, ce n’est pas du tout l’axe d’Aqemia que de se préparer au quantum computing” a déclaré Maximilien Levesque. Clarisse Treilles immunologieIntelligence ArtificielleMédicamentoncologiePartenariatRecherchestart-up Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind