Accueil > Industrie > Accès au marché > Cliniques privées : comment s’organise l’innovation dans les grands groupes ? Cliniques privées : comment s’organise l’innovation dans les grands groupes ? Depuis quelques années, les grands groupes de cliniques privées cherchent à mieux organiser leurs innovations et à développer davantage de services numériques à destination des patients et des médecins. Fidélisation, image de marque, réduction des coûts… A quels enjeux l’innovation numérique doit-elle répondre ? Comment s’organisent les groupes ? Avec qui travaillent-ils ? Quels sont les projets portés ? Vivalto, Elsan et Ramsay Générale de Santé détaillent leur stratégie. Par . Publié le 11 mai 2018 à 15h21 - Mis à jour le 11 mai 2018 à 15h21 Ressources En pleine restructuration et concentration depuis 2015, les grands groupes de cliniques privées font face à un enjeu d’image. Si leurs établissements sont bien connus des populations alentour, les groupes dans leur ensemble sont encore peu visibles. “Quand il y a concentration, il faut prévoir une émergence des marques et une nécessité de se différencier”, observe Caroline Desaegher, directrice de la communication de Ramsay Générale de Santé, également en charge de la fondation et son incubateur Prevent2care lab (lire encadré). Et la réponse semble se trouver dans l’innovation, particulièrement le numérique. “En décembre 2017, nous recensions 340 hôpitaux et cliniques privés qui ont bénéficié du soutien financier d’Hôpital Numérique, soit près d’un établissement privé sur trois. Au total, 44 % des projets retenus et financés par le programme Hôpital Numérique émanent d’hôpitaux et cliniques privés”, indique Lamine Gharbi, président de la Fédération des cliniques et hôpitaux privés de France (FHP). Ramsay, né de la fusion entre Ramsay Health Care et la Générale de Santé en 2014, a ainsi lancé en 2015 un plan “Let’s DO IT 2020”, reposant sur la digitalisation, l’optimisation, l’innovation et les talents. Parmi les projets numériques en vue : réaliser un pack de services digitaux pour les médecins, mettre en place un CRM patients, donner accès via internet à l’agenda du praticien, digitaliser le processus d’admissions ainsi que les questionnaires de satisfaction et la vente de service… “La digitalisation représente la moitié des axes stratégiques du groupe”, explique Olivier Tarneaud, directeur du marketing et du digital de Ramsay Générale de Santé, qui dispose d’une équipe de 7 salariés ETP, dont 4 pour le digital. Ce plan est financé par un budget capex prévu sur cinq ans, et un opex dépendant des projets portés. Les innovations demandent en effet un budget pour la mise en place, mais aussi pour la maintenance des services. En 2016, le président France, Pascal Roche, affirmait que le groupe investissait au total, toutes activités confondues, 150 millions d’euros. Elsan a lui fait le choix de créer une direction de l’innovation. Mise en place en 2016, à la création du groupe (né de la fusion des groupes Vedici et Vitalia), elle compte trois personnes, qui coordonnent notamment le travail d’Innolab, lui aussi créé en 2016. Ce comité rassemble des membres des différentes directions du groupe et se réunit une fois par mois pour évaluer des projets portés avec des partenaires. “Nous n’avons pas de R&D en interne, notre force est d’être un terrain d’expérimentation très intéressant pour les sociétés innovantes”, explique Ségolène Perin, responsable de l’innovation. Au moment de la fusion, le président du nouveau groupe avait indiqué qu’il prévoyait un investissement de 10 millions d’euros dans le digital, dans une enveloppe d’investissement global de 250 millions sur trois ans. Depuis, 230 projets ont été évalués et une dizaine de partenariats signés. Vivalto a lui constitué une direction de l’innovation dès 2014. Deux personnes structurent la démarche d’innovation au sein du groupe, en mettant en place une veille et un comité exécutif élargi qui valide les projets, tournés en priorité vers les médecins. “L’objectif était de faire du numérique une démarche stratégique et pas seulement un outil marketing. Pour nos médecins, nous nous devons d’être à la page de tout ce qui concerne la prise en charge des patients”, explique Marie-Pascale Chague, directrice de l’innovation. L’une de ses missions consiste à mener des Proof of concept (POC) qui proposent des réponses aux exigences futures de l’évolution des parcours de soins et d’efficience dans l’organisation. Le groupe s’appuie pour cela sur des partenariats extérieurs avec des start-up mais aussi des laboratoires et des acteurs installés sur le marché, ainsi que sur des financements extérieurs. Des enjeux marketing et de fidélisation client Les cliniques privées assurant en France 55% des opérations et 65 % de la chirurgie ambulatoire, selon des chiffres de la FHP, les services autour de ces activités sont clés.Chez Ramsay, l’une des principales réalisations a ainsi été le déploiement d’un portail patient. Testé sur un seul établissement en 2015, il est aujourd’hui utilisé dans une douzaine d’hôpitaux. Il permet aux patients de préparer leur hospitalisation en remplissant les procédures d’admission en ligne, de choisir leurs services et, depuis peu, de signer des documents électroniquement et de payer en ligne. Ce portail sera cet été complété par des services post-hospitalisation, comme l’automatisation de l’appel du lendemain, et installé dans 80 % des établissements MCO (Médecine, Chirurgie, Obstétrique). Le coût du projet se chiffre en millions d’euros. “Cela répond à la fois à un objectif d’efficacité opérationnelle, à faire gagner du temps au patient et à notre personnel, ainsi que de fidélisation. Un patient qui a déjà rempli ses informations en ligne n’aura pas besoin de le refaire lors d’une deuxième hospitalisation par exemple”, explique Olivier Tarneaud. Si l’effet sur la fidélisation n’a pas encore pu être évalué, Ramsay Générale de Santé affirme que 25 à 50 % des patients utilisent ce service en fonction des établissements, que l’âge moyen des utilisateurs se situe autour de 55 ans, que 65 % des connexions se font depuis un smartphone et que le taux de satisfaction est de 95 %. Dans une démarche plus liée au marketing, le groupe a également développé le service “Mynea”, qui propose aux femmes enceintes un programme d’accompagnement avant et après l’accouchement, via des ateliers et une newsletter. Plus de 80 % des mères ayant accouché dans un établissement Ramsay Générale de Santé s’y sont inscrites, affirme Olivier Tarneaud. Le privé accueillant 25 % des accouchements de France, ce public est stratégique. C’est aussi la stratégie du groupe Elsan, qui mise sur deux applications mobiles principales : l’une servant d’espace patient pour les personnes venant pour une opération, et l’autre ayant vocation là aussi à accompagner les femmes enceintes. L’application est toutefois ouverte au grand public, même non patient du groupe. La première application est disponible auprès de 600 000 patients, mais le taux d’utilisation n’est pas communiqué, tandis que la deuxième a été téléchargée 62 000 fois. Outre ces services, Elsan a mis en place à sa création en 2016 (lors de la fusion des groupes Vedici et Vitalia) une organisation pour développer les partenariats extérieurs, notamment avec des start-up, via Innolab. “Nous avons trois cibles principales : le service aux patients, les outils permettant aux médecins et collaborateurs de travailler plus efficacement, et les solutions permettant aux établissements d’être plus efficients, notamment autour du partage de données”, détaille Ségolène Perin. Parmi les projets réalisés, une technologie d’intelligence artificielle, associée à un logiciel permettant de coder les dossiers patients informatisés, a été développée avec Collective Thinking. Une application “Movecare”, permettant aux oncologues de suivre leurs patients à distance pour éviter les rechutes et réalisée avec Sivan, est également testée au Mans. “Dans les établissements privés, les médecins sont libéraux. L’enjeu est donc aussi de se différencier auprès d’eux, en offrant des services toujours plus pointus. Beaucoup d’initiatives viennent des médecins eux-mêmes”, observe Ségolène Perin. Attirer et retenir les médecins Chez Vivalto, cet enjeu est d’autant plus fort que “30 % de notre actionnariat est composé de médecins en activité dans nos établissements”, souligne Marie-Pascale Chague. Le groupe a ainsi mis en place un premier partenariat avec Doctolib il y a trois ans, a lancé avec Ambulis un progiciel pour le télésuivi au domicile des chirurgies ambulatoires baptisé Domicalis, ou encore un serious game autour de la chimiothérapie orale avec la société Audace Digital Learning et financé par en partie par Roche (lire notre étude de cas détaillé sur ce projet).”Nous avons actuellement 2 à 3 POC en cours, en plus de deux en phase de déploiement. Le taux de transformation entre la rencontre des start-up et le nombre de partenariats oscille entre 5 et 7 %”, estime Marie-Pascale Chague, qui affirme avoir rencontré plus de 200 jeunes sociétés en quatre ans. Selon elle, pour l’instant seul un POC validé en Comex n’a pas du tout abouti à un déploiement. Vivalto ne communique pas sur le budget consacré à ces projets mais indique qu’il recherche des financements externes, publics ou privés. Parmi les sujets qu’il aimerait davantage développer aux côtés de partenaires : l’intelligence artificielle, la blockchain et la donnée. Ramsay travaille pour sa part sur des outils BtoB à destination des praticiens, ainsi que sur des outils CRM pour mieux interagir avec les patients. Ramsay Générale de Santé fait le choix de créer un incubateur Alors que Vivalto et Elsan rencontrent et sélectionnent les start-up grâce à une veille réalisée en interne et en participant à des événements organisés par d’autres partenaires, Ramsay Générale de Santé a pour sa part opté pour un incubateur. Via sa fondation, le groupe a mis en place en février, avec l’accélérateur Inco, un incubateur consacré à la prévention santé, nommé Prevent2care Lab. “Le but premier est de faire avancer des projets digitaux dans la prévention santé. Pour Ramsay, c’est aussi une façon de faire entrer l’innovation dans une entreprise comme la nôtre, dont les salariés ne côtoient pas au quotidien les start-up”, explique Caroline Desaegher, à l’origine de ce projet. 13 jeunes sociétés ont été sélectionnées, dans des domaines variés comme l’intelligence artificielle pour l’aide au diagnostic, la téléassistance, le télésuivi…. “Deux tiers des sociétés incubées ont déjà commencé des expérimentations avec un ou plusieurs de nos établissements”, affirme Caroline Desaegher. Le coût pour la fondation s’élève à plus de 100 000 euros, indique-t-elle. Une deuxième promotion serait déjà en préparation. Cliquez sur le tableau pour l’agrandir Application mobileHôpitalInnovationPublic/Privé Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind