Accueil > Industrie > Comment a émergé un standard GS1 Datamatrix pour les produits d’investigation clinique Comment a émergé un standard GS1 Datamatrix pour les produits d’investigation clinique Une soixantaine d’acteurs de la chaîne du médicament ont œuvré, entre avril 2018 et mars 2019, à la création d’un standard Datamatrix international permettant l’identification et le marquage des produits expérimentaux. Une initiative portée par Sanofi, structurée par GS1 et à laquelle Creapharm a également participé. mind Health a interrogé ces trois acteurs pour comprendre les implications de ce standard adapté aux essais cliniques. Par . Publié le 20 avril 2021 à 16h12 - Mis à jour le 26 août 2021 à 16h25 Ressources Depuis le 1er juillet 2020, Sanofi applique, dans le cadre de toutes ses nouvelles études cliniques, un standard, sur la base d’un code-barres 2D GS1 Datamatrix, pour l’étiquetage des produits d’investigation. Si le laboratoire français utilisait déjà pour ce faire des standards GS1 depuis 2009 – “nous étions déjà dans l’identification des produits d’investigation clinique en suivant des standards, puisque GS1 est à la base de notre système d’identification”, indique à mind Health Pierre Fernandez-Barbereau, R&D clinical supply chain, industrial development project manager de Sanofi -, il a souhaité quelques années plus tard aller plus loin dans l’utilisation des standards pour répondre à “une gestion complexe du suivi et à des besoins de traçabilité et de partage des informations avec l’ensemble de son écosystème”, selon les termes de l’organisation GS1 par la voix d’Aurélie Escobar, responsable des filières Santé, industrie technique et bâtiment. Pierre Fernandez-Barbereau explique : “un Datamatrix est comme une enveloppe postale dans laquelle se trouve un message. Avoir l’enveloppe vous permet de l’ouvrir, la lire et vous avez alors le message. Mais le contenu du message n’est pas standardisé : nous devions expliquer point par point à nos partenaires le contenu de nos messages pour qu’ils puissent eux-mêmes réutiliser les informations dans leur propre système”. Il décide donc en 2017 de contacter GS1 France “pour travailler avec eux sur l’utilisation d’un standard qui permette à tout le monde de partager le même langage business et échanger de facto des contenus d’identification des produits d’investigation clinique. Au début, poursuit-il, nous étions concentrés sur une utilisation interne de ces codes-barres pour faciliter nos propres opérations de conditionnement et de distribution mais, en discutant avec nos partenaires, eux-mêmes se sont rendu compte qu’il serait utile d’utiliser notre code-barres”. C’est ainsi que Pierre Fernandez-Barbereau vise “une utilisation en réseau [d’un standard] avec tous les acteurs de la chaîne logistique”. Sanofi, Pfizer et le CH d’Argenteuil président le groupe de travail Aurélie Escobar témoigne : “après avoir compris les besoins de Sanofi, auxquels nos standards ne répondaient pas en totalité, nous avons présenté la démarche à notre Global Office en Belgique comme le prévoit notre process interne ‘Global Standards Management Process (GSMP)’ pour toute demande de nouveau standard. Cette procédure permet de veiller à ce que le standard en question ne soit pas spécifique à un seul marché ou à un seul acteur en sollicitant différents pays et acteurs au sein d’une même chaîne de valeur pour travailler ensemble”. Un groupe de travail international a ainsi été constitué en avril 2018, soit “à peu près une soixantaine d’acteurs de vingt pays différents : une dizaine d’industriels dont Sanofi et Pfizer, des hôpitaux, l’International Hospital Federation (IHF), des offreurs de solutions également et trois sous-traitants leaders dont Creapharm”, qui conditionne les produits commerciaux pour l’industrie, depuis la phase clinique. Pierre Fernandez-Barbereau a comptabilisé 37 sociétés participantes au total, citant également des transporteurs comme DHL et précisant que Sanofi, Pfizer et le centre hospitalier d’Argenteuil présidaient le groupe de travail. Le rôle de GS1 consiste à “faire collaborer ces acteurs, s’assurer que notre process interne est respecté, que la demande est bien formalisée pour ensuite être ratifiée, publiée et déployée à l’ensemble de la chaîne de valeur”. Valérie Marchand, responsable communication filière de GS1, précise qu’une dizaine de collaborateurs des différentes organisations GS1 au niveau international ont été mobilisés. De son côté, Nicolas Le Rudulier, head of innovations de Creapharm Clinical Supplies, indique “avoir fait appel en interne, pour cette phase d’élaboration du standard et à nos spécialistes côté conditionnement et édition des étiquettes, à notre expert informatique en charge du développement de nos outils internes de gestion de production”. Il a également lui-même participé “en tant que spécialiste de la logistique, des essais cliniques et responsable IT à ce moment-là”. Adapter l’outil de production Le tout aura nécessité une année de réunions hebdomadaires, jusqu’à la publication officielle de ce standard sectoriel le 27 mars 2019. “Soit un temps assez court”, estime Aurélie Escobar. Mais restait encore à l’intégrer en pratique, au sein de Sanofi comme de Creapharm, qui travaillaient déjà ensemble. Le sous-traitant des sponsors d’études cliniques déployait déjà un code Datamatrix basé sur le standard GS1 pour les produits commerciaux. Le nouveau standard lui a d’abord demandé d’adapter le process de création des étiquettes pour tous les produits qu’il conditionne. “Nous le faisons au fur et à mesure, soit à la création, soit à la modification des étiquettes, précise Nicolas Le Rudulier. Le nouveau standard n’a pas nécessité d’adaptation particulière : nous étions déjà compatibles avec la norme pour les produits commerciaux, ce qui nous a permis de l’être également avec la nouvelle norme pour les essais cliniques. Par contre, notre outil de gestion de la distribution a dû intégrer et qualifier cette notion de Datamatrix comme traceur de produits. Puis il a fallu modifier les procédures et former les collaborateurs.” Enfin, Creapharm a “sensibilisé ses clients à ce nouveau standard et essaie de les accompagner dans son adoption”. Chez Sanofi, cette standardisation a des conséquences sur l’ensemble de la chaîne logistique, depuis la conception des étiquettes (standardisation des informations) jusqu’au patient (connexion à son écosystème : enregistreur, smartphone…), en passant par la fabrication des produits d’investigation clinique et leur packaging (contrôles en ligne, identification des kits ou lots), la distribution (colisage des produits d’investigation clinique, préparation fiable des expéditions, envoi auprès de dépôts ou de sites cliniques directement, interopérabilité des informations échangées entre tous les acteurs) et l’hôpital (simplification des opérations de gestion). Pierre Fernandez-Barbereau explique que “le travail a consisté à synchroniser la mise en œuvre du standard sur toutes ces parties puisque, lorsque l’on met en place un système d’identification, tous les systèmes informatiques de la chaîne doivent pouvoir le lire et en tirer parti”. Systèmes qui ont donc été mis à jour. “Il faut s’assurer que les lecteurs de codes-barres puissent bien identifier les produits”, ajoute le project manager pour qui l’intégration du nécessaire revêtait à la fois un aspect technique, numérique, logiciel/hardware, mais aussi de management de projet et de qualité. Les hôpitaux gèrent eux-mêmes cette intégration mais Sanofi a communiqué auprès d’eux : “lorsque les kits sont envoyés sur site, nous expliquons le contenu de l’étiquetage”. Une application mobile pour le patient “Au niveau du patient par contre, poursuit-il, nous avons développé une application mobile, E-labeling, qui donne la possibilité de scanner le code-barres d’une boîte de médicaments et de retrouver toutes les informations sur l’étude et le produit, d’accéder par exemple à du média enrichi, des vidéos, de comprendre comment s’injecter un produit, de connecter des enregistreurs de température, etc. Les études cliniques éligibles à ce labeling électronique peuvent tirer parti de ce Datamatrix. Il s’agit d’un petit carré mais qui constitue la pierre angulaire du passage d’information, depuis la conception du produit, sur les chaînes de production, jusqu’à son allocation au sujet inclus dans l’étude. Nous sommes là sur une interopérabilité des systèmes tout au long de la chaîne logistique.” Mission accomplie, donc. L’investissement budgétaire n’est pas communiqué par l’industriel, qui rappelle qu’il était “déjà formaté Datamatrix GS1”. Pierre Fernandez-Barbereau estime que le travail a plutôt consisté à “mettre à jour nos formules, s’assurer de la compatibilité puis embarquer nos partenaires fournisseurs de solutions d’informations ou de solutions IRT (Interactive Response Technology) dans ce programme. Nous les avons d’ailleurs impliqués au plus tôt. Pour ce qui est de nos propres systèmes informatiques, nous avons travaillé avec nos informaticiens en interne”. Creapharm indique n’avoir “pas mesuré” l’investissement qu’a nécessité l’intégration du nouveau standard, qu’il applique désormais systématiquement dans les Datamatrix pour tout nouveau projet : “l’investissement le plus significatif sur lequel un effort certain a été fait porte sur l’adaptation de notre outil de gestion de produits pour essais cliniques qui a nécessité plusieurs mois de travail. Pour le reste, nous sommes sur des processus récurrents si je prends par exemple le BAT (bon à tirer, ndlr) des étiquettes”. Nicolas Le Rudulier souligne que ce standard constitue “l’outil de contrôle” de Creapharm. Pour le client, l’intégration du nouveau standard “est inclus, il n’y pas de surcoût”. Il s’agit d’“un intérêt commun”, souligne Nicolas Le Rudulier. Si l’on peut imaginer que ce standard pourrait devenir la norme dans les essais cliniques demain, Creapharm rappelle qu’il ne constitue pas une obligation, à l’inverse des produits commerciaux. “Mais je vois difficilement comment il ne pourra pas devenir incontournable, l’outil étant déjà porté par de très grands laboratoires mondiaux”, estime Nicolas Le Rudulier. Valérie Marchand ajoute que le standard “s’applique au médicament pour l’instant, et à tout type de médicament. Mais nous n’avons pas reçu de demande sur le dispositif médical”. Pour Pierre Fernandez-Barbereau, “la force d’un standard sectoriel est démultipliée par le nombre d’acteurs qui l’appliquent : plus ils seront nombreux à l’utiliser, plus la valeur ajoutée de la mise en œuvre du standard sera évidente”. Cette évolution ouvre en outre la voie à des techniques de partage d’information plus poussées : l’utilisation de la blockchain serait ainsi “envisageable”. Le numéro de protocole, une spécificité désormais incluse dans le Datamatrix Le nouveau standard sur la base d’un code-barres 2D GS1 Datamatrix pour les produits d’investigation clinique publié en mars 2019 contient, outre les informations classiques relatives au produit (comme le numéro de lot et la date de péremption), les informations de l’essai clinique relatives à la traçabilité à travers le numéro de protocole, en complément du code d’identification du produit (Global Trade Item Number – GTIN). “Le numéro de protocole, qui est le code donné au moment de l’autorisation de la réalisation d’un essai clinique, est une information que nous ne gérions pas auparavant dans les standards, souligne Valérie Marchand, responsable communication filière de GS1. Et l’intérêt des standards GS1, c’est qu’ils évoluent, ajoute-t-elle : des informations peuvent y être ajoutées si elles sont partagées par un écosystème et ce, au niveau international.” Essais cliniquesMédicament Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Traçabilité : Creapharm Clinical Supplies et Sanofi vont mettre en oeuvre le standard GS1 pour les essais cliniques