Comment SimforHealth, la Nouvelle-Aquitaine et les Ifsi régionaux ont co-développé une solution d’e-learning en simulation

“L’un de nos objectifs primordiaux était de rendre les cours communs entre les différents Ifsi, confie Françoise Jeanson, élue de la région Nouvelle-Aquitaine, en charge des formations sanitaires et sociales et déléguée de la santé et de la silver économie. Dans cette même optique, et simultanément au projet avec SimforHealth, deux projets avaient été lancés : l’un dont le principe est de partager un même cours enregistré en vidéo ou de le diffuser en direct dans tous les instituts et un projet de plateforme d’e-learning mené à l’université de Poitiers. Avec la réalité virtuelle, nous formons les étudiants au numérique tout en harmonisant les cours, le numérique occupant une place de plus en plus importante dans la profession, notamment en télémédecine.” C’est début 2017 que SimforHealth avait proposé aux Ifsi de la Nouvelle-Aquitaine son projet de formation, reposant sur les jeux immersifs  : “les contenus de jeux doivent répondre aux attentes pédagogiques et il faut donc qu’ils soient construits avec des formateurs des Ifsi, ce qui nous a poussés à initier une démarche de co-conception, explique Jérôme Leleu, président de SimforHealth. Pour ce faire, nous avions aussi besoin du soutien d’un acteur important, un organisme public. Nous avons alors contacté la région Nouvelle-Aquitaine non pas pour solliciter des subventions mais pour confirmer l’intérêt stratégique de notre vision et aider les Ifsi en les équipant en matériel et en finançant les formateurs”. Selon Jérôme Leleu, les acteurs du secteur infirmier avaient exprimé – lors d’événements, comme des congrès par exemple – leur demande à adopter de nouvelles méthodes d’apprentissage “mais les Ifsi ont des contraintes financières fortes, c’est donc complexe pour eux au niveau du budget”.

Neuf modules déployés en septembre 2019

La start-up bordelaise SimforHealth développe des outils de formation par simulation numérique. Ces serious games immersifs sont accessibles sur ordinateur, smartphone, tablette ou encore par casque de réalité virtuelle via sa plateforme MedicActiV. “Notre métier est d’innover pour la formation médicale et paramédicale. En re-créant virtuellement ce que le personnel voit à l’hôpital, au cabinet ou encore dans des situations de soins à domicile, nous accompagnons les étudiants afin qu’ils acquièrent une compréhension plus complète de leur profession et puissent prendre les meilleures décisions”, affirme Jérôme Leleu. L’insertion au cursus de la totalité des neuf modules d’e-learning à destination des étudiants infirmiers et disponibles sur MedicActiV est prévue dans les 27 Ifsi de la Nouvelle-Aquitaine pour la rentrée 2019 (les Ifsi étaient au nombre de 28 au moment du lancement du projet, avant la fusion des deux Ifsi du CHU de Bordeaux en septembre 2018). Le projet de support pédagogique à la formation initiale pourrait s’étendre à toute “la francophonie”, ajoute Jérôme Leleu : “et en 2018, nous avons mis en place, avec Orion Santé (organisme de formation continue des infirmiers libéraux, ndlr), un simulateur en réalité virtuelle cette fois destiné aux infirmiers libéraux”.

Une rénovation numérique à 2 M€ des Ifsi

Françoise Jeanson revient sur le contexte de cette initiative : “en travaillant sur ce dossier, nous avons réalisé que les équipes informatiques des Ifsi n’étaient pas assez bien munies pour pouvoir lire les cours et en utiliser les jeux. En fonction de leurs besoins, nous avons alors équipé les 28 instituts avec plus de 600 ordinateurs, des casques, ou en renforçant leur débit internet : soit un investissement total d’un peu plus de 2 M€”. Toujours d’après l’élue, 1,25 M€ ont été dépensés sur le “hardware” : 1,05 M€ pour les 639 ordinateurs, 164 250 € par an pour les casques de réalité virtuelle, 475 950 € pour le wifi et le haut débit ; 650 000 € sur les jeux (en prêts remboursables faits à SimforHealth) et un financement – dans les budgets annuels des Ifsi – du temps de travail et des déplacements de la cinquantaine de formateurs et de la dizaine d’universitaires qui ont participé à construire les jeux et des étudiants qui ont testé ces modules. Les 650 000 € d’avance remboursable (que SimforHealth doit rembourser à partir de 2021) englobent le processus complet d’intégration des simulateurs, de leur développement puis commercialisation à leur mise en place.

Deux ans d’écriture et de développement

Nathalie Mola, qui a été cheffe du projet alors qu’elle était cadre supérieure de santé à l’Ifsi du CHU de Bordeaux (actuellement élève directeur des soins à l’Ecole des hautes études en santé publique), renchérit : “Chaque Ifsi a disposé d’une journée de formation, réalisée par une équipe de SimforHealth pour présenter le fonctionnement de la plateforme MedicActiV, le principe des jeux et des accès. Pour l’instant, un seul simulateur est disponible dans l’ensemble des Ifsi de la région. Il s’agit d’un proof of concept dont le déploiement a été généralisé entre janvier et juillet 2018”. Ce premier simulateur concerne l’éducation thérapeutique d’un patient dont on suit le parcours de soins et comment celui-ci s’articule avec sa vie de famille, déclare Nathalie Mola : “nous nous sommes basés sur l’environnement numérique d’un cas développé par le Collège de santé de Bordeaux, notre collaborateur, et destiné aux étudiants en médecine. L’équipe de SimforHealth nous a appris comment bâtir le scénario d’un jeu vidéo, comment écrire les dialogues et décrire l’environnement : si le patient est couché ou debout, de quelle couleur sont ses yeux, est-ce qu’il y a une plante verte à côté, etc.” Nathalie Mola a piloté la pédagogie et l’utilisation de moyens techniques. Pour le développement de chaque jeu un groupe de cinq à six formateurs, chacun d’un Ifsi différent, a travaillé pendant six mois. Pour le POC, leur première réalisation, le groupe s’est d’abord réuni en mars 2017, le produit a été obtenu en juillet et testé jusqu’en novembre de la même année, mois pendant lequel le projet a été présenté au conseil régional et aux directeurs des Ifsi en quête de soutien et d’approbation. Comme une pièce de théâtre, “le POC se déroule en cinq actes, décrit Nathalie Mola. Premièrement, le patient, suivi à son domicile, est victime d’un malaise cardio-vasculaire. Il est alors hospitalisé en urgence. Troisièmement, il est pris en charge dans un service d’hospitalisation conventionnelle, avant d’être placé en rééducation, et finalement d’être pris en charge à son retour à domicile dans un programme d’éducation thérapeutique”. L’écriture des scénarios pour les autres jeux a duré de janvier à juillet 2018, ensuite testés jusqu’en décembre : “leur développement est en cours de finalisation chez SimforHealth, pour une livraison complète au plus tard en septembre 2019”.

Optionnelle, la réalité virtuelle n’est pas la priorité

Au-delà de l’implantation du digital, les étudiants seront capables d’effectuer, dans le jeu, des opérations qu’ils n’ont normalement le droit de réaliser que plus tard : “la transfusion sanguine demande des connaissances et n’est jamais réalisée par un étudiant de première année, explique Nathalie Mola. Elle fait donc l’objet d’un acte pratique en jeu-vidéo, fait en réalité virtuelle, avec masque et manette”. En se connectant sur MedicActiV avec leur identifiant, et avec la permission d’accès donnée par le formateur, les étudiants pourront rejouer chez eux, hors des murs des Ifsi. Les modalités des jeux, chacun se déroulant en quatre à cinq actes, sont variables : les jeux se jouent seul mais les formateurs peuvent décider de les exploiter en groupe. Mais, sur les neuf modules, la réalité virtuelle n’en concerne que deux (sur la transfusion sanguine et sur la procédure d’injection dans une chambre implantable (dispositif offrant la possibilité d’injection par voie veineuse de traitements) “et tous les Ifsi ne sont pas équipés de casques, poursuit Nathalie Mola. Ce sont des choix d’investissements, tous les Ifsi ne possèdent ni les mêmes ressources ni les mêmes équipements”.

Un prix moyen de 50 € par étudiant par an

Cette e-formation coûte aux Ifsi un prix moyen de 50€ par étudiant par an : “c’est un modèle SaaS au prix très accessible, ajoute Jérôme Leleu. Plus le nombre d’étudiants est important, plus nous diminuons le coût par apprenant. Nous sommes aussi très vigilants sur l’accessibilité logistique aux simulateurs : nous nous sommes réunis avec les directeurs informatiques des CHU afin de savoir comment les accompagner pour une meilleure diffusion”. En soins infirmiers, Françoise Jeanson assure que, sur la totalité des Ifsi de la Nouvelle-Aquitaine ce sont 2 400 étudiants qui sont diplômés par an, et 7 800 étudiants infirmiers en formation initiale pourront utiliser ces jeux au fur et à mesure de leur cursus.