Comment Tech Care Paris et ses partenaires travaillent ensemble pour l’incubation des start-up

Offrir aux start-up un accès privilégié à des entreprises qualifiées d’un côté et permettre aux industriels et institutionnels de rencontrer et accompagner de futurs partenaires, tels sont les objectifs de la plateforme Tech Care Paris, l’un des 14 incubateurs appartenant à l’agence de développement économique et d’innovation de Paris, Paris&Co. Hébergeant et accompagnant des start-up de la santé et du bien-être au sein de  l’ancien hôpital Boucicaut à Paris,Tech Care Paris lance son prochain appel à projets en mai 2019, avant d’inaugurer en septembre l’accueil d’une nouvelle cohorte de jeunes sociétés qui seront incubées pendant une à trois années. Elles sont 23 start-up à l’heure actuelle. “Notre travail repose sur la logique du bâtir ensemble et émane d’une approche multi-corporate, détaille Mathieu Trystram, responsable de la plateforme. Les start-up et les grands acteurs du secteur de la santé se connaissent mais ne se comprennent pas forcément. Nous jouons donc le rôle de traducteurs.” Une vision multi-acteurs que partage Philips, l’un des partenaires et membre fondateur de l’incubateur : “Tech Care Paris a la particularité de réunir beaucoup d’acteurs de la chaîne de valeur, constituant ainsi un espace de rencontre, remarque Nina Rognon, New Business Development & Innovation Manager chez Philips. Bien que nous soyons un leader de l’innovation en santé, nous sommes conscients de ne pas pouvoir y arriver tout seuls. Et c’est donc en nous intéressant aux projets des start-up que nous aspirons à créer un écosystème d’innovation autour de Philips.” Parmi les partenaires figurent des entités publiques, telles que l’ARS d’Île-de-France, Bpifrance et l’AP-HP, mais aussi privées comme Covéa ou encore Sanofi. “Nous comptons signer de nouveaux partenariats et sommes en cours de discussion avec des interlocuteurs privés et publics”, confie Mathieu Trystram. Le partenaire s’engage à verser une contrepartie financière, dont le montant est gardé confidentiel et qui alimente le budget de Tech Care Paris, et à déléguer un représentant qui participe aux instances de prise de décision et, s’il le souhaite, des experts pour les ateliers dits ‘office hours’. Le budget de l’incubateur est agrégé au budget annuel de fonctionnement global de Paris&Co qui est de l’ordre de 12 M€ dont près de 30 % de financements publics principalement de l’Europe et de la Ville de Paris.

Un accompagnement sur cinq axes

En interne, une équipe de deux personnes gère Tech Care Paris : Mathieu Trystram et Camille Dorra, chargée d’affaires. Pour les start-up, le coût du programme d’incubation s’élève à 12 k€ par an pour les entreprises en amorçage, et 5 k€ l’année pour celles en décollage. Jérôme Bourreau, président d’Anamnese, start-up en étape de pré-industrialisation incubée depuis mai 2018 et développeuse d’une solution d’intelligence artificielle appliquée au pré-diagnostic, décrit le travail du duo : “cela consiste à nous débriefer sur les prochains appels à projets, nous aider à déposer les candidatures à des dossiers d’aide à l’innovation de la région ou d’autres, dossiers qu’ils peuvent relire afin que nous puissions les améliorer et les rendre plus aptes à la sélection. Nous avons un rendez-vous avec l’équipe tous les mois pour revoir nos priorités ensemble, avoir leurs suggestions, savoir si nous prenons les bonnes décisions, nous challenger sur nos modèles économiques… Ils repèrent pour nous les meilleurs contacts également.” Mathieu Trystram se livre pour sa part sur cette stratégie : “nous accompagnons des entreprises innovantes à différents stades de maturité, qu’elles soient en amorçage ou en décollage. Cela se décline sur cinq axes : des formations suivant trois typologies d’ateliers, l’expertise de l’équipe, un environnement d’expérimentation, le réseau des acteurs de l’écosystème et l’hébergement sur 1 200 mètres carrés”. D’après Mathieu Trystram, la formation est une “véritable boîte à outils”, avec des ateliers de groupes destinés à renforcer la compréhension du secteur de la santé, comme par exemple “la prochaine intervention que fera l’Asip Santé qui communiquera sur son organisation”. Ensuite, nous trouvons les ateliers ‘office hours’ dédiés à un projet donné et où s’impliquent des experts externes ou venant des partenaires de l’incubateur. Le troisième type d’atelier fait travailler ensemble les start-up sur une même problématique : “sur les services B2C par exemple qui ne sont pas assez visés par la e-santé, illustre Mathieu Trystram, et à cela s’ajoute un format académie sur des thématiques plus larges”. Et enfin, Tech Care Paris assure aux start-up la capacité à expérimenter et potentiellement valider leurs preuves de concept avec les partenaires si jamais il y a adéquation entre les deux partis. Les partenaires ont “une marge de manoeuvre” importante, se félicite Mathieu Trystram : “ils pilotent en partie la plateforme, et c’est ce qui nous distingue d’autres incubateurs”. Une collaboration sur la durée, selon Nina Rognon, qui assure “un apport de valeur en continu” avec “participations régulières au comité de pilotage”. “Notre accompagnement consiste notamment en une mise à disposition d’expertises et de savoir-faire technologiques, via des rendez-vous en direct entre nos différents experts et les start-up pour les former sur certains sujets, par exemple sur la réglementation des dispositifs médicaux”, précise-t-elle.  L’une des start-up incubées, Macadam Tonic, avait d’ailleurs conçu avec Philips, entre 2016 et 2017, une application de rééducation linguale dédiée aux patients apnéiques et baptisée Booster Tonic. Pour qu’une start-up incubée intéresse en priorité, décrète Nina Rognon, il faut que son projet soit “en lien” avec les aires prioritaires de Philips : “la cardiologie, l’oncologie, la santé respiratoire, les soins pour la mère et l’enfant et l’intelligence artificielle appliquée à la santé”.

Le partage, un mot d’ordre

Pour Yannick Le Guen, directeur de la stratégie à l’ARS Île-de-France, les gains à la participation sont des “actifs immatériels” : “l’avantage est que cela nous apporte une meilleure visibilité sur le champs de l’innovation tout en nous mettant à niveau sur les évolutions technologiques en cours, ce qui sert notre mission en tant qu’intermédiaires entre les industries de la santé et les offreurs de soins”. De son côté, l’ARS, tout en leur apportant “avis et expertise” sur leurs projets, constitue pour les start-up “un guichet unique pour les mettre en relation avec les acteurs les plus intéressés qui pourraient les intégrer”, toujours d’après Yannick Le Guen, ou en les mettant en contact avec l’opérateur numérique GCS Sesan. Le partage entre les divers acteurs impliqués apparaît donc comme la valeur ajoutée la plus appréciée, témoigne Jérôme Bourreau : “quand on est une jeune entreprise, surtout dans le secteur de niche de la santé où il faut venir du sérail pour comprendre les démarches, s’offrir les services de consultants peut être assez onéreux, alors qu’au sein de Tech Care Paris les entreprises profitent des connaissances et de l’expérience de leurs pairs, en partageant les mêmes problèmes et intérêts et parfois même les coûts”. Et si Anamnese a jusqu’à présent trouvé des clients hors des murs de l’incubateur, les premiers noms sur sa liste avaient été des start-up voisines, poursuit Jérôme Bourreau, avant qu’elles ne “partent seules en croisière”. Au 20 mars 2019, l’ensemble des start-up incubées dans Tech Care Paris avait réalisé un total de levées de fonds de 221 M€.