Accueil > Financement et politiques publiques > Financement de l'innovation > Des financements du numérique multiples pour les établissements de santé Des financements du numérique multiples pour les établissements de santé Télémédecine, appli, dossier patient informatisé (DPI), interopérabilité… Le numérique fait désormais partie du monde de la santé. Et les projets se multiplient. Selon leur importance et leur coût, la question de leur financement peut se poser. À quels soutiens financiers et subventions peuvent accéder les établissements sanitaires ? Par . Publié le 06 septembre 2019 à 11h59 - Mis à jour le 06 septembre 2019 à 11h59 Ressources « L’enjeu de la transformation du système de santé concerne tous les acteurs, publics et privés, et nous n’avons jamais eu autant de variétés de financements pour cette transformation », déclare Marie-Pascale Chague, directrice de l’Innovation, groupe Vivalto Santé. « Il n’y a pas une inflation des financements et les financeurs ne sont pas forcément plus nombreux, mais l’offre s’est développée et il y a une multiplication des guichets », abonde Ségolène Perin, directrice de l’Innovation, Elsan. C’est notamment vrai pour les projets autour du numérique et de la digitalisation en santé, qu’il s’agisse de télémédecine, de DPI, d’outils de coordination ou de convergence des systèmes d’information (SI), lancés au sein des établissements de santé publics et privé. Les programmes publics La première source de financement est publique. Depuis plusieurs années, des programmes visent à accompagner et soutenir les projets tournant autour du numérique comme Hôpital numérique ou l’expérimentation Territoires de soins numériques (TSN). Un tournant a cependant été pris avec le Plan Ma Santé 2022 et la feuille de route « Accélérer le virage numérique », présentée le 25 avril 2019, puis la loi de santé du 24 juillet 2019. « Le numérique est un levier de transformation essentiel du système de santé. Un travail important a été conduit pour donner aux acteurs de la visibilité sur la cohérence entre les programmes et les différentes actions, et surtout donner une feuille de route stratégique aux acteurs de l’écosystème de manière pluriannuelle », explique Marie-Anne Jacquet, sous-directrice Pilotage de la performance des acteurs de l’offre de soins à la DGOS. C’est dans ce contexte que s’inscrivent quatre programmes pilotés par la DGOS : Hop’En, Simphonie, SI GHT et E-Parcours. Hop’En (Hôpital numérique ouvert sur son environnement) constitue la feuille de route nationale à 5 ans des SI hospitaliers pour la production des soins. « Le programme Hop’En s’inscrit dans la continuité du programme Hôpital numérique, mais il a évolué pour accompagner la stratégie de transformation du système de santé et promouvoir et sécuriser les échanges entre l’hôpital, ses partenaires et ses usagers. Des prérequis, notamment en matière de sécurité, et des conditions d’éligibilité sont demandés aux établissements qui ont déposé un projet. Ils doivent également atteindre des cibles d’usage dans sept domaines, contre cinq pour Hôpital numérique », détaille Marie-Anne Jacquet. Les sept domaines prioritaires sont : le partage des résultats d’imagerie, de biologie et d’anatomo-pathologie ; le développement du dossier patient informatisé et interopérable, et le DMP ; l’informatisation de la prescription alimentant le plan de soins ; la programmation des ressources et le partage de l’agenda patient ; le pilotage de l’activité médico-économique ; la communication et l’échange avec les partenaires ; la mise à disposition des services en ligne aux usagers et aux patients. Doté de 420 millions d’euros sur cinq ans (2019-2023), le programme a suscité de nombreuses candidatures. « Nous sommes assez satisfaits de l’appel à manifestation d’intérêt (qui s’est déroulé de mars à juin 2019, ndlr) pour le programme Hop’En. Au total sur les 3 196 établissements recensés dans l’observatoire Osis, 2 430 ont déposé des projets des différents domaines », précise ainsi Marie-Anne Jacquet. Mais au total, environ 30 % des établissements de santé publics et privés seront financés. Le programme Simphonie pour Simplification du parcours administratif hospitalier du patient et numérisation des informations échangées, regroupe plusieurs projets (FIDES / CDRi, ROC, Diapason…) et vise, pour les établissements de santé publics et privés à but non lucratif, à sécuriser le paiement des factures, simplifier les organisations et les processus afin d’optimiser la charge administrative relatifs à l’accueil, la facturation et le recouvrement et piloter et sécuriser les recettes hospitalières. En complément d’Hop’En, le programme SI GHT a pour objectif d’accompagner la convergence des SI des groupements hospitaliers de territoire par la montée en compétences des équipes communes de la DSI, l’outillage des fonctions supports au sein des GHT notamment la gestion administrative du patient, la gestion des ressources humaines médicale et paramédicale, la gestion économique et financière, et la mise en place d’un socle technologique commun (réseau informatique, référentiel d’identité unique, serveurs). Après un premier appel à projets en 2018, la DGOS va lancer un nouvel appel à projets de 14 M€ en 2019-2020, qui sera clôturé le 18 novembre 2019. Une instruction relative à cet appel doit d’ailleurs être publiée courant septembre. Enfin, le programme national E-Parcours vient appuyer la transformation numérique du parcours de santé dans les territoires dans une logique de coordination entre les professionnels libéraux, hospitaliers, médico-sociaux et sociaux via le déploiement de services numériques de coordination, en articulation étroite avec le déploiement du DMP et des messageries sécurisées de santé. Un financement conditionné par l’usage Ces différentes actions s’inscrivent dans une certaine continuité, mais un changement majeur a été opéré dans la façon de financer les projets. « Nous ne finançons plus des projets sans objectifs. Le principe est d’avoir un financement à l’amorçage et à l’usage. Hôpital numérique a initié ce principe qui a été plébiscité par les acteurs », souligne Marie-Anne Jacquet. Concrètement, un premier financement est versé lors de l’amorçage du projet et un second lorsque les objectifs, c’est-à-dire les cibles d’usage, sont atteints. Leur part est variable selon les programmes : 20 %/80 % pour Hop’En, 50 %/50 % pour la convergence des SI GHT et 60 %/40 % pour E-Parcours.Cette doctrine de la DGOS est également adoptée par les ARS. « Nous essayons de passer d’une culture de la subvention au prorata du coût du projet à un financement à l’usage complété par un financement de l’amorçage. Nous demandons par conséquent aux différents porteurs de projet d’être en capacité de maîtriser un socle de prérequis technologiques, ainsi qu’un niveau de maturité organisationnelle en fonction de l’ambition du projet et une formalisation des objectifs d’usage », décrit Yannick Le Guen, directeur de la Stratégie à l’ARS Ile-de-France. La part entre l’amorçage et l’usage est variable. Cela peut être 50 % au lancement du projet et 50 % ensuite, sachant que l’ARS peut être plus généreuse à l’amorçage dans le cadre de projets plus petits et plus novateurs. « Le financement aide au démarrage du projet, mais nous apportons aussi un soutien à l’ingénierie des projets », complète-t-il. Les autres sources de financement Outre ces programmes, les établissements publics et privés peuvent aussi s’orienter vers les ARS. « Nous avons, indépendamment des programmes nationaux comme Hop’En, plusieurs politiques d’intervention régionales qui financent d’autres projets dans les secteurs de la ville, du médico-social et du sanitaire, explique Yannick Le Guen, directeur de la Stratégie de l’ARS Île-de-France. Je peux citer le programme S-PRIM sur le partage de l’imagerie dont la maîtrise d’œuvre est assurée par le GCS Sesan. Il s’agit d’un sujet important pour les établissements de santé. Nous avons également le programme Ortif relatif à la télémédecine – toujours avec le GCS Sesan-, ainsi qu’Ophdiat qui concerne le dépistage de la rétinopathie diabétique. Nous travaillons aussi sur la télé-expertise en dermatologie. » Les procédures sont plus ou moins cadrées. Il peut y avoir des appels à projets ou à manifestation d’intérêt, ou des demandes plus directes. « Nous avons une gouvernance partenariale avec les représentants des fédérations des établissements sanitaires ou médico-sociaux mais également avec les différentes URPS. Nous nous réunissons tous les mois et nous partageons les projets que nous validons. Par ailleurs, les porteurs de projet notamment les directeurs d’établissements de santé peuvent nous solliciter soit directement soit par le biais de leurs représentants », détaille Yannick Le Guen. Concernant la sélection des projets dans le numérique, l’ARS regarde notamment leur impact sur l’organisation du système de santé régional et les patients. « C’est l’intérêt du projet qui nous guide, quel que soit le statut de l’établissement. Il n’y a aucune pré-répartition selon les statuts des établissements sanitaires, médico-sociaux ou des acteurs de la ville. La clé de répartition est corrélée à l’impact du projet sur le système de santé », précise-t-il. Les expérimentations dans le cadre de l’article 51 de la LFSS pour 2018 constituent aussi une source de financement vers laquelle s’orientent les établissements de santé, y compris privés. « L’article 51 permet de financer des innovations digitales si celles-ci entrent dans le cadre d’une innovation organisationnelle et d’un financement particulier dérogatoire au code de la sécurité sociale. C’est un dispositif très intéressant », observe ainsi Ségolène Perin. Selon les projets, les établissements vont actionner ces différents moyens. Les groupes privés disposent aussi d’autres outils de financement. En effet, les établissements du secteur privé n’ont pas accès à tous les programmes publics. C’est le cas pour Simphonie et, évidemment, pour les SI des GHT. Par le passé, la répartition des fonds entre le public et le privé a pu aussi se faire en faveur des hôpitaux au détriment des cliniques. « Nous allons aussi nous orienter vers un financement interne (Capex), des fonds d’investissement, des partenariats avec des industriels de santé au sens large (nos prestataires ou fournisseurs). Enfin, nous pouvons aussi prendre des parts dans des start-up pour nos projets POC (proof of concept) dont les usages ne sont pas encore mature mais avec le souci de ne pas être en exclusivité afin de permettre le déploiement de la start-up hors du groupe Vivalto Santé », liste Marie-Pascale Chague. Le discours est semblable au sein d’Elsan : « Aujourd’hui, nous investissons aussi par des prises de participation dans des sociétés qui peuvent nous apporter des services ou des produits pour nos patients ou nos médecins. Nous pouvons citer par exemple Doctoconsult, une société de télémédecine spécialisée en psychiatrie dans laquelle nous avons co-investi avec Bpifrance, relève Ségolène Perrin. Il faut aussi noter que les sociétés de capital-risque ont maintenant pris le tournant de la e-santé. » Marie-Pascale Chague insiste sur un autre élément important : la temporalité des projets. « Si nous voulons mettre rapidement en œuvre un projet dans nos établissements, nous allons plutôt opter pour des Capex, des fonds d’investissement et/ou des partenariats. Répondre à un appel à projets ou à manifestation d’intérêt dans le cadre d’un programme public demande plus de temps. Le timing est différent. Cette notion de temps est donc importante dans le choix des financements comme l’est la nature du projet », note-t-elle. De fait, trouver des financements nécessite aujourd’hui une véritable stratégie. Des possibilités du côté des fonds européens Les établissements de santé, publics et privés, peuvent obtenir pour des projets sur les nouvelles technologies et la e-santé un financement du Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), mais aussi enregistrer un projet afin d’atteindre des investisseurs potentiels par le biais du Portail européen des projets d’investissement (EIPP). Des financements complémentaires peuvent être accordés par les fonds structurels et d’investissement européens (ESI). En 2018, le programme européen « Connecting Europe facilities » d’un montant de 7,5 millions d’euros pour l’e-santé, a retenu 45 projets, dont l’objectif est d’améliorer l’accès aux soins et leur qualité par l’utilisation des TIC. En France, l’AP-HP bénéficie de près de 375 000 € pour 3 projets portant sur les réseaux européens de référence de maladies rares. Le centre de Lutte contre le cancer Léon Bérard à Lyon doit recevoir 124 999 € pour le réseau Euracan consacré aux tumeurs solides rares. Les hôpitaux universitaires de Strasbourg ont aussi obtenu 124 388 € pour la conception et la mise en œuvre d’un Helpdesk opérationnel pour la plateforme informatique Ern-Eye et la clinique virtuelle EyeClin. Les modes de financement des programmes numériques dans les établissements de santé – Cliquer ici pour accéder au tableau AdministrationGCSHôpitalInnovationPublic/Privé Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire La loi d’Agnès Buzyn renforce les exigences d’interopérabilité des SI et des outils numériques de santé Caroline Le Gloan (DGOS) : “Hop’En constitue la nouvelle feuille de route pour les systèmes d’information hospitaliers sur les cinq prochaines années" Le gouvernement affiche ses cinq orientations pour “accélérer le virage numérique” en santé Deux guides sur les indicateurs pour le programme Hop'En Confidentiels GHT : un nouvel appel à projets pour la convergence des SI