Accueil > Industrie > Iktos explore les molécules avec l’intelligence artificielle générative Iktos explore les molécules avec l’intelligence artificielle générative Dans le domaine de la conception de médicaments, Iktos développe des solutions basées sur l’intelligence artificielle et le machine learning pour explorer de nouvelles molécules et prédire celles qui seront les plus à même d’être synthétisées pour devenir de solides candidats médicaments. Par Clarisse Treilles. Publié le 09 mai 2023 à 23h00 - Mis à jour le 04 juin 2024 à 14h28 Ressources La genèse Iktos a été créée fin 2016 par Yann Gaston-Mathé, Nicolas Do-Huu et Quentin Perron. L’actuel PDG d’Iktos et ingénieur polytechnicien de formation, Yann Gaston-Mathé, a rencontré pour la première fois ses deux futurs associés lorsqu’il était consultant indépendant spécialisé en data science. Il a été séduit par la technologie que Nicolas Do-Huu et Quentin Perron étaient alors en train de développer, et qui allait devenir celle d’Iktos : “Je connaissais les grandes problématiques de la chimie médicinale et de l’optimisation des molécules pour trouver des candidats médicaments. La technologie qu’ils étaient en train de développer répondait à cette problématique. Nous étions vraiment convaincus d’avoir quelque chose de radicalement innovant avec un très fort potentiel de développement” se souvient-il. L’IA générative appliquée à la chimie Yann Gaston-Mathé, PDG d’Iktos Iktos a fait partie des premières start-up à travailler sur de l’intelligence artificielle générative appliquée à la conception de médicaments, affirme Yann Gaston-Mathé. “À l’époque, l’IA générative était surtout appliquée dans le domaine du traitement du langage naturel, dans la traduction et les chatbots, mais n’avait jamais été appliquée à la chimie”. Nicolas Do-Huu, le responsable IA de l’équipe, a eu l’idée de détourner ce type de modèle génératif pour l’entraîner sur des bases de données de molécules chimiques. Pour ce faire, l’équipe d’Iktos a établi une méthode d’apprentissage par renforcement en utilisant des bases de données de molécules en open data assez conséquentes – certaines étant composées de centaines de millions de molécules. Avec de tels volumes, le but était de guider le système en l’entraînant avec un certain nombre de contraintes, pour que les molécules générées automatiquement par ces modèles deviennent intéressantes. “C’est la base de la technologie d’Iktos” résume le PDG. “Iktos explore l’espace chimique via des modèles génératifs, pour imaginer les meilleures molécules possibles” Yann Gaston-Mathé, PDG d’Iktos La méthode itérative L’équipe de la start-up s’est beaucoup inspiré (et s’inspire encore) de la littérature existante pour optimiser sa technologie. Parallèlement à ses travaux de recherche, elle a pris le parti de partager ses découvertes à de potentiels clients pour confronter la théorie à des cas réels. “Dans l’industrie pharmaceutique, notre technologie intéressait les chimistes computationnels qui travaillaient déjà sur des réseaux de neurones pour faire du machine learning et des modèles prédictifs. Cette rencontre avec les laboratoires pharmaceutiques a permis de faire émerger un modèle très orienté client et axé sur les problématiques concrètes du marché” note Yann Gaston-Mathé. Le positionnement dans le cycle de découverte L’approche d’Iktos consiste à “explorer l’espace chimique via des modèles génératifs, pour imaginer les meilleures molécules possibles” décrit Yann Gaston-Mathé. Dans le cycle de la découverte des médicaments, une fois qu’une cible a été identifiée et validée, la mission d’Iktos est de trouver des candidats médicaments. Iktos se concentre sur les petites molécules synthétisables par voie de synthèse chimique. Dans le même temps, Iktos développe une technologie d’IA de rétrosynthèse pour prédire le caractère synthétisable d’une molécule et sélectionner la meilleure voie de synthèse. “L’objectif est de trouver un candidat médicament qui réponde à un cahier des charges multiparamétrique, la molécule devant être à la fois active sur la cible, solide, stable, sélective, perméable, etc. L’une des grandes difficultés pour une molécule est d’être capable de combiner une forte activité avec de bonnes caractéristiques pharmacocinétiques” détaille Yann Gaston-Mathé. Les solutions Iktos commercialise deux outils complémentaires, la plateforme Makya d’IA générative de drug design, d’une part, et l’outil de rétrosynthèse Spaya de l’autre. “Le chimiste médicinal ou computationnel utilise Makya pour trouver une nouvelle molécule, avant d’aller regarder comment la fabriquer au laboratoire avec Spaya” explique Yann Gaston-Mathé. Iktos commercialise également une technologie de virtual screening à très haut débit, nommée DockAI. En s’appuyant sur des librairies de molécules virtuelles, cette méthode consiste à “faire entrer une molécule virtuelle dans un logiciel de docking, chargé de vérifier que celle-ci entre bien dans le site actif de la protéine et s’y accroche. Chaque molécule virtuelle testée obtient un score. Plus ce score est élevé, plus elle peut potentiellement être un hit” indique le dirigeant. Pour être capable de “screener” d’énormes librairies moléculaires, Iktos a mis au point une technique basée sur du machine learning et de l’active learning (apprentissage actif, ndlr). “Le principe consiste à tirer au hasard un petit échantillon à partir d’une grande base de données pour prédire le score de docking à partir de ces données, puis appliquer le modèle à la totalité de la base. Il faut ensuite vérifier par itération dans quel cas de figure le modèle a raison, et dans quel cas il a tort” précise Yann Gaston-Mathé. Les équipes d’Iktos travaillent actuellement sur la mise au point d’une plateforme robotisée de synthèse de molécules pilotée par l’IA, Iktos Robotics. “La plateforme robotique est une composante clé”, soutient le PDG d’Iktos. Ce projet a d’ailleurs remporté l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) “santé numérique” du gouvernement en septembre 2022. L’objectif ? Faire en sorte que les molécules imaginées soient synthétisées le plus rapidement possible et à un coût moins élevé. Comment Qubit Pharmaceuticals veut accélérer la modélisation de médicaments avec Nvidia Les clients La start-up a travaillé depuis 2017 avec une soixantaine de laboratoires et compte une vingtaine de clients de taille significative, parmi lesquels Janssen, Merck, Pfizer ou encore Servier. Iktos met à disposition de ses clients sa plateforme propriétaire et leur laisse le choix du niveau de collaboration adapté à leurs ressources et à leurs besoins. “Nous ne proposons pas uniquement un modèle en SaaS, commente Yann Gaston-Mathé. Lorsque le client achète notre logiciel en licence, il peut rentrer ses données et construire des modèles s’il dispose des équipes en interne. Toutefois, d’autres clients n’ont pas suffisamment de ressources ni d’experts en interne pour justifier d’investir dans des logiciels. Les experts d’Iktos peuvent, dans ces cas-là, intervenir pour accompagner un projet”. Les jeux de données Pour faire tourner ses algorithmes d’IA, Iktos s’appuie sur des librairies de données publiques, comme des molécules déjà brevetées ou des données sur les structures des protéines, mais aussi sur des données clients pour avancer sur un projet en particulier. Si cette deuxième source de données a l’avantage d’être spécifique, son volume est aussi plus modeste car il faut compter en moyenne “quelques centaines voire quelques milliers de molécules testées sur une dizaine de tests biologiques” note le PDG d’Iktos. Le financement La start-up a annoncé le 9 mars dernier avoir levé 15,5 M€ en série A, pour avancer sur ses solutions technologiques, en particulier Iktos Robotics. Dans le secteur de la e-santé en France, cela représente la 3e plus importante levée de fonds au 1er trimestre 2023. Chiffres clés Année de création : 2016 Nombre de salariés : “entre 55 et 60 salariés” à date, composés de chercheurs en IA/ML/Data Science, de chimistes computationnels, de chimistes médicinaux, d’ingénieurs informatiques et d’une équipe de business development en France et à l’international (États-Unis, Royaume-Uni et Japon) Chiffre d’affaires : “entre 4 et 5 M€ en 2022”, selon Yann Gaston-Mathé, contre 2,1 M€ en 2021. Clarisse Treilles Intelligence ArtificielleMédicamentRecherchestart-upStratégie Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Iktos déploie son logiciel en Italie Deux nouvelles collaborations internationales pour Iktos Entretien Simon Turner : "Nous avons toujours cru, chez Sofinnova, qu'il fallait avoir des équipes dédiées" Une IA a modélisé la quasi-totalité des protéines connues