Accueil > Industrie > Incubateurs et accélérateurs santé : quels investissements pour quels résultats ? Incubateurs et accélérateurs santé : quels investissements pour quels résultats ? Pour rencontrer des start-up et tester des innovations, les entreprises du monde de la santé sont nombreuses à miser sur des programmes d’incubation ou d’accélération. Mais derrière la communication, qu'apportent réellement ces initiatives aux groupes et aux start-up ? Quels en sont les conditions de réussite et les écueils ? Harmonie Mutuelle, Paris&Co, les laboratoires Expanscience et des start-up ayant participé à ces programmes partagent leur expérience Par La rédaction. Publié le 28 mai 2018 à 18h01 - Mis à jour le 21 juillet 2022 à 14h26 Ressources 45 % des start-up françaises font appel à un incubateur ou accélérateur pour doper leur croissance, indique le baromètre 2017 EY sur la performance économique des start-up numériques en France. . En 2016, la France comptait 250 incubateurs et 50 accélérateurs, relève pour sa part Boston Consulting Group. La santé ne fait pas exception, même si ces programmes spécialisés y sont relativement récents. Techcare Paris&Co a été créé en 2014, Ipsen a créé un programme d’accélération en 2016, Bpifrance a lancé son accélérateur dédié à la santé fin 2017 et la fondation du groupe de cliniques privées Ramsay Generale de Santé a accueilli la première promotion de son incubateur centré sur la prévention santé il y a quelques mois. Les laboratoires Expanscience ont créé un accélérateur en interne en 2016, tandis qu’Harmonie Mutuelle a sauté le pas en 2017, avec un accélérateur à Nantes. Station F a lui ouvert en septembre dernier un incubateur healthtech, avec l’Institut du cerveau et de la moelle épinière. Et les débuts ont été parfois timides. “Lors de la première année, l’objectif des sponsors du projet, Philips, Sanofi, La Poste, Covea… était d’abord d’observer et de comprendre ce qu’il se passe dans l’écosystème, sans réaliser d’expérimentation ou de prise de participation. Le sponsoring était d’ailleurs gratuit”, se souvient Maria Bilash, chef de projet de Techcare Paris&Co, incubateur sur la e-santé et le bien être. Outre l’occasion d’un rapprochement avec des start-up, ces programmes sont aussi apparus pour les groupes comme une façon d’afficher leur dynamisme et leur volonté de se transformer. “Cela illustre notre volonté de s’ouvrir à notre écosystème, pour réussir à travailler différemment avec des start-up”, explique Mathilde de Montgolfier, responsable open innovation pour les Laboratoires Expanscience, qui organisent cette année la deuxième promotion de leur accélérateur, centré sur la santé, le bien-être et la prévention http://accelerateur.expanscience.com/ . Le lancement de ce programme faisait partie de la démarche globale de Responsabilité sociale d’entreprise d’Expanscience, qui comprenait un volet open innovation. Des budgets très variables L’intérêt avancé est aussi de faire “infuser” cette culture des start-up en interne, afin d’inciter les collaborateurs à plus d’agilité. “Il y avait l’idée qu’avoir des start-up dans les locaux permettait aux collaborateurs de comprendre leur fonctionnement, et en particulier leur rapport au temps”, avance ainsi Lionel Fournier, directeur de la région Atlantique pour Harmonie Mutuelle, qui a créé en 2017 la “Creative Care Factory” dans ses locaux à Nantes. L’assureur ne s’engage pas à une prise de participation mais un accompagnement entrepreneurial et juridique, aux côtés de son partenaire la Samoa (Société d’aménagement de la métropole Ouest Atlantique). D’autres, comme les laboratoires Expanscience, concentrent la sélection de leur start-up sur les expérimentations qu’ils pourront mener en commun. La société ne propose pas de locaux, mais un projet sur six mois, accompagné par un sponsor dans la direction et un contact opérationnel en fonction du sujet. Un autre modèle : iBioNext associe son programme d’accélération à un fonds de capital-risque, doté de 90 millions d’euros. Les budgets sont tout aussi variés que les objectifs. Le sponsoring du programme Techcare Paris&Co s’élève à 25 000 euros par partenaire, tandis chez Harmonie Mutuelle, le coût est limité (même si le montant n’est pas communiqué), notamment car les start-up paient un loyer à l’assureur. Les Laboratoires Expanscience dépensent pour leur part “quelques dizaines de milliers d’euros” pour leur programme, même si ce montant peut varier en fonction des projets, tandis que la fondation Ramsay Générale de Santé indique consacrer “plus de 100 000 euros” pour le Prevent2care Lab. Ces budgets ne prennent pas en compte les éventuelles prises de participation, qui restent toutefois rares. La santé : un domaine à part C’est d’ailleurs l’un des écueils pointés par certaines start-up. Passé par Agoranov avant d’intégrer iBioNext, Edouard Gasser, cofondateur de Tilak Healthcare, mesure le confort de démarrer le programme avec des fonds. “La santé est un domaine qui demande beaucoup d’investissements, ne pas avoir à chercher des investisseurs et pouvoir se concentrer sur le produit n’a pas de prix”, affirme-t-il. “Dans la santé, la sortie d’un produit et la mise en place de collaborations prend beaucoup plus de temps que dans d’autres secteurs”, confirme Maria Bilash de Paris&Co, qui anime des incubateurs dans d’autres domaines, comme l’édition, la finance ou l’immobilier. L’autre limite relevée par plusieurs start-up est le manque de ciblage. “C’est assez compliqué de mélanger des start-up qui font de la biotechnologie, du bien-être ou encore de la medtech. C’est un peu large. Nous serions presque plus proches d’une société qui fait du logiciel non ciblé santé, qu’une start-up qui développe un médicament”, explique par exemple Adrien Beata, cofondateur de Medgo, solution de gestion des remplaçants soignants, passée par l’incubateur généraliste HEC avant d’intégrer Wilco Healthcare. Cyril Grospiron, cofondateur de Umanlife, incubé chez Paris&Co depuis la première promotion, ainsi que chez l’accélérateur international Plug and Play fait le même constat : “Plug and Play cible beaucoup les start-up en fonction de leur activité (fintech, insurtech, healthtech…) et fait une sélection drastique aux côtés des grands groupes, ce qui assure une grande efficacité”, observe-t-il. Si tous sont très satisfaits de leur incubation, plusieurs affirment avoir vu des grands groupes participer à ces programmes davantage pour une question d’image et pour trouver de nouvelles idées, que pour réellement accompagner des jeunes sociétés. “Il ne faut pas épuiser les start-up à faire de l’animation au sein des grands groupes”, explique Maria Bilash de Paris&Co. Si elle a vu au début du programme certaines grandes sociétés organiser des visites au sein de l’incubateur “en mode zoo”, elle affirme qu’aujourd’hui les groupes arrivent avec des idées plus précises sur leur projet. C’est d’ailleurs l’une de ses recommandations pour réussir un programme d’incubation : “Il faut d’abord déterminer ses besoins, réaliser une feuille de route des domaines dans lesquels ils rencontrent des difficultés et où ils souhaitent innover”. Mathilde de Montgolfier d’Expanscience estime indispensable de mettre en place une équipe qui intègre plusieurs services de la société, et pas seulement l’équipe en charge de l’innovation. “Il est aussi très important de fixer des objectifs précis”, explique-t-elle. Enfin, Maria Bilash pointe l’importance de se rapprocher d’autres partenaires pour monter un tel projet : “échanger sur les bonnes pratiques avec d’autres groupes et s’appuyer sur des bons connaisseurs du fonctionnement d’une start-up apportent beaucoup. De plus, certains incubateurs portés par une seule entreprise rebutent les start-up, qui ont peur de la trop grande proximité et de l’enfermement”, affirme-t-elle. Expanscience reconnaît lui aussi l’intérêt des partenaires : le programme s’est appuyé dès la deuxième année sur Agoranov et envisage aujourd’hui de faire appel à d’autres entreprises pour créer un incubateur dit multi-corporate. Tous les acteurs interrogés considèrent leur programme comme une réussite, grâce aux collaborations qu’elles ont amorcées et parfois aux prises de capital réalisées (lire encadré) Ces programmes se poursuivent donc et celui d’Harmonie Mutuelle Région Atlantique aurait même inspiré le groupe Vyv. “Le groupe a comme idée d’ouvrir des tiers lieux et de travailler avec des spécialistes locaux, comme Angers French Tech, pour monter ce type de projet”, indique Lionel Fournier. Plusieurs résultats concrets affichés Parmi les réalisations des incubateurs et accélérateurs : Harmonie Mutuelle monte une expérimentation sur la qualité de l’air en entreprise avec Atmotrack , élabore une application permettant un parcours de soin à distance avec Directosanté , et a répondu avec l’ensemble des start-up incubées à un appel d’offres du conseil départemental de Loire Atlantique pour des dispositifs innovants destinés aux personnes âgées. Expanscience a pour sa part signé un partenariat de distribution avec Sublimed pour sa technologie de neurostimulation transcutanée et réussi à faire naître d’un projet interne une start-up nommée Libart , qui vise à créer une communauté en ligne autour de l’arthrose. Paris&Co revendique pour sa part être à l’origine de la collaboration entre Philips et Macadam Tonic autour d’une application pour les apnéiques du sommeil, ainsi que de l’investissement de 750 000 euros d’Elior Group au sein de Nouveal e-santé, spécialisé dans la pré-admission à l’hôpital. Enfin, Humanis s’est rapproché de Shift Technology, qui travaille dans la détection de la fraude à l’assurance et qui vient de lever 28 millions d’euros. Cliquez pour agrandir le tableau La rédaction AssuranceIncubateursInnovationLaboratoiresPartenariatstart-up Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind