Accueil > Industrie > Insuffisance cardiaque : les acteurs de la télésurveillance se positionnent enfin autour de l’expérimentation Etapes Insuffisance cardiaque : les acteurs de la télésurveillance se positionnent enfin autour de l’expérimentation Etapes Alors que la téléconsultation va faire son entrée dans le droit commun, la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) relance le projet d’expérimentation Etapes démarré en 2014 pour la télésurveillance entre autres de l’insuffisance cardiaque. Depuis quatre ans, cinq entreprises ont travaillé autour des solutions et entendent aujourd’hui prendre position sur ce marché en structuration. Par La rédaction. Publié le 30 mars 2018 à 13h24 - Mis à jour le 29 octobre 2021 à 17h36 Ressources Bien qu’intégrée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, l’expérimentation de la télésurveillance dans le cadre du projet Etapes (expérimentations de télémédecine pour l’amélioration des parcours en santé) débute seulement, depuis janvier 2018, autour de cinq pathologies (diabète, suivi des prothèses cardiaques implantables, insuffisances rénale, respiratoire, et cardiaque). Dans ce dernier domaine, cinq entreprises sont déjà positionnées sur ce marché français d’un potentiel de 800 000 patients ayant pour âge moyen 75 ans. Optimistes les acteurs considèrent que ce retard a été une chance, leur permettant de mûrir leur solution, pour mieux prouver l’intérêt de la télésurveillance pour le système de santé. “La France est aujourd’hui un territoire à la pointe du secteur de la e-santé en favorisant les conditions du déploiement de la télémédecine” déclare Christopher Cala, Chargé du Développement international du programme Care Coordination, pour Air Liquide Healthcare Le 6 décembre 2016, le cahier des charges fixant les conditions de l’expérimentation de la télésurveillance des patients insuffisants cardiaques a été publié au journal officiel. “La télésurveillance est une innovation importante pour notre système de santé, nous ne pouvons pas la manquer. Mais cette discipline présente de nombreuses spécificités, c’est pourquoi il était nécessaire de prolonger l’expérimentation”, déclare Yann-Maël Le Douarin, conseiller médical télémédecine à la DGOS. “L’intégration prochaine dans le droit commun de la téléconsultation et de la télé expertise, nous permet de nous concentrer dans les expérimentations sur la télésurveillance et ses spécificités”, ajoute-t-il. Avant de poursuivre : “Les entreprises qui se sont inscrites dans ce projet, bénéficient de l’engagement de la Cnil, fin 2017, de traiter en moins d’un mois les dossiers soumis dans le cadre du projet Etapes”. Le but de cette expérimentation est d’évaluer le besoin des patients et de réfléchir à un modèle de tarification. Cette expérimentation permet également d’obtenir des données en vie réelle sur une pathologie courante. “C’est à mon sens l’un des enjeux de l’expérimentation. Agrégées, ces données pourraient permettre d’alimenter des registres et faciliter des recherches dans les domaines médicaux et sociaux sur l’insuffisance cardiaque” s’enthousiasme Frédéric Durand-Salmon, Président de Be Patient. Un potentiel de marché de 250 000 patients par an La télésurveillance de l’insuffisance cardiaque représente un marché potentiel de 250 000 patients par an, si l’on prend en compte les seuls critères du cahier des charges. A ce jour, cinq sociétés, de la start-up à la grande entreprise en passant par les cardiologues eux-mêmes, participent à l’expérimentation, selon la DGOS. Dès novembre 2006, le groupement de coopération sanitaire (GCS) normand’e-santé a déployé la solution Scad (Suivi clinique à domicile) en partenariat avec l’éditeur IDO-in/Covalia. “Ce projet était porté par les cardiologues de la région au travers de l’association APRIC qui avait observé les bienfaits de la télésurveillance au Canada lors d’un voyage d’étude”, confie Karine Hauchard, responsable du projet télémédecine, directrice adjointe du GCS Normand’e-Santé. “Nous nous sommes intégré dans l’expérimentation Etapes sous l’impulsion de l’ARS, qui a toujours soutenu activement le Scad. Cette expérimentation propose un business model intéressant, qu’il faudra toutefois évaluer“. Depuis son lancement, 1 900 patients de la région Normandie ont bénéficié de ce suivi, soit plus de 200 par an. “Ce suivi représente un lien rassurant pour le patient. Après un délai de prise en main de quelques jours, il est rapidement autonome”, indique la responsable. Outre ce lien, le télésuivi des patients insuffisants cardiaques permettrait d’éviter plus de 50 % des hospitalisations pour décompression selon l’ensemble des acteurs de la filière. La solution technique, validée par la DGOS le 13 novembre 2017, repose sur un algorithme modifiable à volonté par l’équipe soignante. Il génère des alertes de couleurs différentes (verte, orange, rouge) en fonction de leur gravité à partir des informations collectées auprès du patient. Obtenir l’adhésion du patient : la clé du succès L’ensemble des acteurs de la filière se félicite de l’opportunité qui leur est offerte de tester en vie réelle et contre rémunération l’usage de leur outil. Tous concèdent que la clé de la réussite de l’expérimentation est le patient. La solution Scad a pu constater la lassitude de l’utilisateur. “A l’origine la durée du suivi était de 3 mois et a pu démontrer son intérêt clinique, nous avons travaillé avec les médecins de l’APRIC sur l’adaptation du procole Scad afin de s’intégrer dans Etapes ” précise Karine Hauchard. “Nous espérons que ces adaptations du protocole ne susciterons pas de lassitude chez certains patients,” ajoute-t-elle. Même regret pour Jean Guillemain d’Echon, directeur général de Newcard : “Une mesure quotidienne du poids est très contraignante et peut lasser le patient alors qu’il faut le passionner pour qu’il soit observant.” Dans ce but, la solution de Be Patient intègre des jeux et des quizz. “Cette brique du dispositif permet de rendre ludique la télésurveillance et éduquer le patient sur sa pathologie”, précise Frédéric Durand-Salmon. Par ailleurs, Be Patient a créer un outil interopérable permettant aux patients de conserver leur réseau de soin habituel. “Nous sommes des éditeurs de logiciel, élaborant des solutions innovantes aux plus proches des attentes du patient. Il nous a semblé évident de lui permettre de garder son infirmière, contrairement à d’autres solutions”, ajoute-t-il. En effet, le choix fait par Chronic care connect a été différent, en cas d’alerte les infirmières du groupe Air Liquide interviennent. Un business modèle à inventer L’un des défis de la généralisation de la télésurveillance est son mode de rémunération. Pour la prise en charge, la DGOS entend innover. “La télésurveillance est une pratique faisant intervenir un nouvel acteur, le fournisseur de solution, il est nécessaire d’imaginer un mode de financement spécifique. Les expérimentations ont pour objectif de concevoir de nouvelles modalités”, explique Yann-Maël Le Douarin en insistant sur le fait que le schéma de prise en charge ne sera adopté qu’après une large concertation. Ainsi, l’expérimentation prévoit le versement d’une prime à la performance. “Cette prime est le fruit d’une philosophie très nouvelle pour notre système de santé”, s’enthousiasme Yann-Maël Le Douarin. En effet, les professionnels de santé (réalisant la télésurveillance et assurant l’accompagnement thérapeutique) ainsi que le fournisseur de la solution percevront une prime à l’année N+1 si une réduction de 20 % des hospitalisations pour insuffisance cardiaque est constatée. Le montant de cette prime est égal à celui des rémunérations prévues à savoir 110 euros par patient et par semestre pour le professionnel de santé effectuant la télésurveillance, 60 euros par patient et par semestre pour le professionnel de santé assurant l’accompagnement thérapeutique du patient et 300 euros par patient et par semestre pour le fournisseur de solution technique. Actuellement les infirmières, et médecins réalisent ce suivi dans leur temps mort faute de rémunération. “L’expérimentation va devrait permettre de suivre un nombre plus élevé de patient sur l’ensemble de la région Normandie,” souhaite Karine Hauchard. Cependant, les acteurs constatent que ces forfaits ne permettent pas d’imaginer un business plan viable à court terme. “Le coût réel de la mise à disposition d’un kit est bien supérieur à 300 euros par semestre”, déclare Jean Guillemain d’Echon. Karine Hauchard constate que “cette somme couvre presque les coûts et permet de réduire la participation de l’ARS” mais elle regrette que cette participation, en l’état, soit insuffisante. “Il faut atteindre une masse critique pour permettre d’envisager un auto-financement”. Outre l’augmentation de la prise en charge, une des possibilités serait de permettre aux entreprises d’utiliser la tablette personnelle du patient à condition de s’assurer de la sécurité des données. “En pratique, notre prestataire de service a constaté que plus de 50 % des patients disposent déjà d’un accès internet”, ajoute Karine Hauchard. Autre hypothèse, nouer des partenariats avec des mutuelles, ou des laboratoires pharmaceutiques. Les opérateurs convaincus d’une généralisation du dispositif Dans son cahier des charges, la DGOS avance plusieurs chiffres sur l’intérêt de la télésurveillance. Cela permettrait de faire baisser de 40 % le taux de mortalité de l’insuffisance cardiaque. De plus, actuellement seulement 10 % des patients bénéficient d’un télésuivi, alors que 50 % des patients hospitalisés ont constatés des signes avant coureurs dans les quinze jours qui précédent leur hospitalisation. Le télésuivi pourrait aussi faire baisser le taux de retour à l’hôpital d’au moins 20 %. Les perspectives d’économies pour le régime obligatoire ne sont pas négligeable quand le coût d’un retour à l’hôpital pour un patient cardiaque est d’environ 7 000 euros. Ces chiffres permettent à l’ensemble des acteurs d’être optimiste quand à la généralisation du programme. “Cette initiative est un exemple d’innovation qui permet de repenser l’organisation sanitaire pour augmenter la qualité, l’efficience et l’accès aux soins” ajoute Christopher Cala. Dans 4 ans, à l’issue de l’expérimentation, l’opportunité de la généralisation sera évaluée. “La DGOS a missionné l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES), sous le contrôle de en lien avec la Haute autorité de santé (HAS) pour évaluer les expérimentations et la réalisation de ces objectifs”, indique Yann-Maël Le Douarin. Cette appréciation n’effraie pas les entreprises inscrites dans l’expérimentation.“Actuellement nous percevons une volonté forte du gouvernement français. La généralisation va donc pour l’instant d’elle même et les données remontées du terrain ne feront que confirmer son impact positif”, résume Frédéric Durand-Salmon, président de Be Patient. “La sécurité sociale a établie la codification des actes, la bascule peut se faire immédiatement”, ajoute Jean Guillemain d’Echon, directeur général de Newcard. Les acteurs semblent jouer collectif pour obtenir la généralisation de l’expérimentation et ainsi la pérennisation du marché. Chacun se targue d’avoir des atouts pour obtenir une place de leader. La société Newcard fondée en juillet 2016 avec un capital social de 778 euros par le cardiologue Grégory Perrard peut compter sur le soutien du syndicat national des cardiologues, premier prescripteur de télé suivi. “Dès les premières tentatives du gouvernement, nous nous sommes dit que les cardiologues étaient les mieux placés pour élaborer une solution conforme à leurs besoins. C’est ainsi que Newcard est né”, détaille Jean Guillemain d’Echon. L’autre potentiel leader pourrait être une société comme Implicity qui propose en plus du télésuivi des prothèses cardiaques implantées, le télésuivi des insuffisants cardiaques. Selon Implicity, 50 % des patients bénéficiant d’un télésuivi sont implanté avec une prothèse cardiaque. “Notre solution validée scientifiquement permet au cardiologue de suivre via une même interface ses patients implantés et ses patients insuffisants. L’interface filtrant les alertes va obtenir le marque CE d’ici trois mois”, développe Arnaud Rosier, pdg d’Implicity. Parallèlement surfant sur les potentialités de marché, l’ensemble des acteurs réfléchit au télésuivi d’autres pathologies avec le soutien du ministère. “La télésurveillance peut permettre de favoriser les prises en charge ambulatoires et placer le patient au centre du système de santé, c’est donc une voie dans laquelle nous voulons aller”, conclu Yann-Maël Le Douarin. Rendez-vous donc dans quatre ans. Les caractéristiques du cahier des charges : Le patient est éligible à condition de remplir une des deux conditions suivantes : Hospitalisation au cours des 30 derniers jours pour une poussée d’insuffisance cardiaque chronique Hospitalisation au moins une fois au cours des 12 derniers mois pour une poussée d’insuffisance cardiaque chronique et actuellement en classe NYHA 2 ou plus avec un taux de peptides natriurétiques élevé. La solution technique éligible doit a minima associer : Un système de recueil et de mesure quotidienne du poids au sein du lieu de vie du patient avec transmission au médecin. Ce système doit bénéficier d’un marquage CE Un algorithme, validé par le médecin effectuant la surveillance permettant de générer des alertes. La rédaction Politique de santépreuve de conceptTélémédecine Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind