Accueil > Parcours de soins > Gestion de la data > Jean-Philippe Authier (Servier) : Sur la sérialisation, “le projet a pris une dimension informatique de grande ampleur” Jean-Philippe Authier (Servier) : Sur la sérialisation, “le projet a pris une dimension informatique de grande ampleur” Alors que depuis le 9 février 2019 la sérialisation du médicament est entrée en application sur le territoire européen, Jean-Philippe Authier, directeur de la supply chain du groupe Servier, et Mike Kinsella, directeur du programme Matrix (mark agregate track & report for international exchanges), reviennent sur sa mise en place mais également les prochains enjeux pour la logistique. Par Aurélie Dureuil. Publié le 06 mai 2019 à 10h00 - Mis à jour le 20 janvier 2021 à 10h47 Ressources Comment est organisée la chaîne logistique du groupe au niveau mondial ? Jean-Philippe Authier : Le groupe Servier dispose d’une supply chain complète qui couvre toutes les étapes, de la gestion de la demande jusqu’à la distribution des médicaments dans 149 pays, en passant par l’ensemble des activités de planification. Nous nous appuyons sur l’ensemble de nos 16 sites de production et également sur des sous-traitants. Et nous avons de plus en plus de partenariats avec d’autres laboratoires. L’acquisition du portefeuille oncologie de Shire récemment, dont les médicaments sont produits par des sous-traitants, complexifie les flux. À ce jour, deux de nos usines ont une vocation à produire des médicaments destinés à l’international et d’autres sont uniquement dédiées aux marchés locaux. Nous utilisons trois typologies de flux pour livrer des médicaments qui partent de nos sites de production ou de ceux de nos sous-traitants : approvisionner nos stockages locaux directement dans les filiales à l’étranger, des plateformes de distribution ou directement des clients. Avez-vous équipé toutes vos lignes de conditionnement pour la sérialisation ? J.-P. A. : Tous nos sites sont concernés. Nous avons choisi d’équiper nos 50 lignes de conditionnement avec une solution à la fois complète et modulaire pour nous adapter aux différentes réglementations. Cela comprend non seulement l’équipement des lignes mais aussi toutes les connexions au cloud ainsi qu’aux bases de données européennes et nationales. À terme, la sérialisation concernera pour Servier plus de 5 000 références. Mike Kinsella, directeur du programme Matrix Mike Kinsella : En plus d’appliquer la sérialisation dans le cadre de la directive européenne, nous avons choisi de mettre en place l’agrégation, pour assurer une fiabilité optimale de nos données, mais également de pouvoir répondre aux différentes réglementations suivant les pays sans changer les produits de ligne. Les seules exceptions sont pour les marchés chinois (3 lignes dédiées) et russe. Pouvez-vous détailler le déroulement de ce projet ? M.K. : Nous avons débuté le projet Matrix en 2014. Au départ, il s’agissait d’un projet “mécanique”, c’est-à-dire qui concernait surtout l’équipement des lignes de solutions de marquage et de vision, car nous avions l’expérience du datamatrix pour le marché français (Le code datamatrix a été imposé en France à partir du 1er janvier 2011 pour assurer la traçabilité du médicament au lot, ndlr). Cela nous a donné le socle. En plus de l’aspect “mécanique”, le projet a pris une dimension informatique de grande ampleur. J.-P. A. : En effet, un point fondamental de ce projet est qu’il ne s’agit pas seulement d’équiper les lignes de conditionnement mais aussi de mettre en place des systèmes complexes d’échanges des données. En la matière, nous avons choisi de centraliser toutes nos données dans un seul cloud, lui-même connecté au hub européen. Jusqu’à maintenant, il fallait garantir la conformité du médicament, désormais s’ajoute la nécessité de garantir également la conformité de nos données. Quelles solutions avez-vous installées ? M.K. : Nous avons décidé d’avoir une supervision de type MES (manufacturing execution system, ndlr) avec l’accompagnement de Rockwell Automation. Nous avons installé les solutions de Cognex pour la vision et de Domino pour l’impression jet d’encre. Et nous avons fait appel à un intégrateur français. Enfin, pour héberger nos données dans le cloud, nous avons choisi Tracelink. Nous avons ainsi une solution modulaire et flexible avec la possibilité de changer soit un équipement, soit une couche de système d’information, sans contrainte de fournisseur. Pour nos sous-traitants, nous avons édité des guidelines avec les mêmes exigences de résultats, et les accompagnons étroitement mais ne leur avons pas imposé des technologies spécifiques. Quel investissement a été consacré à ce projet ? J.-P. A. : Je ne peux pas vous donner de chiffre précis. Mais en moyenne, selon l’EFPIA, l’investissement a représenté 1 % du chiffre d’affaires pour les laboratoires pharmaceutiques. Nous sommes dans cette moyenne. Quelles sont les équipes impliquées dans ce projet ? M.K. : Une vingtaine de personnes sont pleinement mobilisées au niveau du siège à la réalisation de ce projet, et en assure le suivi aujourd’hui. Elles travaillent en lien avec le service réglementaire, la qualité… Et sur chaque site, d’autres personnes, issues des services IT, production et qualité, sont dédiées pour assurer le suivi de la mise en place opérationnelle du projet. Comment s’est déroulé le déploiement ? M.K. : Comme les réglementations ont changé petit à petit dans le monde, nous avons utilisé chaque marché national comme une learning experience. Nous en avons profité pour tester de nouvelles fonctionnalités et déployer progressivement. Nous avons d’abord ajouté la sérialisation avant d’intégrer quelques mois plus tard l’agrégation puis la plateforme de données. Les premiers tests ont été pour l’implémentation pour être prêt pour la réglementation en Arabie saoudite (2017, ndlr). En moyenne, 22 jours par ligne ont été nécessaire pour installer les équipements, effectuer les tests et délivrer la validation. J.-P. A. : Et l’impact sur la production est modéré (à ce jour entre 3 et 5 % de pertes) et nous continuons d’optimiser ces installations et processus. En Europe, depuis le 9 février, les médicaments mis sur le marché doivent être sérialisés. Quels sont les premiers retours sur les échanges avec le hub européen ? J.-P. A. : Nous voulions être prêts et nous l’avons été. Au 9 février, nous avons effectué la bascule et toutes les boites qui sortaient de nos usines répondaient aux exigences du règlement européen. Nous avons rencontré quelques difficultés pour les échanges avec les bases de données européennes et nationales, mais elles sont aujourd’hui résolues. Malgré tout, nous sommes toujours dans une phase d’optimisation. Notre équipe va rester particulièrement mobilisée jusqu’en septembre pour une phase “Hypercare” avant de passer en mode “Run” stabilisé. La difficulté principale vient de la gestion des alertes, dont une grande majorité sont des fausses alertes, mais auxquelles nous devons toutefois répondre. M.K. : Les alertes peuvent venir de pharmacies qui ont mal scanné les boites et ont décommissionné deux fois la même boite, par exemple. Les alertes proviennent à ce jour e majorité d’Espagne, pays dans lequel les pharmacies sont bien équipées. En France,nous ne constatons pas encore de produits décommissionnés. Prévoyez-vous d’utiliser les données recueillies par la mise en place de la sérialisation pour optimiser votre chaîne de distribution ? J.-P. A. : Au départ, il s’agit d’une contrainte réglementaire. Mais rapidement, cette contrainte doit être transformée en opportunité, notamment pour améliorer nos process de production. C’est un pas de plus vers une supply chain plus connectée. Nous étudions la meilleure façon d’exploiter toutes les données que nous collectons pour renforcer davantage encore notre supply chain. M.K. : En effet, la sérialisation constitue une étape supplémentaire vers l’usine 4.0. Ces nouveaux outils nous obligent à travailler différemment. Ce changement concerne les opérateurs, les services informatiques… Il faut envoyer les bonnes données au bon moment. Quels sont les prochains chantiers pour les réglementations nationales ? M.K. : Nous sommes déjà mobilisés pour répondre aux exigences russes qui sont particulièrement complexes et exigeantes. Cela va impacter notre usine russe dédiée au marché local ainsi que notre site d’Orléans. Cela va permettre de tester notre modèle de modularité. J.-P. A. : En effet, les exigences russes en matière de sérialisation sont sans commune mesure avec celles de l’Europe. Le code à apposer est beaucoup plus complexe et demande beaucoup plus d’informations. Il nous faudra tracer un très grand nombre d’événements tout au long de la supply chain. Nous travaillons activement pour être prêts pour janvier 2020. Jean-Philippe Authier 2015 : Directeur supply chain, stratégie et performance industrie de Servier 2009 : Directeur performance industrie de Servier 1998 : Directeur production du site de Gidy de Servier 1994 : Responsable production du site d’Alby sur Chéran de Garlderma 1991 : Responsable production du site de Rumilly d’Alcon 1986 : Responsable production du site de Chartres de Novo Nordisk Mike Kinsella 2013 : Directeur du programme sérialisation et packaging de Servier 2012 : Responsable adjoint des affaires industrielles de Servier 2007 : Ingénieur production de Servier Irlande 2003 : Senior project designer de Prodieco Pharmaceutical Components 2002 : Ingénieur projet chez Containment Booth Systems 1998 : Ingénieur design chez Atlas Aluminium 1996 : Ingénieur design chez Sifco Turbines Aurélie Dureuil cloudIndustrieLaboratoiresSérialisation Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Sérialisation du médicament : les enjeux numériques à résoudre avant février 2019 Sérialisation : Comment les pharmacies hospitalières se préparent pour février 2019 La sérialisation des médicaments se mettra en place progressivement