Accueil > Financement et politiques publiques > Financement de l'innovation > Joël Vacus (Afssi) : “Le numérique est omniprésent chez les sociétés de service et d’innovation” Joël Vacus (Afssi) : “Le numérique est omniprésent chez les sociétés de service et d’innovation” Élu à la présidence de l’Association française des sociétés de services et d’innovation (Afssi), Joël Vacus, par ailleurs dirigeant de Drugabilis, détaille pour mind Health les axes de son mandat de deux ans et les enjeux liés au digital. Par Aurélie Dureuil. Publié le 08 avril 2019 à 10h23 - Mis à jour le 08 avril 2019 à 10h23 Ressources Pouvez-vous présenter l’Afssi ? Je fais partie des membres fondateurs de l’Afssi. Notre volonté de créer l’association en 2012 est partie du constat que, dans le paysage français de la recherche en sciences de la vie, nos sociétés de services et d’innovation restaient peu visibles des pouvoirs publics car elles n’étaient pas représentées. L’Afssi regroupent des TPE, PME et ETI prestataires de recherche du domaine des sciences de la vie : des sociétés de service et d’innovation (SSI). Nous avons aujourd’hui environ 130 adhérents. La majorité travaille pour les laboratoires pharmaceutiques et les sociétés de biotechnologies. Nous couvrons également les secteurs de la cosmétique, des nutraceutiques et du vétérinaire. De part nos critères d’adhésion, au moins 25 % des revenus de nos adhérents sont générés par la prestation de recherche pour des tiers. Et plus de 50 % de nos dépenses sont des dépenses de recherche et développement au sens du crédit impôt recherche (CIR). Nous faisons plus de R&D que les jeunes entreprises innovantes. Une frange de nos adhérents développe aussi ses propres produits. Nos entreprises investissent dans leurs laboratoires, elles emploient des diplômés du supérieur et elles conduisent en fait une part importante de la R&D industrielle des sciences de la vie. Que représente le secteur ? Environ 270 entreprises ont été recensées en France. Elles représentent environ 6 000 emplois et un peu moins d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires, selon une étude menée en 2017. Nous détenons des infrastructures de recherche assez chères, sommes présents sur tout le territoire national et travaillons beaucoup à l’export. Pourtant, notre secteur reste relativement méconnu et il ne bénéficie pas de mesures d’aides spécifiques. Quelles actions stratégiques prévoyez-vous de mener pendant votre présidence ? Nos axes de travail visent d’abord à poursuivre une communication active pour exister et être pris en considération dans un certain nombre de discussions. Par exemple, celles sur les évolutions possibles du CIR et les questions spécifiques liées à la sous-traitance de R&D, pour que ceux qui pensent les aides pour le secteur des biotech, aident aussi le secteur de la sous-traitance. On estime en effet qu’il y a deux ou trois emplois chez les prestataires pour un emploi dans la biotech. Nous allons aussi travailler à un renforcement des liens et des connaissances mutuelles des SSI entre elles. Cela passera par l’organisation d’évènements pour démultiplier les possibilités de rencontres et de synergies entre SSI françaises, notamment dans nos actions à l’international. Nous souhaitons enfin aussi être vus comme des partenaires privilégiés de la recherche publique dans ses efforts de valorisation. Nous allons ainsi communiquer plus sur notre capacité à travailler étroitement avec les Satt (sociétés d’accélération du transfert de technologies, créées en 2014 et au nombre de 14 dans l’Hexagone, ndlr), l’Inserm Transfert… Vous avez signé des partenariats avec certaines Satt et Inserm Transfert. Y-t-il eu des résultats ? Probablement pas assez. Il reste une marge de progression évidente pour travailler plus ensemble en nous respectant. Cédant aux injonctions de trouver des financements privés, certains établissements publics se sont parfois positionnés sur le marché de la prestation en pratiquant des prix objectivement sans rapport avec leurs investissements et leurs coûts de fonctionnement, ce qui est contraire aux règles de la concurrence. Ces situations ne devraient pourtant plus exister car en 2013, suivant les recommandations du CSIS pour éviter que les structures publiques ne viennent fragiliser le secteur des PME françaises de prestation de recherche, tous les organismes de recherche français avaient signé une charte de bonnes pratiques de facturation. Cette charte n’est manifestement toujours pas appliquée. Nous allons redemander où en est sa mise en œuvre par chaque organisme, établissement, laboratoire, plateforme. Comment intégrez-vous les nouvelles technologies du numérique ? Le numérique est omniprésent chez les SSI comme partout, de façon variable et spécifique à la fois. Certains de nos métiers sont effectivement plus utilisateurs en calculs, robotisation, simulation ou traitement de données. On pensera bien-sûr aujourd’hui au domaine des biomarqueurs et aux approches “omiques” (génomique, protéomique, métabolomique, etc…). On rencontre aussi le digital dans la simulation et la modélisation. Cela fait par exemple de nombreuses années que la modélisation est intégrée aux activités de drug design et certaines SSI ont su développer des méthodes de criblage virtuel, évaluant par le calcul parmi des dizaines ou centaines de milliers de structures moléculaires, lesquelles pourraient se lier à des récepteurs pharmacologiques particuliers, permettant de choisir quelles molécules devraient être synthétisées et criblées ensuite. La modélisation est également appliquée à la prédiction de profils pharmacocinétiques cliniques à partir de données physico-chimiques, pharmacocinétiques animales. Elle permet aussi d’anticiper des changements d’échelle de synthèses chimiques ou de procédés de fabrications de médicaments, ou encore de prédire l’existence de polymorphisme cristallin. La modélisation est partout et peut aussi être externalisée chez des SSI spécialisées. Nous avons réellement là une opportunité supplémentaire de décupler la performance de notre secteur d’activité dans la mise au point de ces nouveaux traitements. Joël Vacus Président de l’Afssi Avez-vous aujourd’hui des travaux autour de l’intelligence artificielle ? Il y a en effet dans nos métiers des développements faisant intervenir l’intelligence artificielle. Je pense par exemple à l’analyse de clichés de microscopie. Là où avant l’observation était auparavant limitée en nombre (quelques milliers de cellules étaient observées), avec les outils de la robotique, de l’analyse d’image et de l’intelligence artificielle, nous aurons la possibilité d’apprendre beaucoup plus de choses de l’analyse les clichés de microscopie, de réaliser des observations sur des centaines de milliers de cellules et de faire ressortir des éléments clés de processus de cancérisation, de mécanismes d’action, de concepts pharmacologiques nouveaux… Sur ce cas particulier de nouveaux outils pour la microscopie en biologie, on pourra peut-être un jour faire l’analogie avec les changements intervenus grâce aux travaux de Georges Charpak, prix Nobel de physique en 1992 qui en introduisant la chambre à fils pour remplacer la chambre à bulles avait décuplé la probabilité d’observer des évènements rares dans les collisionneurs de particules, ouvrant la porte à des découvertes majeures dans le domaine des particules fondamentales. Dans notre domaine aussi, il y a fort à parier que les nouveaux outils associés à des applications relevant de l’intelligence artificielle, ouvriront la porte à des découvertes spectaculaires. Un des membres fondateurs de l’Afssi, Oncodesign, est un des trois industriels coordinateurs du projet Hu-PreciMed. Quelles sont les implications pour la filière ? Au niveau de l’Afssi, nous n’abordons pas directement le thème des données. Les sociétés tout comme les établissements publics qui en génèrent seront dans le futur impliqués dans des consortiums capables d’accélérer le processus de la découverte de nouveaux traitements ciblés sur des populations particulières. Tout un pan du projet Hu-PreciMed discute précisément de l’accès aux données pour la médecine de précision : comment récupérer ces données, les utiliser et en faire sortir des nouveaux médicaments ciblés. J’ai siégé pendant quatre ans au bureau exécutif du pôle de compétitivité Medicen aujourd’hui partie prenante de ce projet. La qualité du système de santé français était très souvent évoquée pour sa capacité à collecter avec des procédures précises de traçabilité et de confidentialité, des données-patient de grande valeur pour la recherche translationnelle. Aujourd’hui, nous travaillons au sein du projet Hu-Precimed à une organisation particulière pour la mise en commun et l’exploitation de ces données-patient. Les SSI de l’AFSSI joueront aussi leur partition dans le dispositif en mettant en oeuvre leurs capacités de R&D pour pouvoir rapidement mettre à la disposition des patients et des hôpitaux des traitements expérimentaux. Nous avons réellement là une opportunité supplémentaire de décupler la performance de notre secteur d’activité dans la mise au point de ces nouveaux traitements. Joël Vacus 2019 : Président de l’Afssi pour la période 2019-2021 2014 : P-DG de Drugabilis 2012-2019 : Membre fondateur et membre du bureau de l’Afssi 2009-2013 : Membre du bureau exécutif de Medicen 1999 : Directeur associé Sciences pharmaceutiques chez Parke-Davis puis Pfizer 1993 : Responsable biopharma chez Rhône-Poulenc Rorer 1993 : Thèse de l’université Paris 6 1990 : Diplômé de l’ESPCI Paris Aurélie Dureuil IndustrieInnovationIntelligence ArtificielleRechercheStratégie Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind