Philippe Genne (Oncodesign) : “Nous sommes des “drug hunters”, des données de qualité nous sont indispensables”

Comment et pourquoi est né ce partenariat ?

Philippe Genne : Nous collaborons avec InterSystems depuis la co-création du projet Hu-PreciMed (Hub de médecine de précision) dans le cadre de Medicen il y a trois ans, qui avait pour but de structurer une filière professionnelle de médecine de précision. Cela nous a permis de découvrir leurs technologies. N’étant pas spécialistes de la gestion de données, l’idée est d’en sélectionner les meilleures approches pour nos métiers de drug discovery.

Laurent Viquesnel : L’oncologie est un domaine qui nous est cher et nous œuvrons dans le domaine technologique pur de la santé. Cette collaboration apparaît comme une évidence car nous partageons cette vision et cette méthode d’intelligence collective qui permet de nous projeter.

Quels sont les objectifs de ce partenariat ?

LV : Il s’agit de combiner nos expertises respectives pour optimiser l’exploitation des données et accélérer le drug discovery en oncologie. Nous pensons être un accélérateur déterminant pour Oncodesign en leur apportant un socle industriel, à savoir une certaine stabilité dans le traitement de la donnée, la capacité de scaler, c’est-à-dire monter en puissance sur des volumes très importants. Nous fournissons un outil d’interopérabilité répondant à des enjeux techniques et dont la vélocité provient de benchmarcks technologiques réalisés. Nous avons une vision industrielle et pérenne de l’innovation.

PG : Dans le cadre du projet OncoSNIPE, qui est un essai clinique lancé en 2017, incluant 600 patients dans trois indications en oncologie (pancréas, poumon, sein), et réunissant 16 partenaires, nous étudions l’évolution des patients au fil de leur traitement en collectant de grandes quantités de données. Pour être enrichissantes, ces dernières doivent être le plus large possible, pour pouvoir comprendre à quel moment et pourquoi la résistance au traitement apparaît. À partir du traitement, de l’analyse et de l’interprétation de ces data, nous pouvons identifier des sous-populations de patients atteints de cancers résistants aux traitements. À partir de ces observations, l’objectif est de pouvoir identifier des cibles thérapeutiques nouvelles. La solution IRIS for Health de gestion de  données conçue par InterSystems permet de collecter, structurer, agréger, exploiter ces data tout au long de leur vie et donc accélérer notre processus de R&D, notamment grâce à l’intelligence artificielle.

Concrètement, comment allez-vous travailler ensemble ?

Stéphane Gerart : Ma mission est de fédérer les meilleures technologies sur l’entièreté du processus de drug discovery (biologie, chimie, pharmacologie…) au sein de la BU IA créée en avril 2020. Notamment en y intégrant la plateforme d’InterSystems pour la gestion de différentes sources de données précliniques et cliniques auxquelles Oncodesign a accès. Elle sera intégrée à la plateforme propriétaire d’identification et de validation de nouvelles cibles thérapeutiques, OncoSNIPER. La plateforme d’InterSystems permet de se connecter à toutes ces sources (à la manière d’un datastore) et d’en assurer l’interopérabilité. Elle offre également la possibilité d’y réaliser de l’auto machine learning pour déterminer quel algorithme pourrait être le plus performant. En outre, ce partenariat nous permettra de bénéficier du réseau international de partenaires hospitalo-universitaires d’InterSystems.

LV : Nous intervenons en support pour aider Oncodesign à développer ses propres solutions techniques afin de valoriser leurs données. En enlevant les frictions technologiques intrinsèques, les data sont mises à disposition d’Oncodesign qui peut en tirer le plus de sens possible. En simplifiant l’architecture des infrastructures et sa maintenance nous permettons d’accélérer les temps de développement. Les data scientists peuvent ainsi se concentrer sur leur propre expertise et aller chercher de la très haute valeur ajoutée en exprimant pleinement leur métier.

Quelles sont les ressources mobilisées ?

LV : Du côté d’InterSystems, deux experts travaillent avec Oncodesign. J’assure la partie relation partenaire et commerciale. Par ailleurs, nous disposons d’un réseau international de cliniciens hospitaliers, producteurs de données. Notre collaboration comprend également la mise en relation, autour d’intérêts communs et d’un point de vue commercial, avec différents centres (hospitaliers et universitaires, notamment en Amérique du nord) utilisant nos technologies, afin qu’Oncodesign puisse avoir accès à leurs données. Nous gérons l’aspect opérationnel de la relation business qu’il pourrait y avoir entre le fournisseur de données – que nous ne sommes pas – et Oncodesign.

PG : Nous sommes des “drug hunters”. Il nous est donc indispensable de disposer de données de qualité. En les générant ou en allant les chercher à l’extérieur au sein de différentes bases de référence.

SG : Cette structure que je dirige comprend un Data Architect et cinq Data Scientists en charge de l’analyse des données, de la conception des modèles d’IA, de l’exploitation des résultats, leur interprétation. Par exemple, un data architect crée et organise les flux de données avec la plateforme InterSystems IRIS. Nous collaborons étroitement avec le département IT d’Oncodesign constitué de sept personnes, qui nous permet de mettre en œuvre une infrastructure de calcul et de stockage performante en intégrant IRIS.

Comment s’inscrit ce partenariat dans vos stratégies respectives ?

PG : Pour Oncodesign, il s’agit de la seconde étape de développement stratégique autour de l’IA, après la mise en route du projet OncoSNIPE en 2017. Nos caractéristiques premières sont l’innovation et la collaboration. Plus de 250 M€ ont déjà été investis dans le développement de nos technologies autour de la médecine de précision. Nous disposons de trois BU (services, biotech, IA). Concernant notre BU IA, le budget est de l’ordre de 2 à 3 millions d’euros investis cette année. Celle des services est dans une phase où nous recherchons une croissance externe assez forte. Deux structures ont déjà été intégrées, prochainement de nouvelles amèneront sans doute entre 100 et 200 personnes supplémentaires dans l’entreprise. Oncodesign inaugurera le 21 mai 2021 son siège social à Dijon tout en lançant officiellement sa stratégie de développement pour les trois à cinq ans à venir qui s’appuie sur les approches d’IA. Une autre annonce est prévue pour la fin de cette année.

LV : Chez InterSystems, il s’agit d’une démarche stratégique dans ce domaine de l’oncologie qui nous est cher : nous accompagnons plusieurs centres de lutte contre le cancer via notre solution TrakCare (solution de gestion administrative et médicale du patient) notamment à Dijon, Nice et Reims, mais également à l’Institut Universitaire du Cancer de Toulouse (l’Oncopole) avec InterSystems HealthShare (solution de prise en charge globale du patient et de coordination des différents acteurs privés publics territoriaux). Notre objectif est d’accélérer la transformation numérique d’Oncodesign, dans sa proposition de valeur actuelle au marché mais également en interne. Oncodesign dispose d’une réelle crédibilité de marché et est arrivée à un stade de maturité puisqu’elle est parvenue au stade où l’enjeu repose sur l’industrialisation, que nous accompagnons.