Accueil > Industrie > Pleine lumière sur la filière photonique Pleine lumière sur la filière photonique La photonique ouvre de larges perspectives en matière de diagnostic, de thérapie et de suivi des patients. Des lasers aux capteurs optiques en passant par l’imagerie de pointe, cette science de la lumière s’impose aujourd'hui comme un levier technologique indispensable, dont le principal enjeu repose sur sa démocratisation financière. Le point sur cette discipline au croisement de la recherche et de la clinique. Par Laure Martin. Publié le 03 juin 2025 à 22h55 - Mis à jour le 04 juin 2025 à 16h19 Ressources Vincent Destefanis, responsable partenariats capteurs optiques au CEA-Leti Numéro un de l’optique et des montures, EssilorLuxottica a inauguré le 12 mai à Wissous (Essonne), en présence d’Emmanuel Macron, un site industriel de pointe, représentant un investissement de 70 millions d’euros. Baptisé “Labex” pour Laboratoire d’Excellence, ce centre a recours à la photonique pour sa production. “Dans le domaine de la santé, l’ophtalmique est à la tête de la filière photonique“, fait savoir Ivan Testart, directeur général de Photonics France, représentant national de la filière auprès des pouvoirs publics. Appareil photo, télescope, microscope, écran, LED, phare de voiture, fibre optique, laser, panneau solaire… Les technologies photoniques, qui se situent entre l’électronique et l’optique, sont utilisées dans tous les domaines : santé, environnement, télécommunications, transport, défense, agriculture… “Difficile de donner une image unique de la photonique tant elle rassemble un nombre conséquent de technologies adressant de multiples cas d’usages, rapporte Vincent Destefanis, responsable partenariats capteurs optiques au CEA-Leti, institut de recherche situé à Grenoble, avant de poursuivre : “Au CEA-Leti, nous développons des solutions au-delà de l’état de l’art pour un certain nombre d’applications, du concept décrit sur le papier jusqu’à un stade pré-industriel.“ La technologie Comme l’explique Photonics France, la photonique rassemble les sciences et les technologies qui maîtrisent la lumière. Au fil des découvertes, la science de la lumière s’est développée au-delà du domaine de l’optique et a élargi son champ d’action. Cette technologie, qui travaille avec les photons, englobe toutes les applications industrielles liées à la lumière, qu’elle soit visible ou invisible. Ainsi, avec la photonique, il est possible de capter la lumière. Par exemple, les caméras et lentilles permettent de voir l’infiniment petit, l’invisible à l’œil nu ou de décomposer le spectre de lumière avec une très grande précision. Il est par ailleurs possible d’émettre de la lumière : les lasers couvrent une large gamme de rayonnements allant des rayons X et UV à l’infrarouge, en passant par la lumière visible.Enfin, il est possible de transformer la lumière avec par exemple les fibres optiques qui conduisent des données transformées en lumière pour transmettre des informations à grande vitesse (internet, 5G). Aide aux diagnostics et traitements Dans le secteur de la santé, “le déploiement de la photonique est confronté à des degrés de maturité divers“, prévient Vincent Destefanis. De nombreux hôpitaux, centres de lutte contre le cancer (CLCC) ou encore laboratoires pharmaceutiques utilisent l’instrumentation photonique pour leurs usages. Si “dans le domaine de la santé, la photonique est apparue en premier lieu avec le verre de lunette“, rappelle Ivan Testart, aujourd’hui, elle est également particulièrement présente dans le diagnostic médical. Elle peut par exemple être utilisée pour émettre de la lumière sur la peau afin de détecter un éventuel carcinome, domaine de prédilection de la start up française Damae Medical, qui propose une technologie de rupture pour l’analyse des cancers de la peau. “L’envoi de longueurs d’ondes sur la peau permet une analyse spectrométrique des réflexions“, résume Jean-François Vinchant, président du Hub Optics & Photonics. “La lumière émise est absorbée par les tissus de la peau, d’un organe, d’un cheveu, et il est possible d’analyser, avec des capteurs, celle qu’ils renvoient pour détecter d’éventuelles pathologies“, poursuit Ivan Testart. Cette analyse par photoluminescence peut également être utilisée pour éviter des interventions lourdes. “Dans le cas d’une suspicion de cancer du sein, une analyse par photoluminescence permet d’étudier la façon dont la tumeur se comporte avec la lumière, pour ainsi savoir si une biopsie plus profonde est nécessaire“, rapporte Jean-François Vinchant. Autre domaine d’intervention : la thérapie, avec par exemple des lasers utilisés pour recoller la rétine ou découper la cornée. Dans un autre domaine, la thérapie photodynamique (TPD) utilise des photosensibilisants pour détruire les cellules cancéreuses rendues sensibles à la lumière. C’est sur ce principe que la start-up Hemerion Therapeutics (qui a récemment levé 6,5 M€ en série A) a bâti sa technologie visant à améliorer le traitement du cancer du cerveau le plus fréquent et meurtrier : le glioblastome. Recherche et développement Dans le secteur de la recherche, le CEA-Leti porte un essai clinique sur le ralentissement de la neurodégénérescence grâce à un implant intracérébral, dont l’émission lumineuse dans le domaine proche infrarouge (NIR pour Near-infrared light) protège les neurones. L’effet thérapeutique de la lumière a été démontré sur des modèles parkinsoniens de rongeurs et de primates non humains. L’objectif de l’essai clinique du CEA-Leti est notamment d’établir la faisabilité et l’innocuité de cette approche innovante ainsi que son efficacité. Il s’agit du premier essai clinique au monde utilisant l’illumination intracérébrale pour ralentir les effets de la maladie de Parkinson, engagé sur 14 patients début 2021. Le CEA-Leti travaille également sur des capteurs photo-acoustiques fonctionnant à l’aide de lasers à cascade quantique. Le principe réside sur l’analyse de sons créés par l’excitation de molécules présentes dans un gaz ou un liquide, à partir de lumières émises depuis des lasers. Cette technologie permet de mesurer sélectivement, et en temps réel, de très faibles concentrations d’espèces chimiques. “Des dispositifs médicaux tels qu’un bracelet ou une montre connectée, équipés de ces capteurs, pourront par exemple mesurer en temps réel et de manière non-invasive le glucose ou d’autres bio-marqueurs“, explique Vincent Destefanis. Cette technologie vise donc à l’amélioration de la santé et du confort des patients, à partir de la surveillance continue de paramètres physiologiques. D’autres technologies photoniques sont également développées par le CEA-Leti, visant par exemple la bio-détection de molécules pour le diagnostic au lit du patient, ou pour le contrôle de la production de médicaments. Autre exemple : SEDI-ATI. Cette filiale de Fiber optic group travaille avec l’université de Besançon et le CLCC de Dijon pour déterminer une cartographie des doses de rayons X envoyées sur les tumeurs. Car à ce jour, “nous ne savons jamais quelle dose exacte est réellement reçue par la partie du corps irradiée, indique Jean-François Vinchant. Avec les fibres optiques qui vont réagir au rayon X, il va être possible de déterminer une cartographie réelle“. Enfin, “des recherches sont menées autour de systèmes d’optique qui permettraient, lors d’interventions, de savoir si l’intégralité des cellules cancéreuses ont été enlevées, afin d’éviter d’avoir à prélever des tissus éventuellement sains pour garantir la marge suffisante“, fait savoir Thierry Georges, président de Photonics France. La filière et ses enjeux La santé représente le premier marché de la photonique en France, “mais il est surreprésenté par EssilorLuxottica, puis par le laser“, précise Ivan Testart. D’après les données de Photonics France, la filière compte au global en France plus de 1200 entreprises qui rassemblent 20 milliards de chiffre d’affaires. Le secteur représente 84 000 emplois et recrute 8 000 nouveaux emplois par an. La France se place parmi les cinq leaders mondiaux de l’industrie photonique. Dans la santé, les enjeux reposent avant tout sur la médecine personnalisée et au lit du patient, avec pour finalité de veiller à ce que l’accès à cette technologie puisse financièrement se démocratiser. “Les technologies photoniques pour la santé servent les enjeux sociétaux et environnementaux actuels et futurs, en permettant d’agir en prévention et de diagnostiquer les maladies au plus tôt“, rapporte Vincent Destefanis. “Le point of care est bien évidemment d’être au plus près du patient avec des outils accessibles qui lui permettent d’effectuer l’intégralité de ses examens sans avoir à se rendre régulièrement à l’hôpital“, poursuit Ivan Testart. La lumière permet aussi d’accéder à des informations non accessibles par les technologies actuelles, ce qui participe à l’amélioration des connaissances. “Nous avons des possibilités d’interventions plus larges, car les faisceaux lumineux peuvent se propager ou réagir avec le corps de façon moins dangereuse également. À l’avenir, nous pourrons donc utiliser la lumière pour améliorer la prise en charge et adapter les soins aux patients, qui seront donc moins invasifs “, conclut Jean-François Vinchant. Jérôme Michon, CEO de InSpek: “Notre objectif est de combiner les avantages de l’optique et des puces” Jérôme Michon, CEO de InSpek / studio Fradet « Chez InSpek nous effectuons de l’optique sur des puces semi-conductrices. Notre objectif est de combiner les avantages de l’optique, à savoir l’usage de la lumière, qui interagit efficacement avec la matière, et les avantages des puces, qui peuvent être très petites et produites en grande quantité, à bas prix. Nous cherchons à appliquer notre technologie pour le suivi de la production de médicaments et nous avons d’ailleurs identifié deux intérêts distincts pour les laboratoires pharmaceutiques de recourir à notre outil. Tout d’abord, lorsqu’ils sont dans la phase de développement du procédé et qu’ils doivent produire la molécule en grande quantité, ils peuvent utiliser nos capteurs dans leur réaction, 24 heures sur 24, afin de mesurer ce qui se passe, collecter les données et ainsi réfléchir à l’optimisation de leur production. Par ailleurs, lorsque le médicament arrive en phase de production, nos capteurs peuvent également être utilisés pour les vérifications d’usage. Aujourd’hui, nous avons développé des preuves de concept qui démontrent l’intérêt économique, écologique et financier de notre solution. Nous aurons prochainement un produit à commercialiser. » Laure Martin DiagnosticImagerie médicaleMarchéOphtalmologie Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind