Accueil > Parcours de soins > ESMO 2025 : quoi de neuf en oncologie ? ESMO 2025 : quoi de neuf en oncologie ? Équivalent européen du congrès de l’ASCO (American Society of Clinical Oncology), le congrès de l’ESMO (European Society for Medical Oncology) a réuni du 17 au 21 octobre les plus grands spécialistes de la recherche sur le cancer. Elle a notamment été l’occasion de faire le point sur les avancées permises par les anticorps conjugués médicament (ADC) et d’autres combinaisons médicamenteuses innovantes. Le Pr Fabrice André, président de l’ESMO et directeur de la recherche de l’Institut Gustave-Roussy (IGR) et le Pr Benjamin Besse, directeur de la recherche clinique de l’IGR, nous éclairent sur les études qui ont marqué l’édition berlinoise de cette grand-messe de l’oncologie. Par Romain Bonfillon. Publié le 24 octobre 2025 à 15h07 - Mis à jour le 24 octobre 2025 à 15h08 Ressources Les ADC contre les cancers précoces Trois essais cliniques auront marqué cette édition berlinoise de l’ESMO. Deux de ces études (DESTINY-Breast05 and DESTINY-Breast11) ont été menées pour des cancers du sein qui surexpriment HER2 et un pour le cancer concernent le cancer de la vessie. L’aspect novateur de ces trois études tient au fait qu’elles utilisent des anticorps conjugués médicaments (ou ADC) à des phases précoces de la maladie, alors que les ADC étaient jusqu’à maintenant utilisés pour des cancers déjà métastasés. Pour rappel, les ADC sont des traitements qui combinent la capacité des anticorps à cibler directement les cellules tumorales avec une chimiothérapie. À la manière d’un missile à tête chercheuse, l’anticorps se fixe sur la cellule à éliminer, pénètre à l’intérieur, et libère un composé cytotoxique. Mieux ciblée, la chimiothérapie est ainsi moins toxique pour l’ensemble de l’organisme et plus efficace. Aussi, les ADC, lorsqu’ils sont utilisés en phase précoce de la maladie, “vont pouvoir retarder les rechutes, et peut-être même les prévenir”, analyse le Pr Fabrice André, président de l’ESMO et directeur de la recherche de l’Institut Gustave-Roussy. Les trois études ont fait état d’un taux de réponse compris entre 9 et 10% (de taux de survie à deux ans en plus), une avancée jugée très significative par le Pr Fabrice André et le Pr Benjamin Besse. Pr Fabrice André À noter que l’essai ciblant le cancer de la vessie (Keynote-905) testant l’enfortumab védotine avait la particularité de combiner un anticorps avec une immunothérapie (par pembrolizumab). L’essai, qui portait sur 344 patients, a démontré un taux de survie à deux ans sans progression du cancer de 74 % chez les patients ayant reçu ces deux médicaments en plus du traitement standard (vs 39 % pour les patients uniquement sous traitement standard). Les laboratoires Padcev, Astellas et Pfizer entendent prochainement soumettre ces résultats aux autorités réglementaires européennes, mais “il faudra encore patienter avant d’obtenir une autorisation de mise sur le marché dans cette indication”, regrette le Pr Fabrice André. Il se réjouit cependant de cette nouvelle donne en oncologie : “nous savons désormais que sur des stades très précoces de cancer de la vessie, donner une immunothérapie peut éviter les cancers. Les immunothérapies se rapprochent ainsi de la prévention.” L’essor des radioligands “Une autre étude remarquable a concerné les radioligands thérapeutiques, qu’on appelle en France les radiothérapies internes vectorisées”, note également le Pr Fabrice André. Sur le même principe que les ADC, l’anticorps cible la cellule cancéreuse mais va ici délivrer une radiothérapie (irradiation ciblée de la tumeur) au lieu d’une chimiothérapie. “En première ligne de traitement, un bénéfice sur la survie sans progression a pu être démontré” témoigne le Pr André. L’ADN tumoral circulant, nouvel aiguillon pour la prise de décision “Aujourd’hui, rapporte le Pr Fabrice André, de premières études essayent de voir si l’ADN tumoral circulant (des traces de cancer dans le plasma) peut être utilisé pour donner des traitements comme une immunothérapie afin d’éviter le risque de rechute chez des patients qui ont eu une chirurgie. Dans le cancer du côlon, cependant, l’absence de trace ne permet pas de désescalader les traitements, c’est ce qu’on appelle des études négatives”, rappelle-t-il. De nouvelles thérapies cellulaires L’édition 2025 de l’ESMO a également permis de mettre la lumière sur de nouvelles thérapies cellulaires. On ne parle plus ici de CAR–T cells mais de TCR-T cells, pour lesquelles le lymphocyte exprime un récepteur qui va reconnaître la présence d’un antigène à la surface de la cellule cancéreuse. Une étude a particulièrement marqué le public de l’ESMO, démontrant un taux de réponse de 67 % chez des patients qui avaient un mélanome uvéal. Les LLM en pratique clinique : un guide pour les contrôler tous La Société européenne d’oncologie médicale (ESMO) a présenté le 18 octobre dernier un guide sur l’utilisation des grands modèles de langage en pratique clinique (ELCAP). Cet outil a été développé entre novembre 2024 et février 2025 par un panel international de 20 membres couvrant l’oncologie, l’IA, la biostatistique, la santé numérique, l’éthique et le point de vue des patients. Présenté par la société savante comme le “premier ensemble structuré de recommandations visant à intégrer les modèles de langage d’IA en oncologie de manière sûre et efficace”, ELCAP vise à garantir que l’innovation se traduise par des bénéfices mesurables pour les patients et des solutions concrètes pour les cliniciens. Ces recommandations concerne des trois types d’applications : celles destinées aux patients (chatbots pour l’éducation thérapeutique et le soutien aux symptômes) qui devraient compléter les soins cliniques et fonctionner dans le cadre de parcours supervisés avec une escalade explicite et une protection robuste des données. les outils destinés aux professionnels de la santé (aide à la décision, traduction, documentation) qui nécessitent une responsabilité humaine pour les décisions cliniques. les systèmes institutionnels d’arrière-plan intégrés aux dossiers médicaux électroniques pour des tâches telles que l’extraction de données, les résumés automatisés et l’appariement des essais cliniques. Ces systèmes nécessitent des tests préalables au déploiement, une surveillance continue des biais et des changements de performance, une gouvernance institutionnelle et une revalidation en cas de modification des processus ou des sources de données. Deux grandes révolutions en oncologie Pr Benjamin Besse Pour le Pr Benjamin Besse, directeur de la recherche clinique de l’Institut Gustave Roussy, “le cancer du poumon constitue un bon modèle dans la mesure où il a bénéficié des deux grandes révolutions thérapeutiques de ces vingt dernières années, à savoir les thérapies ciblées (il s’agit du premier cancer où l’on a trouvé une cible, en l’occurrence EGFR en 2004) et l’immunothérapie”. Les immunoconjugués, c’est-à-dire des immunothérapies conjuguées à des anticorps qui reconnaissent les cellules tumorales, rassemblent le meilleur de ces deux technologies. “Cette classe médicamenteuse est supérieure à une chimiothérapie classique et de nouvelles cibles donnent aujourd’hui lieu à de nouveaux inhibiteurs, plus efficaces que ceux de première génération dans le cancer du poumon et du pancréas. Aussi, et c’est une très bonne nouvelle, ces nouvelles cibles nous font voir la cancérologie autrement car elles transcendent l’appellation “cancer du poumon ou du pancréas”, nous sommes par exemple face à une maladie qu’on va appeler adénocarcinome avec mutation KRAS”, explique le Pr Besse. Asco 2025 : l’immunothérapie et les thérapies ciblées, principaux vecteurs de progrès Romain Bonfillon biomédicamentscancerInnovationmédicamentsoncologie Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind