Accueil > Parcours de soins > Rofim : la jeune pousse qui veut désenclaver les territoires Rofim : la jeune pousse qui veut désenclaver les territoires En un peu plus de cinq ans, la start-up marseillaise a creusé son sillon dans le monde des solutions de télémédecine à destination des hôpitaux. Téléexpertise, téléconsultation, eRCP, …les modules de sa plateforme s’enrichissent progressivement et lui font gagner en notoriété. mind Health a rencontré sa cofondatrice et CEO, Emilie Mercadal, qui, pour la 4e fois consécutive, vient d’intégrer le classement Choiseul Sud 100, mettant en lumière “les jeunes dirigeants qui font bouger les lignes de l’économie française”. Par Romain Bonfillon. Publié le 29 octobre 2024 à 22h39 - Mis à jour le 29 octobre 2024 à 16h33 Ressources La genèse Emilie Mercadal, cofondatrice et CEO de Rofim La société Rofim est née en 2018 à Marseille de la volonté d’Emilie Mercadal, ancienne cadre du laboratoire GSK, et de David Bensoussan, chirurgien vasculaire. “À ses débuts, la plateforme n’était vraiment dédiée qu’aux médecins. Son but était d’envoyer de manière sécurisée de l’imagerie entre confrères. C’est pour cela que l’on nous a longtemps appelé le Facebook des médecins”, se souvient Emilie Mercadal. C’est avec l’hôpital Saint Joseph (Marseille) que la start-up signe son premier contrat, pour un module dédié à la téléexpertise. Viendra ensuite, et assez rapidement, un second client de marque : la DGOS, qui adopte la solution de réunion de concertation pluridisciplinaire à distance (eRCP) de Rofim pour ses filière maladie rares. “La start-up est née de l’idée qu’en reliant les médecins entre eux au travers d’une plateforme, il était possible d’améliorer l’adressage et le fléchage des patients et in fine de diminuer le temps que l’on met à poser un diagnostic. Elle a donc d’abord été pensée pour les maladies rares, là où l’errance diagnostique est la plus grande. C’est ensuite qu’elle a évolué, notamment pour cibler l’oncologie” explique Emilie Mercadal. Les différents modules de la plateforme “Axée terrain”, comme le souligne Emilie Mercadal, la plateforme Rofim s’est rapidement enrichie, jusqu’à intégrer quatre modules. Un cinquième est en préparation, mais ce dernier est encore gardé secret. La téléexpertise C’est avec la téléexpertise que Rofim a commencé son activité. À sa création, la plateforme est testée dans le domaine vasculaire, compte tenu du réseau de son cofondateur, le Dr David Bensoussan. Au fur et à mesure des nouvelles spécialités adressées, et sous l’impulsion des demandes de ses clients, ce module s’est enrichi de plusieurs briques technologiques, qui lui permettent aujourd’hui de faire de la téléexpertise synchrone ou de la téléassistance échographique. Dernière évolution en date : le lancement en février 2024 d’une solution de téléassistance chirurgicale, en collaboration avec l’éditeur AMA. “Si vous êtes par exemple un chirurgien qui doit mettre pour la première fois une prothèse VENUS (une bioprothèse valvulaire pulmonaire posée par voie veineuse transcutanée, une opération particulièrement délicate, ndlr). Si un collègue situé à Strasbourg l’a déjà mise, l’opération peut se faire sans devoir déplacer le spécialiste ou le patient. Toutes les informations sur votre patient (imageries, résultats biologiques, derniers comptes rendus médicaux) ont été envoyés préalablement, vous vous connectez simultanément sur la plateforme et le chirurgien strasbourgeois va, au travers de vos lunettes connectées, voir vos mains et pouvoir zoomer ou dezoomer pour préciser, par exemple, où se fait précisément le clampage. Sa vision est en définitive encore plus précise que s’il avait été à côté de vous”, fait remarquer Emilie Mercadal. La CEO de Rofim était en mars dernier en déplacement en Ukraine pour présenter cet outil au ministère de la Santé du pays en guerre, ainsi qu’à deux centres de cancérologie. “Cette solution, qui participe à ce que l’on appelle le bloc opératoire augmenté, est très adaptée à la première ligne, au front, même si ce n’est pas l’usage pour lequel l’outil avait été pensé”, confie-t-elle. La start-up attend d’être éligible au fonds d’urgence de 10 M€ décidé par l’Elysée pour pouvoir déployer massivement cette solution dans plusieurs régions ukrainiennes. La e-RCP Le Pr Eric Lambaudie, PU en chirurgie oncologique, travaille à l’Institut Paoli-Calmettes (IRC) de Marseille Déployé à partir de 2019, le module de eRCP permet de mener des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) à distance. Il fait aujourd’hui partie des axes forts de la start-up marseillaise. Il est par exemple utilisé depuis 2022 en région PACA pour les RCP dédiées aux cas de cancer gynécologique. Le Pr Eric Lambaudie, PU en chirurgie oncologique, travaille à l’Institut Paoli-Calmettes (IRC) de Marseille. Il est à l’origine de l’organisation de cette RCP régionale qui permet de prendre, entre professionnels de santé, une décision thérapeutique collégiale à partir de l’étude des dossiers des patients). “Cette RCP aurait peut-être pu exister sans Rofim mais la facilité de mise en œuvre est telle que l’outil nous a beaucoup aidé. Un des gros défauts de nos RCP en général est que les dossiers sont présentés avec des données narratives. L’atout principal de cet outil est d’arriver à structurer des données qui sont importantes pour le suivi de nos patients, notamment avec un formulaire de RCP à remplir au travers de menus déroulants ”, explique le Pr Lambaudie. Comment Rofim et l’Institut Paoli-Calmettes créent du lien entre les médecins La téléconsultation En 2020, la start-up marseillaise se lance dans la téléconsultation. “J’étais au départ plutôt réticente, car il y avait déjà de gros acteurs comme Doctolib sur ce marché. Nous y sommes finalement allés parce que nos clients ne voulaient pas avoir un autre outil”, confie Emilie Mercadal. La solution proposée par Rofim diffère cependant de celle du géant français. “C’est plutôt l’équipe médicale, selon votre motif de consultation, qui va vous envoyer ou non, une demande de téléconsultation. Cela sert pour le suivi des patients chroniques, en oncologie notamment”, explique-t-elle. Progressivement, Rofim a étendu l’usage de ce module aux patients fragiles et âgés, en proposant une téléconsultation assistée. À destination des patients en EHPAD, en hospitalisation à domicile, ou en prison, ce module est conçu de telle sorte que le patient puisse mener sa téléconsultation en étant accompagné d’un professionnel paramédical. “Pendant la crise du Covid, nous avions une centaine d’EHPAD sur cette solution”, fait savoir Emilie Mercadal. Ce module est venu récemment s’enrichir grâce à un accord de partenariat avec la start-up Posos, signé en mars dernier, permettant de sécuriser la prescription en conformité avec les dernières recommandations de prise en charge. Le dossier communiquant cancéro En 2023, Rofim dévoile son dernier module : le dossier communiquant cancéro, qui a été étudié pour faciliter le parcours de soin personnalisé du patient (PPS). Pour rappel, ce dernier est destiné à être remis à tous les patients à l’issue du temps dédié à la proposition thérapeutique, à la suite de la RCP, dans le cadre du dispositif d’annonce. “Ici, la cible n’est plus l’hôpital mais la région, détaille Emilie Mercadal, puisque c’est elle qui va se doter d’un tel outil. Il permet de transmettre tout un ensemble d’informations (notamment sur les traitements médicamenteux, la radiothérapie, les soins de support programmés, ndlr) à l’ensemble des praticiens. Ce module faisait sens avec notre outil de RCP qui était déjà bien déployé. À noter que ce module a récemment changé de nom, signe de son ambition d’adresser d’autres aires thérapeutiques. Désormais appelé “Dossier de Coordination des Soins” (DCS), il vise plus largement à suivre les patients atteints de maladies chroniques qui nécessitent un suivi sur la durée, impliquant de nombreux intervenants médicaux.. Peuvent donc par exemple être concernées les patientes atteintes d’endométriose. Son marché La plateforme Rofim adresse très majoritairement des hôpitaux (à date, plus de la moitié des CHU français utilisent la plateforme) mais compte également parmi ses clients plus de 70% des Établissements de santé privé d’intérêt collectif (Espic) français, ainsi que des Centres de lutte contre le cancer (CLCC). En termes géographiques, les régions phares dans lesquelles la plateforme est déployée sont : PACA, Île-de-France, les Hauts-de-France, et les TOM. À date, 1048 établissements utilisent au moins une solution Rofim. Les modules les plus utilisés, en nombre d’actes sont la téléexpertise et la téléconsultation. Si Emilie Mercadal n’entend pas révéler son chiffre d’affaires (aucun de ses concurrents ne le fait, fait-elle remarquer), elle confie néanmoins à mind Health qu’il a été multiplié par quatre, depuis sa première levée de fonds, en 2021. Un lien fort avec les TOM et à l’international À partir de 2021, Rofim s’implante dans les territoires d’outre-mer (TOM), en commençant par la Guyane, qui a d’abord utilisé les modules de eRCP et de téléconsultation, avant d’adopter l’ensemble de la plateforme. Aussi, la solution est omniprésente en Martinique (le CHU, le GRADeS et l’ensemble des médecins libéraux de l’île ont choisi la plateforme Rofim) et en Polynésie française, où elle connecte tout le secteur de l’oncologie. “Nous sommes très présents dans ces territoires parce qu’il y a une densité médicale qui est faible. Cela permet aux médecins locaux d’avoir accès aux meilleurs spécialistes, sans avoir à déplacer des soignants ou des patients”, explique Emilie Mercadal. Rofim est aujourd’hui présente dans huit pays : Belgique, Irlande, Portugal, Maroc, Algérie, Côte d’Ivoire, Sainte-Lucie, et même au Kazakhstan, où la start-up marseillaise est présente grâce à un FASEP. “Ce véhicule de financement permet à des sociétés françaises d’aider des pays en voie de développement. Au Maghreb, notre présence se fait plutôt via des industriels : des laboratoires pharmaceutiques vont financer des solutions comme la nôtre pour permettre aux médecins de ces pays d’échanger entre eux, de manière sécurisée”, explique la CEO de Rofim, qui est devenue en 2023 une société à mission pour “promouvoir un accès égalitaire aux soins”. En cohérence avec cet engagement, la start-up s’est aussi associée avec des ONG comme La Chaîne de l’Espoir ou Sourire à la Vie, pour lesquelles elle met gratuitement à disposition sa solution. Financement et actionnariat Fin 2021, Rofim a levé 6 M€. Elle compte aujourd’hui parmi ses actionnaires La Caisse des dépôts et consignations, via la Banque des territoires, et Orange Venture Impact, qui représentent à eux deux un peu plus d’une dizaine de pourcents de son capital. L’engagement de ces deux gros acteurs a tout son sens pour une société à mission, dont le but est de désenclaver les territoires et de lutter contre les déserts médicaux”, fait remarquer Emilie Mercadal. Les perspectives Dans une conjoncture encore considérée comme morose par beaucoup d’acteurs du monde de la santé numérique, Emilie Mercadal reconnaît avoir fait “une jolie année”. Entre avril dernier et mi-octobre, Rofim est en effet passée d’un réseau de 41 380 médecins à environ 66 000. “Nous avons signé avec beaucoup d’hôpitaux ces derniers mois et pour pouvoir y déployer notre solution en un temps record, nous avons dû recruter cinq nouveaux salariés”, confie la CEO, qui entend “poursuivre l’internationalisation de la société, en Allemagne, en Espagne, en Angleterre et dans les pays en voie de développement.” Sur le plan technologique, la société déploiera prochainement un module “qui répondra à un besoin dont on entend parler depuis longtemps”, confie, avec un art consommé du teasing, sa CEO. “Notre deuxième grand projet, poursuit-elle, concerne l’IA. Nous avons un algorithme sémantique d’intelligence artificielle, qui, lorsqu’un médecin demande un avis à un confrère, va aller chercher si cette demande a déjà été publiée dans la littérature scientifique. Le médecin n’a pas à entrer des mots clés en anglais ou à se connecter sur une autre plateforme. Un chercheur dédié travaille chez nous sur ce projet et nous faisons partie de la cohorte Google pour accélérer en IA. Prochainement, nous projetons d’ajouter deux briques d’IA à notre plateforme, avec toujours comme objectif de lutter contre les erreurs de diagnostic”. Chiffres clés Date de création : 2018 30 salariés aujourd’hui (5 nouvelles recrues ont intégré la société en septembre dernier) Un réseau de 66 000 médecins utilisateurs 1048 établissements 6 M€ levés Une présence dans 8 pays Romain Bonfillon Intelligence ArtificielleMaladies raresParcours de soinsplateformestart-uptéléconsultationTélémédecinetélésanté Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind