Accueil > Parcours de soins > Téléophtalmologie : le Catel publie son livre blanc Téléophtalmologie : le Catel publie son livre blanc Initié et animé par le Catel, incubateur de communautés e-santé, un think tank a réfléchi ces derniers mois aux conditions du développement de la téléophtalmologie. Le fruit des débats des 26 membres de ce groupe de réflexion pluridisciplinaire (opticiens, ophtalmologues, orthoptistes, industriels) donne aujourd’hui lieu à un livre blanc qui nous éclaire sur l’état actuel de la téléophtalmologie et de la prise en charge de la santé visuelle des Français. Par Romain Bonfillon. Publié le 12 janvier 2022 à 17h32 - Mis à jour le 19 janvier 2022 à 14h26 Ressources De quoi parle-t-on ? Le terme de “téléophtalmologie” désigne dans le langage courant l’ensemble des pratiques de collaboration médicale qui permettent d’accéder à distance à l’expertise médicale d’un ophtalmologue. Cette collaboration peut être exercée de façon synchrone (téléconsultation simple ou assistée) ou asynchrone (téléexpertise), avec dans certains cas l’assistance auprès du patient d’un auxiliaire médical, généralement un orthoptiste. On distingue : la téléconsultation simple (consultation à distance entre un ophtalmologiste et son patient, par vidéotransmission, sans assistance d’un tiers professionnel de santé. Elle est relativement rare en ophtalmologie) la téléconsultation assistée (le médecin spécialiste consulte son patient à distance avec la participation d’un professionnel de santé – un orthoptiste, comme c’est déjà le cas dans certaines organisations – auprès du patient) la téléexpertise (un professionnel médical sollicite l’avis d’un autre professionnel médical distant) le télésoin (depuis l’Arrêté du 3/06/2021, les auxiliaires médicaux et pharmaciens sont autorisés à proposer des soins à distance à leur patient, mais la négociation des actes doit encore se faire profession par profession) Les bilans visuels à distance : des protocoles spécifiques à l’ophtalmologie En 2014, la Sécurité Sociale a inscrit à la Nomenclature Générale les premières cotations d’actes à distance en santé visuelle : pour les orthoptistes l’acte de dépistage de la rétinopathie diabétique avec télétransmission au médecin lecteur, et pour l’ophtalmologue, la lecture en différé de cette rétinographie, hors de la présence du patient. En 2018, deux protocoles ont été validés pour cadrer les pratiques : le protocole RNO (ReNouvellement Optique) dit Rottier et le protocole RNM (dit Muraine). Atouts de la téléophtalmologie et freins à son développement Dans le cadre d’un bilan visuel, d’un dépistage, d’un renouvellement de lunettes ou d’un suivi de patients diabétiques ou atteints de glaucome, la téléophtalmologie est un outil qui permet de faciliter l’accès aux soins. Pour les professionnels, elle permet d’optimiser le développement de cabinets secondaires (postes avancés), d’apporter de la variété et de la souplesse dans les modalités d’exercice, de développer des collaborations pluridisciplinaires en santé visuelle et de permettre une montée en compétences de tous les professionnels impliqués. Cependant, le livre blanc du Catel dévoile aussi de nombreux freins au développement de la téléophtalmologie En termes d’organisation tout d’abord, il n’y pas encore suffisamment d’orthoptistes partout sur le territoire pour répondre à la demande et désengorger les files d’attente des patients. Du côté du matériel utilisé pour la téléophtalmologie, il n’existe pas de norme de référence actuellement et le calibrage des appareils entre les professionnels est non cadré à ce jour. Concernant l’aspect réglementaire, les textes actuels limitent les expérimentations pouvant conduire à explorer de nouvelles organisations des soins en santé visuelle (à l’instar de ce qui existe dans d’autres domaines de la télémédecine). Aussi, le rôle potentiel de l’opticien en téléophtalmologie fait débat dans la filière visuelle. Enfin, les acteurs du think tank regrettent “un modèle économique peu attractif, une rémunération mal cotée, qui ne prend pas en compte les bénéfices à moyen terme de la téléophtalmologie”. Quatre cas d’usage Dans les zones à faible densité médicale Le constat : Selon l’enquête réalisée par Le Guide Santé pendant l’été 2021, 29 % des cabinets d’ophtalmologie ne prendraient pas de nouveaux patients… et 21,8% des cabinets ne répondraient tout simplement pas. Les solutions proposées : Pour poursuivre la dynamique positive engagée (le délai médian pour obtenir un rendez-vous est de 26 jours en 2021, contre 42 jours en 2019), le Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF) recommandait dans un communiqué du 8 octobre 2021 de développer les cabinets secondaires “en y associant de la télémédecine et des orthoptistes”. Le think tank a repris cette proposition, en précisant que d’autres soutiens peuvent être envisagés : “les pharmaciens, ou certains auxiliaires médicaux, comme les infirmiers et les opticiens, pourraient jouer un rôle de facilitateur dans l’accès aux soins des patients”. Pour les enfants Le constat : Pour les enfants, le délai d’obtention d’un rendez-vous chez un ophtalmologiste est en moyenne de 138 jours, soit la moitié d’une année scolaire (source : Observatoire de la Vue Ipsos pour KRYS GROUP – 2017) Les solutions proposées : Sur le territoire Rennais, par exemple, un projet en cours de déploiement vise à proposer un bilan orthoptique avant toute consultation pédiatrique à l’hôpital. Cette organisation structurée et coordonnée de dépistage ville-hôpital constitue une “bonne pratique” duplicable. Des dépistages pourraient aussi dans certains territoires être mieux organisés au sein des établissements scolaires, relève le livre blanc, avec l’intervention d’orthoptistes pour réaliser ces bilans. La téléophtalmologie en EHPAD Le constat : De très nombreux résidents en EHPAD (près d’un quart) ne bénéficient pas d’un équipement optique adapté à leurs besoins, relève Matthieu Gerber, fondateur des Opticiens Mobiles. Les solutions proposées : Systématiser la réalisation du bilan en santé visuel lors de l’entrée en EHPAD avec téléexpertise d’un ophtalmologue. Mener aussi des expérimentations visant à mutualiser des outils et organisations territoriales de dépistage et de suivi en santé visuelle dans ces lieux de vie, s’appuyant sur le numérique et la télésanté. Téléophtalmologie et maladies chroniques (glaucome, diabète) Le constat : Le diabète induit des risques importants de rétinopathie diabétique. Or, en 2020, un tiers des patients diabétiques n’était pas dépisté régulièrement au regard des recommandations diabétiques (données de l’Assurance maladie). Aussi, le nombre de sujets glaucomateux va augmenter avec le vieillissement de la population jusqu’à doubler en 2050, selon Pr Florent Aptel, Président du Conseil Scientifique de l’Association France Glaucome. La solution proposée : Systématiser le recours à la téléophtalmologie pour le dépistage par les orthoptistes des rétinopathies diabétiques et du glaucome, notamment sur la population âgée, puisqu’elle est la population la plus concernée. Quelques propositions concrètes Les débats du think tank à l’origine du livre blanc de la téléophtalmologie ont fait naître des consensus concernant l’avenir de cette pratique. À 3 mois de l’élection présidentielle et en guise de conclusion, les membres du think tank téléophtalmologie mentionnent, pour développer les pratiques, une vingtaine de propositions concernant la formation, la pratique médicale, les outils et solutions, l’organisation, la réglementation et la rémunération des acteurs concernés. Parmi les mesures proposées, citons : la mise à jour des décrets de compétences des orthoptistes pour leur permettre de coter les OCT (Optical Coherence Tomography) ; le remplacement des échanges informels entre médecins par de vrais actes de téléexpertise ou de téléconsultation assistée, rémunérés pour tous les intervenants, sécurisés et tracés ; la définition de normes pour les matériels et solutions utilisables en téléophtalmologie ; la rédaction et la diffusion d’un nouveau “modèle de protocole organisationnel”, mis à jour, et prêt à compléter par les parties prenantes pour faciliter la mise en œuvre ; la revalorisation de la rémunération des professionnels intervenants en téléophtalmologie pour inciter les professionnels à développer leurs usages. Les actions du Think Tank Téléophtalmologie se poursuivront en 2022. Il est possible de suivre les futurs articles et publications sur ce thème sur le site teleophtalmologie.info en s’inscrivant gratuitement. Une « communauté » des acteurs pluridisciplinaires intéressés par ce sujet est ainsi en train de se constituer autour du Catel, incubateur de communautés e-santé. Les professionnels de santé intéressés pour contribuer activement aux futurs travaux et réflexions du Think Tank sont invités à se manifester auprès du Catel. Romain Bonfillon DiabèteEHPADMaladies raresPatienttéléconsultationtélésuivi Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Dataroom gratuit La télésanté largement implantée dans les GHT (Catel, FHF)