Le Consumer Electronics Show (CES) 2015 de Las Vegas s’est achevé sur la même impression que l’an passé, celle d’un joyeux capharnaüm de l’innovation technologique. Ce sentiment fut exacerbé par des inventions loufoques comme un détecteur connecté de mauvaise haleine… Devant un tel fourbi, certains participants ont regretté le peu d’innovation et d’intérêt de l’édition 2015. Arthur Sotto, planneur stratégique au sein de l’agence Valtech, en a néanmoins distingué quelques tendances intéressantes, qu’il présente dans une tribune pour Satellinet.
Objets connectés, entre excès et maturité
Comme en 2014, le CES a tourné autour des objets connectés. Néanmoins, l’effet de surprise s’est estompé, le regard est plus critique. Certains dépasseront difficilement le statut de gadget. Pas la peine de s’y attarder plus que nécessaire. En revanche, d’autres ont gagné en maturité, grâce à une ou deux caractéristiques supplémentaires, ou avec un écosystème renforcé. C’est le cas de beaucoup de wearables, et plus généralement des objets autour de la santé et du sport, qui participent à notre bien-être. Avant l’arrivée tant attendue de l’Apple Watch, chacun présente sa montre ou son bracelet, et essaie de trouver un positionnement convaincant.
C’est ainsi que Misfit et Swarovski lancent une collection d’accessoires pour bracelets connectés. Withings a présenté une version moins chère (150 euros) de sa montre Activité, reconnue pour sa qualité, et dotée de 8 mois d’autonomie.
Les capteurs des wearables sont moins encombrants : Qardiocore, un électrographe connecté discret, se porte confortablement sous un vêtement. Les équipements sportifs deviennent aussi intelligents : ski, snowboard, vélo… Rien n’échappe au Quantified Self.
Le domicile gagne en autonomie et en sécurité, de quoi partir en vacances l’esprit tranquille. Parrot a lancé des pots intelligents capables d’arroser les plantes au moment le plus judicieux. Smart Lock d’August est un système de verrou sans clé. Le propriétaire peut donner accès à distance à n’importe qui (par exemple au plombier), y compris provisoirement, grâce à une application mobile. Le verrou conserve une trace des allées et venues de chacun. Dans la même veine, Simplicam est un système de surveillance, basé sur la reconnaissance faciale. La caméra lance l’alerte si un inconnu est présent dans la maison. Jusqu’à 21 jours d’enregistrements, partageables, sont conservés.
Évidemment, toutes ces innovations posent des problèmes éthiques et de sécurité quant aux données collectées. La Federal Trade Commission a récemment exhorté les fabricants à être plus attentifs devant la recrudescence des piratages d’objets connectés, y voyant un vrai frein à leur adoption par les consommateurs. Alors que c’est un vecteur de croissance, les usages BtoB ont été trop peu mis en avant au CES cette année. Nest prévoit ainsi de réaliser la majorité de son chiffre d’affaires sur le marché professionnel et multiplie les accords avec d’autres entreprises (Works with Nest) pour faire de son thermostat le centre de l’écosystème domotique.
Toujours plus d’automatisation
En cherchant à nous délester de tâches rébarbatives – l’un de leurs principaux bénéfices -, les objets connectés participent à l’automatisation croissante de notre environnement, à laquelle les drones ne sont pas non plus étrangers. Ces derniers ont beaucoup progressé. Ainsi, avec la technologie RealSense d’Intel, ils sont capables d’analyser leur environnement et d’éviter les collisions, trouver la sortie dans une pièce remplie d’obstacles. eXom de SenseFly, un drone pour le secteur agricole, est quasi-autonome grâce aux ultrasons.
L’automobile aussi est concernée. Y aura-t-il un pilote dans la voiture ? A priori non, si l’on en croit le CTO de Ford, pour qui les self-driving cars seront une réalité dans moins de cinq ans. Le constructeur a lancé « Smart Mobility », soit 25 expériences pour penser l’automobile de demain : auto-partage, data, assurance à la carte…
Quatre tendances justifient ce programme : urbanisation, croissance de la classe moyenne, écologie et nouveaux comportements de consommation. D’ailleurs, toute notre représentation traditionnelle de l’automobile, basée sur la propriété et la performance, va devoir être repensée à l’aune de ces évolutions. Les constructeurs ont de nouveaux concurrents comme Google (Android Auto) et Uber. Mercedes présentait sa concept-car, la F015, un bijou technologique : matériaux légers mais solides, self-driving, connectivité, un habitacle repensé pour plus de convivialité entre passagers, avec une multitude d’écrans…
Du nouveau pour les yeux
Les écrans, parlons-en justement ! Oubliée la 3D, les écrans TV sont désormais en 4K (chez presque tous les constructeurs), oled ou mêmes incurvés – tendance design que l’on retrouve sur quelques moniteurs d’ordinateurs – afin de renforcer l’immersion du spectateur. Cependant, peu d’acteurs produisent encore des contenus adaptés à ces nouveaux formats. Quant à la « smart TV », entre accords stratégiques (Android TV pour Philips et Sony ; Firefox OS pour Panasonic) ou tentatives d’y aller solo (Tizen / Samsung, WebOS / LG), la concurrence est rude sur le front des systèmes d’exploitations.
La réelle disruption dans le champ du visuel se trouve en dehors des écrans traditionnels. L’innovation la plus palpable est la réalité virtuelle, portée par Oculus, dont le dernier modèle (Crescent Bay) réduit drastiquement la sensation de nausée à l’utilisation. Avec la plateforme Milk VR, Samsung mise sur une stratégie de contenus immersifs (ex : NBA), spécialement adaptés à son casque, le Gear VR. Intel a présenté un prototype de projection holographique qui réagit au toucher. En somme, une révolution pour nos sens est à venir.
Que retenir de ce maelström technologique ? Aucune annonce fracassante, plutôt la confirmation de tendances aperçues les années précédentes. Dans ce bouillon d’innovations, deux axes majeurs cependant feront la différence pour toucher l’utilisateur et atteindre la taille critique : une user expérience irréprochable et un écosystème efficient. »