Accueil > Industrie > Accès au marché > Télésurveillance : les avancées du programme Étapes dans le diabète Télésurveillance : les avancées du programme Étapes dans le diabète Treize premiers fournisseurs de solutions de télésurveillance dans le diabète ont décidé d’intégrer le programme gouvernemental Étapes. Une expérimentation rémunérée qui vise à terme, sur le modèle de la téléconsultation, le remboursement de la télésurveillance par l’Assurance maladie. Annoncée depuis 2014, elle n’a vraiment commencé qu’en janvier 2018. mind Health en dresse un premier état des lieux. Par . Publié le 16 octobre 2018 à 10h01 - Mis à jour le 16 octobre 2018 à 10h01 Ressources Plus de trois millions de Français sont pris en charge pour un diabète et 60 à 100 000 autres ignoreraient qu’ils sont concernés par cette pathologie. Depuis 2012, ces effectifs gonflent chaque année de 3 % en moyenne. Selon les derniers chiffres disponibles, le diabète a ainsi coûté en 2016 à l’Assurance maladie 6,8 milliards d’euros, sans inclure les complications cardiovasculaires, rénales… C’est dire l’enjeu du programme Étapes lancé par le ministère de la Santé et piloté par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS). Ces “expérimentations de télémédecine pour l’amélioration des parcours en santé” visent à tester en vie réelle des solutions incluant de la télésurveillance et testant des nouveaux modes de rémunération. C’est justement de cette façon que la téléconsultation a fini par être remboursée par l’Assurance maladie le 15 septembre dernier. Depuis le début de l’année, la télésurveillance a fait son entrée dans le champ de ce programme, dans cinq domaines : l’insuffisance cardiaque, l’insuffisance rénale, l’insuffisance respiratoire, le diabète et le port de prothèse cardiaque implantable. Après s’être penché sur l’insuffisance cardiaque, mind Health dresse un état des lieux du lancement d’Étapes en diabétologie. Un lancement attendu depuis quatre ans. Le principe du programme était en effet inscrit dans la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2014 et ses expérimentations auraient dû débuter le 1er janvier 2014. Mais, sur le terrain, personne n’était prêt et les procédures initialement prévues se sont rapidement avérées trop lourdes pour les professionnels de santé. Les textes ont donc évolué pour simplifier Étapes, l’élargir à tout le territoire et permettre aux établissements de santé d’entrer dans la ronde. Des cahiers des charges ont été publiés, encadrant les missions des acteurs impliqués et définissant des critères d’évaluation, ainsi que des modes de rémunération. Et l’Assurance maladie a créé des lettres-clés permettant la facturation, donc le remboursement des actes de télémédecine. La téléconsultation n’a ainsi vraiment commencé à être testée qu’en 2017. La télésurveillance a, elle, pris encore davantage de retard, étant un cas particulier : elle nécessitait un cadre pour le traitement des données de santé, elle s’inscrit dans la durée et ne peut donc être réduite à un acte ponctuel, et elle entraîne l’intervention d’un nouvel acteur, qui n’est ni un patient ni un professionnel de santé : le fournisseur de la solution technique. Un circuit de facturation spécifique a donc dû être imaginé, l’expérimentation Étapes prévoyant de rémunérer et le professionnel de santé et le fournisseur. Dans son rapport au Parlement rédigé en décembre 2017, la DGOS estimait ainsi qu’“à l’inverse des téléconsultations et télé-expertises, une entrée dans le droit commun [du remboursement par l’Assurance maladie de la télésurveillance] serait prématurée”. Pour toutes ces raisons, la LFSS pour 2018 a prévu que la télésurveillance reste dans un cadre expérimental, à partir du 1er janvier 2018 et pour une durée maximale de quatre ans, et en a précisé le cadre. Le cahier des charges relatif à la télésurveillance du diabète étant paru le 28 avril 2017, les fournisseurs intéressés pouvaient d’ores et déjà se positionner. À la date du 5 octobre dernier, 13 solutions ont ainsi reçu le feu vert de la DGOS (voir tableau). Si elles se ressemblent globalement, leurs concepteurs ont des profils différents. Ainsi Medycloud est un dossier patient en ligne conçu par un médecin généraliste bordelais, qu’il a développé avec l’aide d’un informaticien et qui le teste encore gratuitement auprès de ses patients dans son seul cabinet. Face à lui, des applications et portails web développés par des géants comme Sanofi et Voluntis ou des start-up déjà bien implantées. L’application MyDiabby Healthcare et son portail sécurisé existent depuis 2015 et sont déjà utilisés dans 170 établissements de santé, soit plus de 2 500 nouveaux patients par mois. Le carnet de santé Aviitam, né en 2016, profite quant à lui à 10 000 patients. En intégrant Étapes, ces fournisseurs ne visent donc pas tous le même objectif. Les uns veulent booster leur développement : “L’intérêt d’intégrer Étapes, c’est de se faire connaître, c’est tout. Ce programme doit être un accélérateur”, indique le gérant de Serviligne Développement, Olivier Clément, qui, lui, a conçu un boîtier doté d’une clé 3G ou 4G qui récupère les données du glucomètre pour les envoyer sur un serveur auquel peut accéder le médecin. D’autres visent le Graal : “on a toujours cru que la télésurveillance serait valorisée, témoigne Anastasia Pichereau, CEO & co-fondatrice de myDiabby HealthCare. Étapes constitue un premier pas vers le remboursement”. Car tout au long de l’expérimentation, les fournisseurs doivent transmettre des données techniques à la Haute Autorité de santé : nombre de mesures réalisées et réalisables, nombre d’alertes techniques traitées, nombre d’alertes générées nécessitant une prise en charge médicale, nombre d’appels téléphoniques des infirmiers, pourcentage de remplacement total ou partiel du matériel, nombre d’alertes techniques en rapport avec le stockage et la conservation des données, etc. Ces données seront ensuite soumises à la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé pour apprécier le service attendu de leur solution et soutenir leur demande d’inscription sur la liste des produits et prestations remboursables. Une demande d’inscription qui ne sera traitée qu’à l’issue de la période d’expérimentation. Une prime de performance Ces données techniques sont complétées par des données du Système national d’information interrégimes de l’Assurance maladie (Sniiram) et des établissements de santé (PMSI), extraites par l’Assurance maladie qui analyse ainsi, par exemple, le nombre d’hospitalisations liées à un déséquilibre du diabète, le nombre de consultations chez un diabétologue par patient, le nombre d’unités d’insuline et de bandelettes remboursées par an ou encore le coût total des transports et des traitements médicamenteux. Car les fournisseurs, à l’instar des professionnels de santé, touchent, outre une somme forfaitaire, une prime de performance. Pour les fournisseurs, elle est conditionnée au dépassement d’un objectif calculé sur le groupe de patients bénéficiant de la même solution, à savoir une réduction de 15 % des hospitalisations (toutes causes) et de 16 % des coûts de santé hors télémédecine sur douze mois. Pour aucun des fournisseurs interrogés, l’enjeu ne réside dans cette rémunération. “On ne vit pas de ce programme”, souligne Anastasia Pichereau (myDiabby HealthCare). Le business model ainsi édicté le temps de l’expérimentation ne remboursera pas l’investissement pour la création de la solution. Il ne permettra pas non plus au fournisseur de s’assurer un revenu. Yann-Maël Le Douarin, conseiller médical télémédecine à la DGOS, rappelle que, du côté de l’État et donc de l’Assurance maladie, “le premier objectif de l’expérimentation est tarifaire. La loi nous laisse un maximum de quatre ans. Selon la maturité de l’évolution, de la mise en place des organisations, des bénéfices pour les patients, il faudra décider le bon moment et le bon moyen de faire entrer la télésurveillance dans le droit commun”. D’ici là, estimer l’enveloppe affectée à une telle expérimentation lui paraît “difficile, notamment parce qu’il n’est pas possible de chiffrer exactement la population diabétique potentiellement concernée”. L’expérimentation ne s’adresse en effet qu’aux adultes présentant un taux d’hémoglobine glyquée précis selon leur diabète (type 1 ou type 2). Il faut en outre que le patient concerné accepte d’intégrer Étapes. “Ce qui est certain, c’est que je ne considère pas ce programme comme un coût mais comme un investissement potentiellement générateur d’économies pour le système de soins et d’amélioration de la qualité de vie pour ces patients. Nous parlons de moins de transports, moins d’hospitalisations, moins de passage aux urgences, moins de prescriptions au long cours… Je ne vois pas la télésurveillance comme un coût supplémentaire.” Un nouveau cahier des charges à venir Les fournisseurs peuvent d’ailleurs continuer à présenter leur dossier à la DGOS jusqu’à la fin de l’expérimentation (voir encadré). Ils doivent également déclarer leur activité auprès de leur agence régionale de santé et obtenir le feu vert de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Problème : la Cnil ne peut plus autoriser pour le moment le traitement du numéro de Sécurité sociale des patients, pourtant indispensable aux fournisseurs pour pouvoir ensuite facturer leurs prestations auprès de l’Assurance maladie. Et le fournisseur est censé envoyer son dossier à la caisse primaire de son siège, incluant les autorisations de la DGOS et de la Cnil, pour pouvoir obtenir un numéro de facturation et y rattacher des droits. Sans ce numéro, pas de rémunération. Un couac législatif qui pourrait ralentir une expérimentation qui a déjà mis du temps à se lancer. Yann-Maël Le Douarin estime qu’une centaine de patients diabétiques ont pour le moment intégré Étapes, sachant que les premiers patients ont été inclus en mars-avril. “Depuis, la courbe est exponentielle”, souligne-t-il. Surtout, la publication d’un nouveau cahier des charges “très rapidement” pourrait, selon lui, augmenter le périmètre de l’expérimentation. “La LFSS pour 2018 nous imposait de republier les cahiers des charges, sauf que, pour prendre en compte les besoins identifiés sur le terrain, nous avons décidé d’en profiter pour les simplifier et en corriger certains points. Dans le cahier spécifique à la diabétologie, nous avons choisi d’autoriser l’inclusion des patients dès la mise sous insuline et non plus ‘après une mise sous insuline de plus de six mois’, ainsi que les adolescents de 12 à 18 ans présentant un diabète de type 1 déséquilibré, et non plus seulement les adultes.” Si Yann-Maël Le Douarin se montre “positif” quant à la participation et à l’issue du programme Étapes – “comment ne pas être positif lorsque plus de 3 500 patients toutes pathologies confondues adhèrent à un modèle innovant en moins de six mois ?” -, reste aux fournisseurs à convaincre, sur le terrain, professionnels et patients, puis aux professionnels convaincus à mettre en place une nouvelle organisation dans leur service s’ils travaillent en établissement. Alors, le remboursement de la télésurveillance pourrait devenir réalité. Dans cet objectif, la DGOS travaille également sur la mise au point de standards de transmission de données entre médecins et entre la ville et l’hôpital. “Nous avons la question du cadre d’interopérabilité dans le viseur. Nous avons missionné l’Agence française de la santé numérique (Asip Santé) pour travailler sur un référentiel incluant la télémédecine”, indique Yann-Maël Le Douarin. En attendant, les acteurs du terrain eux n’attendent pas pour s’organiser, comme souvent. Et, avant même de savoir si la télésurveillance sera bien prise en charge par l’Assurance maladie un jour, sont déjà entrés en contact avec des complémentaires pour transformer et développer leur modèle. Ainsi, l’un des fondateurs d’Aviitam, le Dr Vincent Attalin, raconte que son carnet de santé est gratuit pour les professionnels de santé comme pour les patients, y compris les services de télésurveillance, téléconsultation “et bientôt la prise de rendez-vous en ligne”. En revanche, “on ne va pas ubériser mais changer la donne, en proposant une analyse des données de santé payante à d’autres sociétés”. Et de citer pour exemple “une mutuelle qui voudrait faire de la prévention sur le diabète auprès des femmes enceintes. Nous pouvons fournir un tableau de bord de données en temps réel, envoyer des messages de prévention adaptés à la cible choisie, etc.” Des contrats sont d’ailleurs déjà signés, avec des mutuelles justement, mais encore sous le sceau de la confidentialité. Le minimum exigé d’une solution pour être éligible au programme Étapes Pour être éligible, la solution proposée doit a minima associer un système de recueil de glycémie capillaire respectant une certaine fréquence de transmission des données et un algorithme personnalisable permettant de générer des alertes de sécurité après chaque mesure de la glycémie et des alertes de signalement d’hypoglycémie. S’il s’agit d’un dispositif médical, la solution doit bien sûr être marquée CE et le fournisseur joindre l’attestation de marquage à la “déclaration de conformité” au cahier des charges, adressée à la DGOS. Du déclaratif seulement ? “Cela relève de la même logique que le règlement général sur la protection des données (RGPD) : les contrôles se font a posteriori”, assume Yann-Maël Le Douarin, conseiller médical télémédecine à la DGOS. La rémunération du fournisseur Une somme forfaitaire, versée tous les semestres, de : – patient diabétique de type 2 en mono-injection d’insuline : 300 €/patient/semestre – patient diabétique de type 1 ou 2 avec plus d’1 injection d’insuline quotidienne : 375 €/patient/semestre + une prime versée à l’année n+1 en cas de réduction de 15 % des hospitalisations (toutes causes) et de 16 % des coûts de santé hors télémédecine sur douze mois par rapport à l’année n (données calculées dans le Sniiram). Cette prime est plafonnée à 330 €/patient/an/solution. Cette rémunération est versée aux fournisseurs par leur Cpam. Cliquez sur le tableau pour le voir dans son intégralité. Application mobileDiabèteDispositif médicalMinistèrePlateformesstart-upTélémédecine Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Insuffisance cardiaque : les acteurs de la télésurveillance se positionnent enfin autour de l’expérimentation Etapes La Cnil ne peut plus autoriser le traitement du numéro de Sécurité sociale