Accueil > Industrie > Accès au marché > Télésurveillance : le programme Étapes peine à démarrer dans l’insuffisance respiratoire malgré de nombreux participants Télésurveillance : le programme Étapes peine à démarrer dans l’insuffisance respiratoire malgré de nombreux participants Si la télésurveillance des patients insuffisants respiratoires chroniques compte le plus grand nombre de fournisseurs de solutions autorisés à intégrer le programme gouvernemental Étapes, comparativement aux autres pathologies couvertes, la dynamique d’inclusion des patients se montre faible. Les enjeux de ce projet sont pourtant nombreux, au rang desquels le remboursement de la télésurveillance et de ses dispositifs médicaux. Par . Publié le 25 mars 2019 à 17h55 - Mis à jour le 25 mars 2019 à 17h55 Ressources Après l’insuffisance cardiaque puis le diabète, mind Health se penche sur un autre versant du programme Étapes : celui consacré à la télésurveillance des patients souffrant d’insuffisance respiratoire. Cette expérimentation, démarrée en janvier 2018 avec quatre ans de retard, couvre au total cinq pathologies, avec les porteurs de prothèse cardiaque implantable et les insuffisants rénaux. Au 26 mars 2019, dernier comptage en date de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) qui pilote le projet, 41 fournisseurs ont été autorisés à confronter leur solution technique au cadre de l’expérimentation. Soit la pathologie qui a suscité le plus de mobilisation, le diabète ne comptant “que” 15 fournisseurs et l’insuffisance cardiaque 20. Un paradoxe lorsque le Pr Jésus Gonzalez, coordinateur du groupe de travail GAVO2 (pour assistance ventilatoire et oxygène) au sein de la Société de pneumologie de langue française (SPLF), rappelle qu’“en 2015, quand le ministère de la Santé a voulu lancer des projets de télésurveillance des maladies chroniques, les insuffisants respiratoires chroniques avaient été oubliés”. Or “des appareils respiratoires sont installés au domicile des malades depuis les années 50 et les machines peuvent communiquer depuis 2011. Cela fait ainsi des années que les pneumologues font de la télésurveillance des patients, tout de même la seule thérapeutique qui permet une mémoire du traitement. Tout était donc prêt pour intégrer Étapes et la demande a émané des pneumologues eux-mêmes”. La SPLF a ensuite participé à la rédaction du cahier des charges de l’expérimentation et défini son périmètre. Entre 60 000 et 100 000 patients éligibles ? Les patients concernés doivent être majeurs et placés sous ventilation mécanique non invasive, à savoir sous appareil d’assistance ventilatoire mais sans intubation, trachéotomie ou dispositif “endo-trachéal” de ce type. Personne ne sait estimer combien d’insuffisants respiratoires chroniques le projet Étapes peut ainsi couvrir. Les seuls chiffres communiqués par la Haute Autorité de santé (HAS) l’ont été en décembre 2012 : “la ventilation mécanique à domicile a concerné environ 60 000 patients en France en 2011”. Elle ajoute dans son rapport d’évaluation sur le sujet qu’“une augmentation du nombre de patients sous ventilation mécanique à domicile est à prévoir dans les années futures. Elle serait liée à la progression de l’épidémie d’obésité responsable du syndrome obésité-hypoventilation (estimation entre 370 000 et 740 000 patients et 11 000 à 22 000 nouveaux cas par an), à l’augmentation du nombre de patients atteints de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO, estimation entre 10 000 et 20 000 patients et 3 500 nouveaux cas par an) et à l’amélioration de la prise en charge des maladies neuromusculaires avec un plus grand nombre de patients éligibles à la ventilation mécanique”. Dans le cahier des charges de l’expérimentation, la DGOS indique également que, “parmi les patients souffrant d’insuffisance respiratoire chronique, la BPCO est la deuxième maladie respiratoire après l’asthme. 100 000 personnes bénéficient d’une oxygénothérapie au long cours. En 2030, l’insuffisance respiratoire pourrait être la sixième cause de mortalité en France”. Surtout, la HAS “considère qu’il sera de plus en plus difficile, dans les années futures, d’initier toutes les ventilations mécaniques à l’hôpital au vu de l’augmentation attendue de la prévalence des patients relevant de ce traitement”. Si l’organisation de la prise en charge des patients insuffisants respiratoires à domicile n’est pas nouvelle, les prestataires de services à domicile s’étant organisés autour de réseaux associatifs ou commerciaux depuis les années 1990, l’enjeu d’Étapes est là encore de fixer les tarifs de la télésurveillance en vue de son remboursement par l’Assurance maladie, sur le modèle de ce qui a été fait pour la téléconsultation, mais aussi de cibler les patients à risque d’hospitalisations récurrentes ou de complications à moyen et long termes, de parvenir à stabiliser la maladie, voire à l’améliorer grâce à une surveillance adaptée et personnalisée, et d’améliorer la qualité et l’efficience des soins comme la qualité de vie des patients. Un enjeu autant de santé publique que d’économies publiques. Logique industrielle À l’instar de la télésurveillance du diabète, derrière les solutions autorisées pour la télésurveillance de l’insuffisance respiratoire chronique œuvrent des fournisseurs aux profils hétérogènes (voir panorama téléchargeable ci-dessous) : du prestataire local client d’une plateforme déjà très implantée comme Adel Santé au propriétaire de cette plateforme de collecte et d’agrégation des données de santé, Data Med Care, de la start-up Serviligne Développement qui a mis au point un concentrateur de données et tente de le faire connaître par le biais du projet d’Étapes au géant Air Liquide et à ses filiales, en passant par la petite entreprise qui a conçu son propre dossier patient ou son application web. Selon leur implantation et l’outil développé, certains fournisseurs ont demandé et obtenu le feu vert de la DGOS pour couvrir plusieurs pathologies la fois. C’est par exemple le cas de la plateforme collaborative de Colnec Health, qui expérimente sa solution également dans l’insuffisance rénale, l’insuffisance cardiaque ou le diabète. D’autres ont la double casquette de fournisseur de solution technique et de prestataire de soins à domicile, comme Orkyn’ (groupe Air Liquide). Des choix industriels qui ont largement précédé Étapes. Celui d’intégrer l’expérimentation représente alors soit une opportunité de croissance, pour les plus “petits” opérateurs, soit une suite logique lorsque le fournisseur est déjà un acteur leader du marché. Interrogés par mind Health en octobre dernier, parce qu’ils couvraient aussi le diabète, le directeur business de Colnec Health, Thierry Lagrange, et le gérant de Serviligne Développement, Olivier Clément, revendiquaient respectivement vouloir “booster (son) développement” et “se faire connaître”. À une autre échelle, Orkyn’ comptait déjà avant Étapes 80 000 patients télésuivis pour une apnée du sommeil dont 1 600 appareillés pour insuffisance respiratoire sous ventilation. Intégrer le projet s’avérait donc “naturel”, indique Anne-Claire de Clerck, directrice des activités respiratoires d’Orkyn’ (Air Liquide), qui dit même l’entreprise “parfaitement placée” pour assurer cette expérimentation. “Nous croyons au-delà d’Étapes qu’il y a un réel intérêt au télésuivi des patients. Orkyn’ n’est pas qu’un fournisseur technique : notre offre est totalement intégrée. L’enjeu porte sur la santé du patient, pas sur le fait qu’un maximum d’entre eux utilisent notre solution.” Chronic Care Connect Pneumologie a toutefois été adaptée pour entrer dans le cadre du projet et ses algorithmes sont affinés en permanence. La solution technique se double d’une cellule de sept infirmiers qui s’occupent du traitement des alertes, d’un portail (“Mes patients Orkyn’”) pour communiquer avec le médecine et de 300 intervenants sur le terrain. Data Med Care n’officie pas au domicile du patient mais met à disposition des prestataires – qu’ils soient locaux ou internationaux – une plateforme de collecte des données des dispositifs médicaux (DM) communicants. Adel Santé existe depuis six ans et visait d’abord, là aussi, l’apnée du sommeil. Elle a ensuite été adaptée au cahier des charges d’Étapes, en y intégrant une algorithmie spécifique sur le déclenchement des alertes et un portail permettant un coaching thérapeutique. Selon Marie-Laure Pallier, directrice générale de Data Med Care, “au moins 50 prestataires différents utilisent Adel Santé”, soit 300 000 patients. “Intégrer Étapes paraît complètement dans la logique de ce que nous faisions déjà”, Data Med Care ayant en outre auparavant participé à un projet du même acabit dans le cadre du programme Territoires de soins numériques. Difficultés au démarrage Pour autant, recruter des prescripteurs et donc des patients ne semble pas acquis. Malgré la couverture pré-existante d’Orkyn’ et de Data Med Care, ils ne comptent chacun, à ce jour, qu’une cinquantaine de patients suivis dans le cadre d’Étapes. “Nous ne sommes pas sur du volume mais sur un accompagnement vers la médecine de demain, commente Marie-Laure Pallier (Data Med Care). Les inclusions seront plus massives d’ici 2020.” Anne-Claire de Clerck (Orkyn’) “souhaiterait inclure plusieurs centaines de patients” et “convaincre les prescripteurs”. Il leur revient en effet de recruter les patients. S’il concède que le processus administratif a été simplifié et les critères d’inclusion élargis, Charles-Henri des Villettes, président de la Fédération des prestataires de santé à domicile (Fedepsad), pointe les difficultés d’un “changement de la pratique au sein des services hospitaliers et qui peut créer des résistances à l’inclusion des patients, comme la gestion du temps d’un infirmier éducateur thérapeutique dans le service”. Pour les libéraux, “la difficulté réside plutôt dans la pratique d’un exercice isolé, qui peut être un frein”. Jésus Gonzalez (SPLF) explique plutôt les difficultés de recrutement par la sous-estimation, au lancement du projet, du temps humain nécessaire au traitement des données. Pour autant, le projet s’est bien construit autour d’un algorithme de surveillance proposé par la SPLF, qui permettait d’optimiser et de réduire le temps de travail des pneumologues en déléguant de nombreuses tâches au prestataire. Mais les prestataires forment aujourd’hui leurs équipes, indique-t-il. En revanche, “il y a une demande que nous n’avions pas anticipée et qui inquiète actuellement les praticiens : la responsabilité. Ils s’inquiètent de savoir ce qu’il adviendra en cas d’événements non traités, parce que l’alerte n’a pas correctement été remontée, le praticien était en congé ou une panne informatique est survenue ce jour-là. Autant de craintes que nous n’avions pas vues. Ces responsabilités n’ont pas été établies dans le cadre de la télésurveillance et, pour le tarif proposé (voir encadré ci-dessous, ndlr), le projet peut capoter”. Un premier rapport d’évaluation de l’expérimentation doit être rendu cet été, à mi-parcours, avant un rapport final mi-2021. Alors la télésurveillance pourra éventuellement intégrer le droit commun et la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé de la HAS apprécier le service attendu des DM que les fabricants souhaiteront inscrire sur la liste des produits et prestations remboursables. “La mayonnaise ayant du mal à prendre, note Charles-Henri des Villettes (Fedepsad), l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) aura peut-être des difficultés à réaliser sa première analyse en 2019”. Si le projet Étapes reste “une grande attente” pour la SPLF, Jésus Gonzalez se demande “si la communauté des pneumologues n’a pas imaginé quelque chose qui n’est pas encore réalisable en 2019. Comparativement au niveau de surveillance de l’insuffisance cardiaque, extrêmement simple et qui fonctionne bien, peut-être avons-nous pensé trop technologique et trop compliqué”. Des conditions d’éligibilité strictes Le cahier des charges de l’expérimentation impose au fournisseur une prestation de télésurveillance complète, comprenant une solution technique et une prestation d’accompagnement thérapeutique sous peine de ne pas pouvoir bénéficier de la rémunération prévue. La solution technique ne peut être éligible que si elle inclut un système de recueil des données elles-mêmes précisées dans le cahier des charges et à une fréquence déterminée assorti d’un algorithme personnalisable pour chaque patient inclus et permettant de générer des alertes spécifiques. La séance d’accompagnement thérapeutique doit quant à elle avoir lieu a minima une fois au cours des quinze premiers jours après l’inclusion du patient, une fois au cours du mois suivant puis une fois par semestre. Une somme forfaitaire est versée au fournisseur tous les trimestres par sa caisse primaire d’assurance maladie, à raison de 300 €/patient/semestre. Le médecin effectuant la télésurveillance pourra quant à lui facturer 73 €/patient/semestre. Cliquer sur le tableau pour le voir dans son intégralité. Application mobileDispositif médicalDonnées de santéMinistèrePlateformesstart-upTélémédecine Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind