Vincent Vercamer (Withings) : “Notre croissance a été de 100% au cours des deux dernières années”

Withings a fait partie des 30 acteurs retenus pour construire le catalogue d’applications de Mon espace santé. Comment est né ce partenariat avec l’ANS et en quoi a-t-il consisté ?

Nous sommes engagés dans le projet Mon espace santé depuis ses débuts. Avant même que ce projet soit lancé, au temps du DMP, nous avions travaillé avec l’Assurance maladie, afin que nos utilisateurs puissent facilement partager leurs données avec leur médecin ou les intégrer directement dans leur dossier médical. Depuis le début de la phase de co-construction, qui a démarré de façon très effective il y a un an, nous avons beaucoup échangé avec les autres acteurs sur la question de la production de données. L’enjeu consiste à s’assurer que les données de santé partagées de manière sécurisée au sein de Mon espace santé soient à la fois fiables et de qualité, sans que cela ajoute de la complexité au quotidien des utilisateurs. La première version de ce volet “échange de données” du catalogue d’applications intégrera 10 métriques. Withings permettra à ses utilisateurs de toutes les partager. Six d’entre elles sont mesurables directement via nos dispositifs (fréquence cardiaque, poids, indice de masse corporelle, activité physique quotidienne, pression artérielle, température) et trois sont déclaratives (taille, tour de taille et niveau de douleur). Nous sommes l’acteur qui propose aujourd’hui le plus de métriques, mais d’autres acteurs comme Abbott proposeront un focus sur le suivi de glycémie, dont nous ne disposons pas aujourd’hui. Ce sont des données importantes lorsqu’on fait un suivi de pathologies chroniques sur le long terme. Nos utilisateurs auront la possibilité de partager facilement ces données avec Mon espace santé et éventuellement avec les autres services du catalogue, pour que leur suivi soit le plus pertinent possible.

Dominique Pon et Laura Létourneau, lors de leur présentation de Mon espace santé, ont prévu que le catalogue d’applications intégrerait la plateforme “courant 2022”. En savez-vous plus sur les applications qui intégreront ce futur Store et sur son état d’avancée ?

Si le guichet de référencement a ouvert fin août 2021, la procédure de référencement au catalogue de Mon espace santé, pour que les éditeurs déclarent la conformité de leurs solutions à la doctrine du numérique en santé, n’est ouverte que depuis décembre dernier. C’est encore très récent et le processus de sélection des applications qui feront partie du Store n’a pas encore commencé. Il s’agit de donner le temps aux acteurs de vérifier qu’ils sont “dans les clous”. Pour les éditeurs, la mise en conformité de leurs produits peut être assez longue. Côté constructeurs du Store, nous attendons encore les environnements de tests, qui arriveront en février, pour valider que l’échange de données avec Mon espace santé fonctionne bien. Nous sommes également en attente d’arbitrages côté Cnil et côté sécurité informatique, de la part de l’Anssi. Nous continuons à co-construire puisque toute la partie qui relève des tests techniques est en cours. La partie expérience utilisateur et process est derrière nous, nous nous occupons actuellement des tests techniques et du débogage. Nous espérons que le Store sera disponible en juin 2022.

Auriez-vous des conseils à donner aux éditeurs d’applications qui voudraient intégrer Mon espace santé ?

Les entreprises ont une vraie attente pour être référencées, mais il reste encore un travail de pédagogie à effectuer, pour leur expliquer comment se passe ce référencement. Il est donc important de commencer par se renseigner sur la plateforme G_NIUS  mise en place par l’ANS et de ne pas hésiter à poser des questions sur ce processus de référencement.

Dans l’hypothèse très probable où vous intégreriez ce Store, qu’en attendez-vous ?

Nous voulons permettre à nos utilisateurs de reprendre le contrôle de leur santé. Le Store leur permettra de maîtriser leurs données mais aussi de les partager dans un espace sécurisé qui va leur permettre d’accéder à des services additionnels que nous ne leur proposons pas. La e-santé est un écosystème complexe et cela peut être très long de mettre en place des partenariats bilatéraux. L’idée est donc de permettre à nos utilisateurs de réutiliser leurs données avec un certain nombre d’applications du catalogue.

Pouvoir être visible par 65 millions de Français représente aussi une belle opportunité…

Oui, surtout que nos concurrents sont aujourd’hui essentiellement de très grosses entreprises américaines ou chinoises. Il y a finalement assez peu d’acteurs européens qui proposent des dispositifs connectés à destination du grand public.

En octobre dernier, l’ANS a évoqué la possibilité que les applications présentes dans le futur catalogue soient accessibles sur d’autres plateformes de santé européennes…En est-il toujours question ?

Un certain nombre de services qui sont actuellement sur la feuille de route de l’ANS ont vocation à être mutualisés au niveau européen. Pour le Store, cela n’est pas encore abouti mais ce serait bien plus pertinent pour les citoyens (qui voyagent) et  pour les entreprises (qui, dans le monde la santé numérique, sont présentes dans beaucoup de pays européens). Enfin, pour les  acteurs institutionnels, une mutualisation européenne leur permettrait de s’inspirer de ce qui se fait ailleurs, leur évitant de réinventer la roue à chaque évolution de la plateforme. Quoiqu’il en soit, cette dimension européenne est dans les esprits des concepteurs de Mon espace santé depuis le début. Il est évident que nous serons amenés à faire évoluer le projet pour atteindre une dimension plus conséquente. C’est souhaitable si nous voulons avoir un marché comparable à celui des Etats-Unis ou de la Chine.

Withings a racheté Impeto medical en tout début d’année et a annoncé début février l’acquisition de 8fit. Pourquoi ce nouveau rachat ?

L’objectif de cet achat est de proposer de nouveaux services à nos utilisateurs. Avec 8fit, nous souhaitons leur proposer un accompagnement personnalisé qui aille au-delà du suivi de métriques, avec plus de contenu. Nous serons en mesure de répondre à leurs attentes bien-être via le contenu développé par 8fit axés sur l’activité physique et la nutrition. Pour des accompagnement avec un focus santé précis, cela pourra se faire au travers de Mon espace santé, grâce à d’autres services référencés. Nous avons développé, enrichi et perfectionné nos outils de mesure ces dernières années. Nous entrons désormais dans une ère nouvelle, où il s’agit d’exploiter les données que l’on permet de recueillir via nos produits pour proposer des services personnalisés ainsi que la mise en relation avec des professionnels de santé. 

Où en est Withings de son développement ?

Nous sommes maintenant plus de 350 salariés, présents essentiellement en France mais aussi aux Etats-Unis, en Asie et maintenant à Berlin grâce à l’acquisition de 8fit. Nous allons encore recruter 120 personnes en 2022 pour développer cette brique “services”. Nous comptons plusieurs millions d’utilisateurs à travers le monde et notre croissance a été de 100% au cours des deux dernières années.

Comment expliquez-vous un tel rythme ?

La crise du Covid a réellement joué un rôle d’accélérateur. Nous avons été identifiés par le grand public comme un acteur qui allait permettre aux personnes une continuité dans le suivi de leur santé. La santé est devenue une préoccupation majeure des Français et cela dépasse le contexte du Covid puisque tous nos outils – aussi bien ceux qui mesurent le sommeil, l’activité physique, le rythme cardiaque, la température, la saturation en oxygène ou le poids – ont connu une forte croissance. Nous avons par exemple lancé notre montre Scanwatch en septembre 2020 et c’est le meilleur lancement de produit de toute l’histoire de WITHINGS.