Accueil > Industrie > Accès au marché > Déployer sa stratégie sur les réseaux sociaux en sept points clés Déployer sa stratégie sur les réseaux sociaux en sept points clés Une présence sur les réseaux sociaux semble être devenue incontournable pour les laboratoires pharmaceutiques. mind Health a interrogé les sociétés RCA Factory, Bolero, Digimind, Kap Code, Talkwalker ainsi que l’avocate Caroline Henry sur les points à mettre en oeuvre pour y déployer sa stratégie. Cela passe par définir sa stratégie, impliquer ses équipes, choisir les canaux puis les formats en fonction du public visé, prendre en compte la réglementation, dimensionner l’enveloppe financière nécessaire et estimer ses retours sur investissement. Par Aurélie Dureuil. Publié le 23 septembre 2019 à 17h09 - Mis à jour le 23 septembre 2019 à 17h09 Ressources Être sur les réseaux sociaux pour y justifier d’une présence ne suffit plus. “Quand les réseaux sociaux ont commencé à devenir une réalité pour les laboratoires pharmaceutiques, la première étape a été de regarder ce qu’il s’y disait, ce qu’il s’y passait. Ça a été perçu comme un risque réputationnel. Puis au fur et à mesure, ils ont commencé à ouvrir leur propres comptes sur des axes de communication et de marketing”, témoigne David Réguer, directeur général de RCA Factory, agence spécialisée sur les réseaux sociaux. Christophe Asselin, evangelist & content specialist de Digimind, confirme : “il y a quelques années, les laboratoires pharmaceutiques ont commencé par une demande de veille classique sur les brevets, les essais cliniques afin d’être en avance sur ce qu’il se préparait. Ils se sont également intéressés à une veille concurrentielle globale des publications de leurs concurrents directement mais aussi indirectement. Enfin, ils regardent la voix des patients à travers les conversations, les messages et avis afin de comprendre le parcours du patient : comment ils cherchent un médicament, comment ils évaluent leur professionnels de santé, leurs avis sur le médicament, les effets indésirables… Sur ce dernier point nous allons surveiller les conversations et signalements dans le cadre de la pharmacovigilance”. Aujourd’hui, les laboratoires ont créé leur propres comptes sur les réseaux sociaux. Ainsi, sur Twitter, Facebook et LinkedIn, mind Health en a dénombré 223, liés aux activités mondiales et françaises, pour les laboratoires du top 20 et sept ETI et PME françaises du secteur (à lire Avec 223 comptes, la présence sur les réseaux sociaux de 27 laboratoires pharmaceutiques décryptée). Ils commencent également à prendre position sur d’autres réseaux comme Instagram. Ainsi que le signale Digimind dans son étude La voix des patients et des laboratoires sur le web et les médias sociaux, 97 % des laboratoires utilisent sur Twitter, 90 % Facebook et 63 % Instagram. Pourtant, “la présence digitale des laboratoires est très peu optimisée. Il existe tout un terrain à conquérir”, soulève Caroline Faillet, CEO de la société Bolero. Pour faire vivre ces comptes, ils adoptent différentes stratégies qui permettent ensuite de définir les moyens à mettre en oeuvre. mind Health détaille les sept points clés pour se déployer sur les réseaux sociaux. Pour aller plus loin Lisez sur notre site notre dossier analysant les résultats de 27 laboratoires sur Facebook, Twitter et LinkedIn Et explorez dans notre base de données la liste de 223 comptes réseaux sociaux de ces 27 laboratoires. 1 – Définir sa stratégie Être présent sur les réseaux sociaux, mais pour y faire quoi ? Si beaucoup y sont allés pour assurer une présence, les approches s’affinent aujourd’hui. “Nous voyons un plus grand investissement et de véritables stratégies avec une cohérence du discours de marque, de l’entreprise… Les laboratoires ne restent pas uniquement dans la proposition d’avoir un flux d’information qui peut venir de l’interne, de l’externe, des BU… Il y a aujourd’hui une réflexion sur ce qu’ils veulent dire, le récit social media dans leur discours global. Cela passe par le fait d’arrêter un choix en termes de ligne éditoriale puis de planification et de création de contenu”, observe David Réguer. Caroline Faillet (Bolero) rappelle également : “un premier pilier de l’implication des laboratoires a été la défense et la promotion de leur réputation. Ils ont travaillé sur le contenu positif. Par exemple, sur leur implication sur les journées mondiales de pathologies. Ils se posent maintenant sur la gestion de crises ou d’image. Beaucoup de laboratoires qui ont des ruptures de stocks, ne peuvent plus rester sans rien dire alors que les médecins s’insurgent, les patients ne comprennent pas… On peut citer Janssen qui a publié une vidéo de pédagogie sur la chaîne du médicament”. Elle constate par ailleurs : “en 2018, il y a eu une très forte hausse sur Twitter de la visibilité des congrès et colloques : de la part de ces évènements qui ont tous leur hashtag et de la part des médecins qui l’utilisent comme un outil de veille. Cela ouvre un temps d’actions pour les laboratoires pour être beaucoup plus dans le live pour ces évènements”. 2 – Impliquer ses équipes Une fois la stratégie définie, les laboratoires mettent en place les équipes en charge de son déploiement. Là encore, cela témoigne de l’évolution de la maturité des industriels du médicament sur les réseaux sociaux. “Naturellement, ils vont plus vers les départements communication et des agences. Mais les laboratoires sont de plus en plus matures et se rendent compte de ce qu’ils peuvent faire des données”, constate Albane Flamant, marketing manager de Talkwaker qui développe et commercialise un outil de listening et d’analyse du web et des réseaux sociaux. Chez Bolero, Caroline Faillet renchérit : “ils se posent tous la question de la gouvernance. Légitimement, c’est la communication qui porte ce sujet. Mais elle ne peut pas être omnisciente sur toutes les pathologies, les contenus… Il faut un comité éditorial auquel participent le marketing, le médical, le réglementaire”. Outre l’ouverture aux différents métiers des laboratoires, les équipes se professionnalisent. “La barrière d’entrée est de plus en plus importante. Cela demande autre chose que le métier de relation presse ou évènementiel. Le réseau social implique des compétences pluridisciplinaires : créative, data analyst, marketing digital… Les choses bougent en permanence pour comprendre les nouvelles fonctionnalités, les changements d’algorithmes…”, indique David Réguer. 3 – Déterminer les canaux en fonction du public visé La publication de Digimind montre ainsi que 57 % des laboratoires étudiés sont présents à la fois sur Twitter, Facebook, Youtube et Instagram. Dans son dossier sur les comptes Twitter, Facebook et LinkedIn de 27 laboratoires, mind Health constate également que seul un industriel ne dispose pas de compte sur chacun de ces canaux. Les autres en ont même plusieurs. On recense ainsi en moyenne 3,7 comptes sur Twitter, 2,7 sur LinkedIn et 1,8 sur Facebook. Chaque réseau social affiche ses spécificités. “En fonction des publics, le laboratoire utilise le réseau social adéquat”, explique David Réguer. Ainsi, “Twitter est le réseau social du système médiatique. C’est là aussi que l’on suit les leaders d’opinion, les lives de congrès comme l’Asco (congrès annuel de l’American society of clinical oncology, ndlr)…”, note David Réguer. Caroline Faillet renchérit : “Twitter reste l’outil de gestion de crise. C’est un moyen de réagir en live, de sourcer les journalistes”. Un constat également partagé par Adel Mebarki, directeur général de Kap Code. “Twitter est intéressant dans l’évaluation d’une crise. C’est également une source pour identifier et suivre l’expérience des professionnels de santé”. Du côté de LinkedIn, Adel Mebarki estime qu’il s’agit d’un canal “très pro”. David Réguer souligne également : “LinkedIn est plus sectoriel. Il y a un taux d’interaction beaucoup plus fort. Il est utilisé pour fédérer les collaborateurs, attirer de nouveaux talents, déployer l’approche de marque employeur”. D’autres réseaux sont plus grand public comme Facebook et Instagram. “S’y trouvent les patients mais aussi les professionnels de santé. C’est là que se structurent les communautés de patients”, note David Réguer. Caroline Faillet constate par ailleurs des spécificités en fonction des pathologies : “sur le diabète, ça se passe sur Instagram. Les patients vont beaucoup parler de leur mode de vie, postent des photos de ce qu’ils mangent et des vidéos de recettes… Autour du cancer, cela se passe beaucoup plus sur Facebook et sur les forums de santé. Selon les maladies, ce ne sont pas les mêmes réseaux sociaux actifs. Les laboratoires doivent bien cibler leurs actions en fonction des usages numériques de leurs cibles”. Adel Mebarki pointe, de son côté, la difficulté sur Facebook d’accéder aux groupes privés qui se constituent autour d’une communauté de patients sur une pathologie. 4 – Choisir ses formats Et une fois le canal déterminé, reste à définir les formats. David Réguer met en garde : “Il faut considérer que, sur un réseau social, on dispose de 7 secondes d’attention. Si on commence une vidéo avec un logo, on a perdu une partie des internautes. Il faut s’adapter aux usages de chacun des publics. Et ensuite attirer l’attention dans un flux énorme d’informations”. Dans son étude, Digimind note par ailleurs que les contenus les plus engageants sont ceux centrés sur l’humain, avec un récit travaillé et éducatif : “des publications sociales mettant en valeur les patients, les professionnels de santé ou les employés de l’entreprise contribuent à positionner la firme sur des axes humains et inspirants”. Christophe Asselin cite notamment un post de Novartis sur Instagram avec les témoignages de salariés LGBT, qui a obtenu près de 297 000 “j’aime” et 220 commentaires, selon l’étude. “Cela témoigne d’une marque employeur dynamique”, souligne-t-il. La société conseille par ailleurs de s’appuyer sur des éléments visuels tels que des infographies, vidéos explicatives, bandes dessinées… 5 – Prendre en compte la réglementation Sur les réseaux sociaux, les laboratoires sont soumis à la réglementation autour de leur produits, notamment sur le sujet de la promotion d’un médicament. “Il y a une vraie prudence collective (des laboratoires, des autorités…) sur ce qu’on fait, ce qu’on peut faire, etc., pour avoir un usage juste”, explique Caroline Henry, avocate associée chez Pons & Carrère qui a participé au livre blanc du Healthcare Data Institute “Les réseaux sociaux et la santé : un enjeu pour le suivi des patients et de la recherche scientifique” en novembre 2018. Elle conseille ainsi d’effectuer “un balisage sur ce qui est possible et souhaitable”. Une difficulté relevée également par Caroline Faillet de Bolero sur la réponse que les entreprises du médicament peuvent apporter face aux fake news qui se diffusent sur les réseaux sociaux. “Beaucoup de laboratoires ne savent pas quoi faire face aux fake news et comment se défendre quand ils sont attaqués sur leur réputation. Il faut anticiper des scénarii et les faire valider par l’ANSM. Post-Levothyrox, les entreprises pharma comprennent que la réactivité est nécessaire”, conseille-t-elle. Néanmoins, David Réguer constate “une évolution du réglementaire (équipes en interne des laboratoires, ndlr) qui est plus ouvert tout en restant sérieux. Nous voyons des politiques différentes entre les laboratoires : entre ceux qui font tout valider et ceux qui sont plus ouverts. Quand nous avons accompagné Boehringer Ingelheim sur les Facebook live, nous avions l’équipe réglementaire avec nous pendant le live”. La question réglementaire concerne également l’écoute des réseaux sociaux et notamment la pharmacoviglance (voir le dossier de mind Health). 6 – Dimensionner l’enveloppe financière nécessaire “On a tendance à penser qu’il faut être sur les réseaux sociaux et que ça ne coûte rien. Certes, créer un compte est gratuit mais ensuite, il faut un community manager. Et sans contenu, il ne sert à rien. Il faut donc un content manager. Et derrière, il faut aussi veiller, surveiller ce qu’il se dit…”, note Caroline Faillet de Bolero. Difficile cependant de connaître l’investissement nécessaire pour mettre en place une stratégie sur les réseaux sociaux et la faire vivre. “En terme de contenu, c’est rarement un simple tweet. Les laboratoires font alors appel à des agences, des graphistes…”, indique Christophe Asselin. “Cela implique des compétences multiples qui sont difficiles à internaliser. Ainsi, la plupart des organisations externalisent ce qui est lié à la production et à l’animation. Ensuite, nous avons des équipes mixtes de référents avec la direction de la communication”, souligne David Réguer. Des investissements auxquels s’ajoutent ceux pour monitorer l’activité. C’est ce que propose notamment Talkwalker avec sa plateforme. Elle peut être paramétrée pour suivre le nom d’une marque, d’un produit, mais aussi détecter un logo sur une image ou dans une vidéo, détaille Albane Flament. 7 – Estimer ses retours sur investissement La question des retours sur investissement reste cependant ouverte. “Les laboratoires raisonnent beaucoup en terme d’interactions et d’audience touchées par segment”, constate Christophe Asselin. “Un sujet qu’ils commencent à regarder : la nature de leur audience. S’ils ne sont suivis que par le marché pharma, par des candidats, par des professionnels de santé, des chercheurs, des scientifiques… De même, la réussite d’un congrès, c’est aussi la part de voix sur le compte, et la visibilité sur l’événement par rapport aux concurrents. Sur une aire thérapeutique, ils commencent à regarder les avis postés sur les réseaux pour connaître la perception des patients ou des professionnels de santé”, renchérit Caroline Faillet. Les laboratoires pharmaceutiques gagnent ainsi en maturité sur les réseaux sociaux. Aurélie Dureuil LaboratoiresRéseaux sociauxStratégie Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Comment intégrer la pharmacovigilance à l’heure des réseaux sociaux La liste des principaux comptes sur les réseaux sociaux des laboratoires pharmaceutiques Avec 223 comptes, la présence sur les réseaux sociaux de 27 laboratoires pharmaceutiques décryptée Quatre propositions pour favoriser l’utilisation des réseaux sociaux dans la santé