Accueil > Parcours de soins > Gestion de la data > Qui sont les bureaux d’études accédant au SNDS pour le compte d’assureurs ? Qui sont les bureaux d’études accédant au SNDS pour le compte d’assureurs ? Depuis 2016, les complémentaires santé sont tenues, pour pouvoir accéder au Système national des données de santé, soit de prouver qu’elles ne pourront utiliser les données pour moduler leurs tarifs ou leurs garanties, soit de passer par un bureau d’études qui réalisera le traitement pour elles et s’engage à respecter des mesures de confidentialité. mind Health a interrogé cinq de ces structures et dresse le portrait d’un marché encore balbutiant. Par . Publié le 14 octobre 2019 à 10h47 - Mis à jour le 14 octobre 2019 à 10h47 Ressources La loi Santé de 2016, portée par Marisol Touraine, a mis en oeuvre le Système national des données de santé (SNDS) et l’a ouvert aux structures privées sous certaines conditions. Que le demandeur soit public ou privé, le projet d’étude doit présenter un intérêt public et être soumis à l’Institut national des données de santé (INDS), guichet unique des demandes d’accès au SNDS. L’INDS fournit un avis à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) sur la cohérence entre la finalité de l’étude proposée, la méthodologie présentée et le périmètre des données auxquelles un accès est demandé puis la Cnil autorise ou non l’étude en question. Mais si le demandeur est un laboratoire pharmaceutique ou un assureur en santé, il doit également démontrer que les modalités techniques d’accès au SNDS rendent impossibles l’utilisation des données pour deux finalités absolument interdites : la promotion de produits et l’exclusion de garanties des contrats d’assurance ou la modification de cotisations ou de primes d’assurance d’un individu ou d’un groupe d’individus présentant un même risque. Sinon, il a le choix de passer par un bureau d’études qui, seul, pourra accéder aux données et s’engagera à respecter des critères de confidentialité, d’expertise et d’indépendance. Tiers de confiance Depuis juillet 2017, et l’arrêté qui détermine les conditions pour devenir bureau d’études, ils sont ainsi 49 avoir été habilités par la Cnil. 31 se sont lancés dès la première année, depuis l’entreprise individuelle jusqu’au mastodonte de la donnée, IQVIA, et au moins deux ont été radiées du Registre du commerce et des sociétés (RCS). La majorité de ces bureaux d’études travaillent pour le compte d’industriels ou d’établissements hospitaliers quand ils ne sont qu’une poignée à collaborer avec des complémentaires. Parmi ces derniers, mind Health a interrogé Clinityx, Kanopymed, OpusLine, Public Health Expertise (PHE) et Carte Blanche Partenaires, dernier habilité en date (il ne figure pas encore dans le listing de la Cnil). Comme l’exige la loi, tous se sont engagés à répondre aux conditions de sécurité imposées par le SNDS, à empêcher la réidentification des personnes auxquelles les données se rapportent – pour ce faire, un seuil minimal de patients concernés par critère, comme l’aire géographique par exemple, est notamment exigé – et à se doter de compétences en matière de recherche, de statistiques et de traitement de données. Leurs responsables et leurs salariés mettant en oeuvre le traitement des données ou autorisés à y accéder sont soumis au secret professionnel et ont signé un engagement individuel de confidentialité ainsi qu’une attestation d’absence de conflits d’intérêts avec l’objet du traitement, soit une absence de lien de toute nature, direct ou indirect, durant les trois années précédentes. Une formation est également imposée aux personnes accédant au SNDS, dispensée par l’Assurance maladie, et le résultat de l’étude doit être publié. Enfin, le bureau d’études “ne doit pas être en situation de dépendance économique” à l’égard du commanditaire de l’étude. La préoccupation principale touche à la qualité des hôpitaux Le plus installé, le cabinet de conseil spécialisé en santé OpusLine, qui travaille sur les données issues de l’activité des établissements hospitaliers (la base PMSI du SNDS) depuis 2014 et est enregistré comme bureau d’études depuis 2017, ne révèle pas le nom de ses clients mais indique avoir surtout agi pour le compte de complémentaires sur des données d’hospitalisation. Par exemple, “pour évaluer l’efficience d’un établissement ou mesurer le coût du reste à charge. L’objectif est d’orienter les assurés vers l’établissement le plus adapté à leur motif d’hospitalisation, développe Bertrand de Neuville, directeur associé d’OpusLine, spécialisé industries de santé, stratégie produit et market access. Le SNDS permet également d’étudier les besoins en prévention sur la santé ou la prévoyance, et ensuite d’évaluer l’impact des services de prévention mis en place, par exemple autour de l’arrêt de travail. Cet exercice a notamment été déployé sur le cas spécifique des branches professionnelles pour mieux calibrer les programmes de prévention et d’accompagnement de certaines professions”. Public Health Expertise (PHE), une entreprise de sept employés créée en 2012 et homologuée en tant que bureau d’études depuis 2017, a travaillé avec la MGEN et Malakoff Médéric Humanis. Pour la première, “nous avons évalué l’impact de son programme Vivoptim, indique Henri Leleu, médecin de santé publique et cofondateur de PHE. Pour Malakoff, il s’agissait de les accompagner dans l’accès au SNDS : les conseiller sur la rédaction des protocoles, la structuration de la demande, etc. Le groupe de protection sociale avait la volonté de développer en interne ces compétences”. En effet, il est à ce jour le seul assureur à bénéficier d’un accès direct au SNDS (voir encadré ci-dessous), mais aussi le seul assureur à avoir été sélectionné parmi les dix premiers projets du Health data hub. La plus jeune Kanopymed, fondée en août 2018 en tant que bureau d’études mais qui n’a commencé à travailler en tant que tel qu’en avril 2019, a pour le moment signé avec une mutuelle, dont elle tait le nom. Clinityx, créée en février 2018 et qui se consacre également à cette activité depuis janvier 2019, est en cours de discussion pour un premier projet avec une complémentaire, sans donner plus de détails. Enfin, le partenaire des complémentaires santé Carte Blanche Partenaires a été accrédité par la Cnil au mois d’avril 2019. “La construction de l’offre est en cours de finalisation et sera présentée à nos clients partenaires à l’horizon 2020, indique Jean-François Tripodi, son directeur général. Les études seront réalisées sur les domaines de santé suivants : soins dentaires, prestations optiques et auditives, soins médicaux et paramédicaux, et données démographiques des professionnels de santé.” Sortir du rôle de payeur aveugle Face au SNDS, la maturité des assureurs est donc encore balbutiante. “Nous menons plus d’études avec les industriels qu’avec les complémentaires, constate Bertrand de Neuville pour OpusLine. Les données du SNDS sont compliquées, les assureurs les connaissent mal et commencent à peine à s’y intéresser : pour rappel, les complémentaires santé disposent déjà de leur propres données issues du remboursement des soins mais celles-ci ne comportent aucune information médicale. Par exemple, il n’est pas possible de mesurer avec précision la performance médicale d’un service mis en place autour de la chirurgie ou d’une affection de longue durée. Leurs données propres suffisent pour réaliser un pilotage économique actuariel. Mais avec les contraintes réglementaires récentes de l’assurance santé, les couvertures et la proposition de valeur se standardisent. Les données du SNDS constituent un levier de différenciation pour mieux comprendre le parcours des assurés afin de développer proactivement puis d’évaluer des services d’accompagnement. Mais c’est un changement qui prend un peu de temps.” À l’inverse, les études cliniques “font partie de l’ADN des laboratoires pharmaceutiques”, ajoute-t-il. Les assureurs se montreraient aussi précautionneux dans la manipulation des données du SNDS : “ils ne peuvent pas les utiliser pour modifier leur tarification et ne veulent surtout pas que cela leur soit reproché”. Pour Henri Leleu (PHE), les complémentaires disposent en outre de moins de ressources financières pour effectuer ce type d’étude et “les problématiques qui n’entreraient pas en conflit avec la finalité interdite ne donnent que peu de retour sur investissement : en diminuant les hospitalisations par exemple, vous évitez des coûts à l’Assurance maladie et à la complémentaire sur le ticket modérateur, ce qui ne représente pas beaucoup”. Selon le cofondateur de Kanopymed, Ulysse Rodts, il manque également aux assureurs “une bonne vision de ce qui peut être fait avec le SNDS. Mais plus ils verront des études SNDS arriver, plus ils mesureront la capacité de ses bases. C’est un marché en devenir” et un souhait de diversification de sa société qui jusqu’à présent travaille majoritairement avec l’industrie. De 30 000 à 150 000 € l’étude Faire appel à un bureau d’études revient à plusieurs dizaines de milliers d’euros, dépendant notamment du périmètre de l’accès nécessaire au SNDS. Kanopymed facture entre 30 000 et 45 000 € une étude sur le PMSI et entre 55 000 et 70 000 € une étude intégrant les données d’activité libérale. “L’accès au PMSI est relativement plus aisé, explique Ulysse Rodts, du fait de l’instauration d’une procédure simplifiée. Mais chaque prestation est individualisée et la tarification dépendra aussi de la demande : si par exemple une application web est demandée, avec une carte qui représentera les données, un temps de développement est nécessaire.” PHE évoque un montant entre 40-50 000 € pour une étude à partir de l’échantillon général des bénéficiaires (EGB, une composante de la base Sniiram qui contient les données de l’Assurance maladie) et 100-150 000 € pour des études plus importantes et un appariement probabiliste. “Mais les complémentaires n’en sont pas encore au stade de l’appariement, l’accès aux données étant déjà très délicat, note Henri Leleu. Enfin, OpusLine donne plutôt, à titre indicatif, un budget de l’ordre de 100 000 à 200 000 € : “l’étude s’inscrit généralement dans le cadre d’un projet stratégique ou de transformation : d’autres missions de conseil sont ainsi tarifées, explique Bertrand de Neuville. Ce budget reste significatif pour une complémentaire car le retour sur investissement n’est pas immédiat”. À noter que tous les bureaux d’études indiquent qu’ils répercuteront sur leurs tarifs le futur accès payant au SNDS pour les structures privées. Selon Bertrand de Neuville (OpusLine), le décret “devrait sortir d’ici la fin d’année. C’est une bonne chose, qui valorisera l’important travail de l’Assurance maladie et du Health data hub. En revanche, lorsque les entreprises paieront, elles pourraient se montrer plus exigeantes sur le délai de mise à disposition des données : nous serons alors dans une relation contractuelle, qui est globalement saine”. Actuellement, entre la constitution d’un dossier et le feu vert de la Cnil, il peut s’écouler plusieurs mois. Pour les bureaux d’études eux-mêmes, les investissements se mesurent davantage en termes de ressources humaines, en compétences comme ils s’y engagent, qu’en développements technologiques. L’Assurance maladie a mis à disposition des porteurs de projets un portail web, accessible via un code d’accès attribué, qui permet d’extraire et d’analyser le jeu de données demandées sur SaaS. Mais encore faut-il être capable de s’assurer qu’un jeu de données est correct ou qu’il n’y a eu pas de problème de codage. Ulysse Rodts est un ancien statisticien de l’Assurance maladie et a occupé le poste de data scientist pour un cabinet de conseil en santé ; l’autre fondateur de Kanopymed, Grégoire Mercier, est chercheur et épidémiologiste. S’ils prévoient de recruter d’ici la fin de l’année, ils réalisent pour l’instant eux-mêmes les études, reprenant parfois une partie d’un code déjà utilisé. PHE fait de même : Henri Leleu met en avant les nécessaires “connaissance du circuit de remboursement en France et maîtrise des outils statistiques” face à une base de 450 To de données brutes, alimentées chaque année sur la base de plus d’un milliard de feuilles de soins et 11 millions de séjours hospitaliers. OpusLine a recruté une équipe d’experts ayant déjà une expérience importante de la base SNDS. “Travailler sur le SNDS ne s’improvise pas. Il faut une connaissance intime de toutes les tables pour effectuer des analyses correctes. Il faut aussi des professionnels capables de rédiger le protocole de demande d’accès”, explique Bertrand de Neuville. Pour autant, le cabinet met en place une “bulle sécurisée”, terme désignant une infrastructure en propre, qui héberge les données rapatriées et permettant d’appliquer des algorithmes d’intelligence artificielle. De la même façon, Kanopymed se renseigne pour en disposer d’une “d’ici fin 2020 idéalement. Ce développement a deux objectifs : pouvoir monter des études avec des outils plus puissants de statistiques comme Python et prévoir de l’apprentissage automatique, du deep learning et j’en passe, mais aussi effectuer de l’appariement direct de données”, envisage Ulysse Rodts. Une option dont Clinityx s’est déjà dotée : son infrastructure a été homologuée par la Cnil et lui permet de collecter les données, les apparier et les traiter. Une équipe de développeurs, data ingénieurs et de data scientists s’y emploie et les données sont hébergées par Claranet. Un développement permis par Clinigrid, société qui appartient à Clinityx et vend depuis plus de dix ans des solutions logicielles à l’industrie, aux sociétés savantes ou aux organismes de tutelle permettant de dématérialiser une étude clinique (outils de workflow, de collecte et de communication). Henri Leleu (PHE) craint pour sa part le “piratage des données, qui devient un risque de plus en plus important en santé. Cela représenterait aussi un coût important alors que le portail de l’Assurance maladie fonctionne bien. Surtout, ce n’est pas notre seule activité et assumer un tel coût ne serait pas pertinent”. Bien qu’ils puissent être audités, les bureaux d’études s’engagent sur du déclaratif et il n’est en soi pas compliqué d’être habilité. Mais tous connaissent les enjeux à moyen et long terme de montrer leur rôle et leurs compétences, pour eux comme pour les assureurs qu’ils représentent. Un assureur et deux plateformes de services aux assureurs en accès direct L’étude du tableau de suivi des dossiers déposés auprès de l’Institut national des données de santé pour accéder au Système national des données de santé (SNDS), disponible en ligne et régulièrement actualisé, permet de constater qu’un assureur est répertorié, ainsi que deux “plateformes santé”. Malakoff Médéric Humanis est l’assureur en question, à l’origine de deux études sur l’“évaluation de l’hétérogénéité de la qualité de la prise en charge hospitalière au niveau national” et “la mise à jour de ses services d’information de portant sur l’hôpital”. L’intérêt public de ces études a été validé et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a donné son feu vert en août 2019. Les “plateformes santé” sont Carte Blanche Partenaires et Itelis, filiale d’Axa. La première utilise la base PMSI pour l’édition de son guide GuidHospi, qui aide les assurés dans la recherche d’un établissement de santé, selon leur pathologie et leur tranche d’âge. La seconde porte également sur le PMSI, afin d’évaluer l’“accompagnement des assurés face à l’hospitalisation via l’outil Hospiway”, guide de l’hospitalisation en ligne. Interrogé sur le fait de se dispenser de bureau d’études, Laurent Borella, directeur santé de Malakoff Médéric Humanis, rappelle “la stratégie du groupe de valorisation des données dans l’intérêt de nos assurés. Nous avons pour ce faire choisi d’intégrer une équipe de data scientists plutôt que de faire appel à un prestataire extérieur. Cela s’inscrit dans notre stratégie de transformation qui se fait de l’intérieur. Rapprocher nos données de celles du SNDS (dans le cadre de son projet retenu par le Health data hub, ndlr) va permettre d’objectiver la prise en charge des dépenses de santé, d’optimiser la prévention et de contribuer à l’amélioration du financement de soins. C’est une mission d’intérêt général”. Cliquer sur le tableau pour le télécharger dans son intégralité. Assurancebase de donnéesbig dataCNAMCNILDonnées de santéHôpitalIndustrie Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind