Accueil > Parcours de soins > Chirurgie robot-assistée : le temps de l’accélération Chirurgie robot-assistée : le temps de l’accélération L’attrait pour la chirurgie robot-assistée ne se dément pas. Pour les établissements de santé, développer une stratégie robotique recoupe des enjeux d’attractivité mais aussi d’innovation. Après vingt ans sous le monopole des robots da Vinci, ce marché est en pleine mutation avec l’apparition de nouveaux acteurs et d’évolutions technologiques. Par Coralie Baumard. Publié le 10 janvier 2023 à 22h20 - Mis à jour le 09 janvier 2024 à 16h06 Ressources Acquérir sept nouveaux robots d’ici fin 2023, c’est l’ambition des Hospices Civils de Lyon (HCL). Grâce à un investissement de 10 millions d’euros sur deux ans, son parc va passer de sept robots en activité à douze. “Le principe conducteur de notre stratégie est de faire des Hospices Civils de Lyon un leader reconnu à l’échelle nationale et régionale dans le domaine de la robotique chirurgicale et interventionnelle”, explique Virginie Valentin, la directrice générale adjointe des Hospices Civils de Lyon. Le développement d’une stratégie de chirurgie robot-assistée est un enjeu fort pour les établissements de santé. Virginie Valentin, directrice générale adjointe des HCL. Crédit photo : Bernard Audry. “ Ces équipements vont nous permettre de développer de l’activité clinique, de l’activité de recherche, de l’activité d’innovation afin de faire évoluer la pratique robotique chirurgicale interventionnelle à l’échelle de notre centre hospitalier, mais aussi à l’échelle de la France, voire au-delà. Nous avons également un enjeu fort sur l’attractivité et la fidélisation des professionnels médicaux et des soignants en leur offrant des conditions d’exercice qui leur donnent envie d’intégrer ou de rester dans notre établissement ”, affirme Virginie Valentin. Les HCL ont ainsi choisi d’intégrer dans leur stratégie un projet de robot chirurgical ORL porté par deux de ses chirurgiens et de trouver un partenaire industriel pour transformer le prototype. “La chirurgie robot-assistée est maintenant un passage incontournable en matière d’enseignement et de formation pour les jeunes chirurgiens. Beaucoup de jeunes chirurgiens aujourd’hui réclament d’être formés sur les technologies robotiques. D’abord parce que la réalité c’est qu’il y en a partout et certaines disciplines l’utilisent beaucoup. Pour un chirurgien, sortir de sa formation sans avoir une expérience et être aguerri sur des robots peut vraiment être un handicap dans son exercice professionnel”, révèle Frédéric Rimattei, directeur général adjoint du CHU de Rennes. Jean-Claude Couffinhal (Académie Nationale de Chirurgie) : “En chirurgie robotique, il y a un déficit de formation gigantesque !” La hausse de la demande en chirurgie robotique est un phénomène mondial. Intuitive, l’acteur majeur du secteur, comptabilise plus de 6700 robots da Vinci installés dans le monde. En 2021, 1,5 millions de procédures ont été réalisées avec des robots da Vinci. “Ces chiffres augmentent de façon constante. Aujourd’hui, la France est l’un des pays européens les plus avancés dans le domaine et se classe au 4ème rang mondial après les États-Unis, l’Allemagne et le Japon, en termes de nombre de systèmes chirurgicaux installés. Le robot chirurgical da Vinci Xi d’Intuitive En 2022, plus de 200 systèmes da Vinci sont installés dans les hôpitaux français répartis à 50/50 entre les établissements publics et privés. Tous les CHU sont équipés d’un da Vinci, c’est un point important puisque ce sont eux qui assurent majoritairement la formation des futurs chirurgiens. Nous observons que de nombreux établissements déjà équipés d’un système robotique commencent à s’équiper d’un deuxième voire d’un troisième système de façon à répondre à la demande d’activité”, décrit Vincent Delaunay, directeur des affaires médico-économiques d’Intuitive France. La fin d’un monopole Les perspectives de croissance s’annoncent prometteuses pour les fabricants. Arnaud Delhaye,VP Global Sales Surgical Robotics de Medtronic. “Le marché de la chirurgie robot-assistée croît de plus de 20% par an. Le marché américain représente 55% des ventes mondiales, c’est le plus développé en termes de nombre de robots. La taux de pénétration de la robotique est de l’ordre de 15% aux USA alors qu’elle est de 4% au niveau mondial pour les opérations”, détaille Arnaud Delhaye,VP Global Sales Surgical Robotics de Medtronic. Disposant d’un marquage CE depuis 1999, Intuitive a été en situation de monopole jusqu’en octobre 2021. Désormais, sur le marché européen, la société doit composer avec Hugo, le robot de Medtronic qui a obtenu un marquage CE pour l’urologie, la gynécologie et la chirurgie générale. “Hugo est l’investissement de recherche et développement numéro un de Medtronic, 600 ingénieurs travaillent sur le robot.” Arnaud Delhaye,VP Global Sales Surgical Robotics de Medtronic Hugo, le robot chirurgical de Medtronic. “Hugo est l’investissement de recherche et développement numéro un de Medtronic, 600 ingénieurs travaillent sur le robot, évidemment, nous avons des ambitions. Aujourd’hui, tous les pays de l’Europe de l’Ouest sont équipés. Certains pays comme l’Italie et l’Espagne atteignent une dizaine de robots, les choses s’accélèrent sur des pays importants comme l’Allemagne. En France, nous sommes présents dans deux hôpitaux publics, le CHU de Rennes et les Hospices civils de Lyon ainsi que dans un établissement privé, le groupe Bordeaux Nord-Aquitaine. Il y a beaucoup d’attrait pour la technologie, premièrement parce qu’il s’agit du premier robot de Medtronic en chirurgie molle et deuxièmement car pendant presque vingt ans, il n’y avait qu’un seul fabricant sur le secteur“, estime Arnaud Delhaye. Medtronic n’est pas le seul fabricant à investir le marché français, depuis 2020, CMR Surgical cherche également à s’y faire une place. La société britannique annoncé la nomination, en mai 2022, d’une directrice générale pour la France et le Benelux pour accélérer le déploiement de sa solution robotique Versius, en soulignant “La France est le deuxième marché européen de la robotique chirurgicale (…), mais elle demeure particulièrement sous-équipée puisque seuls 6 % des hôpitaux publics de taille moyenne disposent d’un service de chirurgie robotique”. Les bénéfices de la chirurgie mini-invasive Vincent Delaunay, directeur des affaires médico-économiques d’Intuitive France. Vincent Delaunay confirme qu’il demeure un fort potentiel de développement : “En France en 2021, si on prend les chiffres du Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI) sur les chirurgies urologique, digestive, gynécologique, thoracique, il reste encore entre 25 et 30 % de chirurgie ouverte, soit quasiment 35 000 patients tous les ans qui sont opérés avec une voie ouverte. Notre objectif est de convertir ces patients d’une voie ouverte vers une voie mini-invasive avec l’apport de la chirurgie robot-assistée. Prenons l’exemple de la prostatectomie, en 2009, 60 % des procédures étaient réalisées en voie ouverte, à l’heure actuelle, nous sommes passés à 20 % de voie ouverte et 60% de chirurgie robotique. La chirurgie mini- invasive présente une récupération beaucoup plus rapide pour le patient, moins de risques de complications et une durée moyenne de séjour divisée par deux par rapport à une chirurgie ouverte.” “L’arrivée de nouvelles techniques, par exemple, le traitement des fibromes par ultrasons focalisés peuvent nous amener à questionner dans les mois ou les deux prochaines années le recours à la robotique” Hervé Fernandez, chef du service de gynécologie obstétrique du CHU Bicêtre. Si la chirurgie robot-assistée est devenue incontournable, certains professionnels appellent à bien penser son utilisation. “La difficulté que nous avons actuellement, par exemple à l’hôpital Bicêtre, c’est que nous avons accès à un seul robot pour l’ensemble des spécialités chirurgicales. Il faut donc bien réfléchir aux indications pour lesquelles il est important. En gynécologie, c’est incontournable pour les patientes obèses, les gros utérus, certains types de cancers de l’utérus où cela apporte un vrai plus. Dans d’autres cas, ce n’est pas forcément évident, d’autant que l’arrivée de nouvelles techniques, par exemple, le traitement des fibromes par ultrasons focalisés peuvent nous amener à questionner dans les mois ou les deux prochaines années le recours à la robotique ”, indique le professeur Hervé Fernandez, chef du service de gynécologie obstétrique du CHU Bicêtre. Un investissement de taille Le bénéfice patient est la principale raison qui a poussé le CHU de Rennes à enclencher en 2010 une stratégie de chirurgie robot-assistée. “Notre intérêt est d’abord d’améliorer le service au patient, c’est pour cela que l’on investit dans les robots. Ils ont vraiment fait la preuve de leur efficacité en matière de services rendus aux malades. Il faut être honnête, la rentabilité de l’activité robotique n’est pas le sujet numéro un. Cela coûte proportionnellement plus cher d’utiliser un robot que de faire de la chirurgie classique, or il n’y a pas de tarifs opposables fléchés “robotique” en France sur l’activité de chirurgie. Nous avons fait des études médico-économiques sur certains gestes mais nous ne les avons pas trouvées très robustes sur le plan scientifique et nous ne les avons pas publiés. Ce qui nous importe c’est le service rendu et nous sommes prêts à payer pour cela”, indique Frédéric Rimattei, son directeur général adjoint. “Pour l’ensemble des sept robots dont les acquisitions ont commencé en 2022 et se termineront au printemps 2023, en fonction du prévisionnel d’activité que l’on s’est fixé, l’impact en exploitation moyen annuel est chiffré à 3 millions d’euros” Virginie Valentin, directrice générale adjointe des HCL Le coût pour les établissements peut, en effet, s’avérer élevé. Intuitive commercialise son robot d’entrée de gamme, sans option, à moins d’un million d’euros, tandis que le prix public d’Hugo, le robot de Medtronic, est d’environ 1,5 million d’euros. Des sommes auxquelles il faut ajouter les frais de formation, de maintenance, d’utilisation des instruments généralement à usage unique, etc. “Pour l’ensemble des sept robots dont les acquisitions ont commencé en 2022 et se termineront au printemps 2023, en fonction du prévisionnel d’activité que l’on s’est fixé, l’impact en exploitation moyen annuel est chiffré à 3 millions d’euros. Cela comprend les consommables, les contrats de maintenance et un complément de ressources humaines que l’on a validé pour faciliter certaines implantations en fonction des organisations des blocs opératoires”, décrit Virginie Valentin, la directrice générale adjointe des HCL. La question d’un financement dédié Pour le professeur Hervé Fernandez, la fin du monopole d’Intuitive pourrait coïncider avec une baisse du coût de la chirurgie robot-assistée: “De plus, les nouvelles générations de robot semblent se diriger vers des instruments beaucoup moins chers, plus simples d’utilisation et ne nécessitant pas forcément des salles et un personnel dédiés afin de perdre le moins de temps possible. Si la courbe d’apprentissage est rapide, les opérations en chirurgie robot-assistée sont parfois plus longues qu’avec d’autres techniques. Nous avons besoin de place dans les blocs opératoires, des services actifs ont des temps d’attente de deux ou trois mois pour pouvoir opérer des patientes. Dans une évaluation médico-économique de la robotique, il faut en parallèle considérer la manière dont on va opérer les patientes en 2023. Si l’on arrive à développer la chirurgie hors bloc, cela va nous permettre de dégager des places dans les blocs opératoires, donc de nous donner du temps pour pouvoir opérer des patientes avec des robots.” “Nous espérons qu’à terme, le système de santé français permettra d’avoir un financement dédié à la chirurgie robot assistée. Dans la majorité des autres pays européens, ce type de financement existe et a déjà été mis en place. Donnons-nous les moyens de supporter les coûts” Vincent Delaunay, directeur des affaires médico-économiques d’Intuitive France. Les fabricants espèrent qu’à terme le système de santé français permettra d’obtenir un financement dédié à la chirurgie robot-assistée afin de pallier le frein financier des établissements de santé. “Dans la majorité des autres pays européens, ce type de financement existe et a déjà été mis en place. Donnons-nous les moyens de supporter les coûts”, argue Vincent Delaunay. La question est cependant loin d’être tranchée. “Il existe actuellement une réflexion sur la modification de la nomenclature des actes médicaux au sein du Haut Conseil des nomenclatures dont je fais partie. Nous faisons face à une vraie question à laquelle nous n’avons pas encore répondu : Va-t-on privilégier une nomenclature différente et un remboursement supplémentaire pour les actes faits aux robots ? Ce n’est pas certain car il existe un risque de dérive, celui de privilégier les opérations avec des robots, car cela rapporte plus. Ce n’est pas comme cela que l’on fait de la médecine, il ne faut pas que ce soit la manière dont on opère un individu qui amène une nomenclature”, juge le professeur Hervé Fernandez. Le Haut conseil des nomenclatures devrait communiquer ses travaux au premier semestre 2024. Moon Surgical, faciliter l’accès à la chirurgie robot-assistée Moon Surgical est l’un des acteurs qui conçoit la nouvelle génération de robots chirurgicaux. La société française, créée en 2019, a développé le robot Maestro, issu d’un transfert de technologie de l’Institut des systèmes intelligents et de robotique. Ce robot pour la chirurgie des tissus mous (principalement chirurgie abdominale, thoracique, urologique, gynécologique) équipe le chirurgien de deux bras supplémentaires au lit du patient. “Ce fonctionnement est très différent des robots chirurgicaux habituellement utilisés pour les tissus mous qui déportent le chirurgien derrière une console. Cela nous permet un usage beaucoup plus fluide, les besoins de formation et la durée de mise en place de notre système sont très réduits. Nous essayons de nous insérer, beaucoup plus que les autres robots, dans la façon de fonctionner des blocs. Au début du projet, notre thèse était qu’il était possible de développer un robot accessible ”, explique Anne Osdoit, CEO de Moon Surgical. Moon Surgical a fait le choix de développer un business model basé sur la location mensuelle. “Nous avons des frais d’installation et de mise en service sont minimaux et ensuite une location mensuelle dont le prix est indexé sur l’usage. La prix moyen de l’utilisation est de 10 000 euros par mois. Nous avons commencé la commercialisation aux États-Unis, l’appétit pour ce business model est fort car cela réduit les barrières à l’entrée ”, précise Anne Osdoit. Autre avantage que Moon Surgical met en avant, la substitution de son système à l’assistance chirurgicale. “Notre système dans un certain nombre d’interventions assez simples permet d’éviter d’immobiliser un assistant chirurgical. Or, il y a un énorme problème de staffing, il manque 30% du personnel de bloc en France, c’est la même chose aux États-Unis et cela s’est aggravé avec le Covid”, souligne Anne Osdoit. Moon Surgical a obtenu l’autorisation 510 (k) de la FDA en décembre 2022, elle attend le marquage CE après l’été 2023 et espère commencer à équiper des sites en Europe d’ici la fin 2023. Coralie Baumard chatbotchirurgieInnovationMarchéRobotique Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind