Accueil > Parcours de soins > Gestion de la data > Xavier Kurz (EMA) : “L’usage primaire de la plateforme Darwin est d’améliorer le travail et l’efficacité des agences réglementaires” Xavier Kurz (EMA) : “L’usage primaire de la plateforme Darwin est d’améliorer le travail et l’efficacité des agences réglementaires” La task force big data de l’Agence européenne du médicament (EMA) a publié fin janvier 2020 son rapport de la phase II avec dix recommandations. Xavier Kurz, membre de la taskforce et responsable du service surveillance et épidémiologie au sein du département pharmacovigilance et épidémiologie de l’EMA, détaille pour mind Health les enjeux et le déploiement de ces mesures, dont la création d’une plateforme de données. Par Aurélie Dureuil. Publié le 02 mars 2020 à 13h56 - Mis à jour le 02 mars 2020 à 13h56 Ressources Pouvez-vous présenter la task force big data mise en place par l’Agence européenne du médicament ? La task force a été créée en 2017. Elle est composée de membres d’agences au niveau européen, de la Commission européenne et de l’EMA. 44 personnes, issues de neuf états de l’UE, ont participé. Elle se concentre sur le big data, dont elle a donné la définition dans un rapport : un éventail de données de différentes natures enregistrées dans la pratique clinique et qui peuvent être complexes, multi-dimensionnelles, non structurées et hétérogènes. Elles permettent de caractériser les maladies, les traitements et, ce qui nous intéresse particulièrement, la performance des médicaments. Il s’agit de données de grand volume disponibles sous différents formats, et de qualité et d’utilisation variables. L’un des objectifs de la task force est de pouvoir exploiter ces données. Comment les travaux de la phase I ont-ils conduit aux recommandations publiées en janvier 2020 dans le rapport de la phase II ? La première phase a établi un état des lieux. Le rapport publié en janvier 2019 énonçait 47 recommandations déclinées en 128 actions. Il détaillait l’inventaire des sources de données pertinentes et des défis technologiques et méthodologiques liés à leur exploitation ainsi que les déficits ou manquement. Le rapport a été publié en janvier 2019 sur le site de l’EMA et auprès des chefs d’agences européennes pour une consultation qui a conduit à des commentaires. Les 38 commentaires émis ont été utilisés pour établir le plan de travail de la phase II. Débutée en mars-avril 2019, elle avait comme objectif de mettre en oeuvre les recommandations. Sept groupes de travail ont été constitués pour établir des méthodes de travail sur différents aspects des recommandations. Le rapport publié en janvier 2020 synthétise ces dix recommandations. La première concerne la mise en place d’une plateforme européenne de données nommée Darwin (data analysis and real world interrogation network). En quoi va-t-elle consister ? Cette recommandation vise à établir une plateforme donnant accès à des données de santé en Europe et qui soit soutenable sur un plan financier. Il existe dans beaucoup de pays des données enregistrées (génétiques, métaboliques…) mais qui sont dans des formats différents, avec des niveaux de qualité différents, dans des formats pas exploitables ou peu exploités… Nous voulons établir un système qui puisse de façon systématique identifier ces données, leur format, leur qualité et comment le système européen des agences réglementaires pourrait y avoir accès et les exploiter. Un certain nombre des autres recommandations y sont liées. Quels seront les usages de la plateforme ? L’usage primaire de cette plateforme Darwin, et notre objectif principal, est d’améliorer le travail et l’efficacité des agences réglementaires. C’est notre objectif à court terme. Mais nous collaborerons aussi avec des organisations académiques, des institutions universitaires… notamment au niveau du développement de médicaments et de l’évaluation. Les recommandations 2 et 6 concernent la qualité et les technologies. Quels sont les enjeux ? La 2e recommandation vise à établir un système pour soutenir la qualité. Si nous identifions des bases de données, nous devons trouver comment améliorer la qualité et la représentativité des patients pour donner une image correcte de la population. La 6e recommandation concerne la capacité à analyser des bases de données, tant au niveau de l’expertise que des capacités informatiques. L’une priorité de la première année du projet porte sur l’analyse des bases de données existantes. Il existe des programmes disponibles pour l’exploitation de très larges bases de données. Cela nécessite de faire appel à des solutions pour exploiter le cloud. Nous avons donc besoin d’expertises technique et technologique. La 8e recommandation mentionne un cadre de gouvernance sécurisé et éthique. Comment cela se traduit-il ? Nous voulons un système qui assure la protection des données mais également le niveau d’éthique. Nous devons agir dans le cadre de la législation. Cette recommandation est liée à ce que nous voulons exploiter et l’usage de données de patients. Nous devons savoir si ces dernières sont anonymes. Si nous avons la certitude qu’elles le sont, cela ne pose pas de problème. Mais le problème est de savoir si elles sont totalement anonymisées et d’être sûrs qu’elles ne puissent pas être réidentifiées. Nous devons être extrêmement prudents sur l’usage des données anonymisées, notamment dans les maladies rares. Le consentement éclairé du patient est idéal mais pas toujours possible. Nous devons voir s’il existe un cadre législatif permettant d’utiliser des données dans un objectif de santé publique pour les patients… Nous examinons dans les législations disponibles, celles avec un cadre permettant d’utiliser des données. Si ce n’est pas le cas, il faudrait demander le consentement des patients ou établir un nouveau cadre législatif. Deux recommandations portent sur le travail avec l’international et l’écosystème. Quelles vont être vos actions ? Dans le cadre de la 9e recommandation, nous allons nous engager dans des initiatives qui ont lieu à l’international, notamment par des collaborations avec la FDA et l’agence japonaise, qui ont beaucoup investi pour l’exploitation des ressources big data. Nous voulons profiter de leurs expériences et travaux notamment en matière de standardisation des données. La 10e recommandation est importante aussi. Elle concerne la nécessité d’établir une communication réciproque avec toutes les parties prenantes. Nous voulons créer un forum de discussions qui implique des associations de patients, des médecins, des spécialistes, l’industrie pharmaceutique mais également les autorités réglementaires qui allouent les ressources pour le remboursement des médicaments. Quels sont les enjeux liés aux recrutements et à la formation ? La 4e recommandation porte sur ce thème. Il s’agit de savoir quelles compétences seraient disponibles pour exploiter les données et quelles sont celles qu’il faudrait développer, notamment en statistiques, épidémiologie, gestion des données, connaissances des process des maladies… Dans ce cadre, nous recommandons de développer un programme de formation au niveau des agences réglementaires, le recrutement de personnes spécialisées et l’établissement de collaborations avec des universitaires. Les recrutements ne doivent pas concerner uniquement l’agence européenne mais aussi le réseau d’agences. Nous en prévoyons 24 par an les deux premières années et 19 la troisième. Quel est le calendrier ? Ce rapport de la phase II a été approuvé officiellement par le chef de l’agence fin novembre 2019 ainsi qu’au niveau du board. Il doit être mis en œuvre de façon plus formelle par les différentes agences et notamment l’EMA. Nous sommes dans le contexte qui vise à déterminer la planification des activités des différentes agences. Un comité de pilotage a été créé pour prioriser les recommandations et les planifier. La stratégie du système des agences en 2025 doit être approuvée cet automne. Ces dix recommandations figureront comme une activité à effectuer dans le réseau jusqu’en 2025. C’est un processus à long terme. Il faudra du temps et de l’argent. Et quel est le budget prévu ? Une distinction est faite entre le budget technologique et les coûts de formation. Le premier concerne les ressources au niveau IT, capacités d’analyse, matériels comme les ordinateurs… Le budget peut encore être modifié, étudié de façon plus fine par le comité de pilotage et finalisé. (Dans son rapport, la task force estime les coûts sur 3 ans pour l’IT à 4,76 M€ et 4,55 M€ pour le reste, ndlr) Xavier Kurz 2005 : Intègre l’Agence européenne du médicament où il dirige actuellement le service Surveillance et épidémiologie 1997 : PhD en épidémiologie et biostatistiques à l’université McGill de Montréal (Canada) 1982 : Diplômé de médecine à l’université de Liège (Belgique) Aurélie Dureuil big dataEtudePolitique de santéRèglementaireStratégie Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind