Accueil > Financement et politiques publiques > Pénurie de médicaments : le Sénat appelle de ses vœux un virage politique Pénurie de médicaments : le Sénat appelle de ses vœux un virage politique Une commission d'enquête sénatoriale s’est penchée sur la complexe question de la pénurie de médicaments. Dans son bilan, présenté le 6 juillet à la presse, elle dresse une liste de 36 recommandations. L'objectif est désormais de convaincre le gouvernement d'appliquer certaines de ces recommandations pour alléger les tensions sur la chaîne d’approvisionnement. Par Clarisse Treilles. Publié le 06 juillet 2023 à 16h22 - Mis à jour le 18 septembre 2023 à 9h52 Ressources Une commission d’enquête sénatoriale a investigué pendant 5 mois sur la pénurie de médicaments en France. Ce sujet de fonds est dans le radar des autorités sanitaires et le gouvernement a d’ailleurs publié en juin dernier une liste très attendue de 454 médicaments essentiels. Toutefois, la commission d’enquête met en lumière les failles d’un système de santé et des stratégies parfois opaques de l’industrie pharmaceutique. À l’hiver 2022-2023, l’augmentation exponentielle des signalements de rupture (environ 3 700 déclarations ou risques de ruptures ont été comptabilisés rien que l’an passé) a motivé la commission sénatoriale à rédiger 36 recommandations à destination du gouvernement et des acteurs de la chaîne du médicament. Entraînée par sa présidente, la Sénatrice Sonia de La Provôté, ainsi que sa rapporteure Laurence Cohen, la commission d’enquête sénatoriale appelle au décloisonnement des politiques du médicament, des politiques qu’elle juge “trop souvent menées en silos”. “Avec un secteur productif affaibli, la France n’est plus une puissance pharmaceutique. La capacité du pays à négocier ses prix et sécuriser son approvisionnement s’étiole”, a déclaré ce jeudi Sonia de La Provôté. Elle met en garde contre la stratégie de “lente éviction des médicaments matures”, souvent plus touchés par les pénuries que les produits innovants, voyant “leur rentabilité diminuer au fil des ans”. Les préconisations englobent toutes les étapes de la chaîne, voici les pistes évoquées dans le rapport : l’établissement d’un nouveau secrétariat général au médicament, placé sous l’autorité de la Première ministre et chargé du pilotage de la production d’une liste restreinte de médicaments critiques lors des situations d’urgence. “Il nous a semblé qu’il n’y avait pas de pilote dans l’avion” affirme la rapporteure, Laurence Cohen, qui ajoute que le dossier appelle “avant tout une réponse politique”. Rappelons que le Leem (Les entreprises du médicament) a lui aussi communiqué ses propositions concernant les ruptures d’approvisionnement. Le Leem a notamment estimé que les circuits d’information n’étaient pas suffisamment optimisés. Le président du Leem, Thierry Hulot, appelle aussi de ses vœux un pilotage fort, qui mette autour de la table toutes les parties prenantes ; le renforcement des moyens alloués à l’ANSM pour effectuer des contrôles plus réguliers et mieux capter les signaux faibles de pénurie par le recueil et l’analyse de données de ventes et de données épidémiologiques territorialisées. La commission d’enquête estime que l’ANSM ne dispose pas de “moyens suffisants” pour mener à bien des contrôles réguliers, et que les sanctions infligées aux laboratoires sont aussi “peu dissuasives” ; instaurer une obligation d’inscription au dispositif DP-Ruptures pour l’ensemble des acteurs de la chaîne du médicament. Cet outil, développé par l’Ordre des Pharmaciens, permettrait d’améliorer la gestion des ruptures d’approvisionnement des médicaments. Le rapport note que le déploiement de la première vague du Ségur du numérique au printemps dernier a permis de franchir le seuil des 95% d’officines raccordées à l’outil. À ce titre, le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens a travaillé avec le ministère de la Santé à l’inscription d’exigences de compatibilité avec le DP-Ruptures dans les spécifications de référencement des logiciels de gestion d’officine (LGO) ; systématiser le déclenchement d’alertes à destination des médecins dans leurs logiciels d’aide à la prescription. À l’occasion de son audition devant le Sénat, le Conseil national de l’Ordre des médecins a répondu qu’à sa connaissance “aucun logiciel d’aide à la prescription n’était armé d’une telle fonctionnalité d’alerte en temps réel relative à la disponibilité des médicaments” ; accroître la transparence au niveau des prix et la révision de la composition du Comité économique des produits de santé (CEPS), chargé de fixer les prix des produits de santé. La commission d’enquête préconise d’y faire rentrer des représentants en lien avec la santé publique. “conditionner les aides au service rendu”, selon les mots de la rapporteure de la Commission. Le secteur pharmaceutique bénéficie du crédit d’impôt recherche (CIR), mais le rapport souligne que “l’effort colossal que représente le CIR pour les finances publiques n’a pas empêché les délocalisations, et n’a pas non plus réussi à ancrer la production en France de médicaments innovants développés grâce au crédit d’impôt” ; Enfin, la commission sénatoriale estime que “la réponse européenne est nécessaire”, les marchés du médicament étant “interconnectés” les uns aux autres. Dans le même temps, rappelons que la législation pharmaceutique européenne est en train d’être révisée. La Commission européenne a proposé le 26 avril 2023 une réforme de la législation sur les produits pharmaceutiques, visant à améliorer l’accès aux médicaments sur un marché fragmenté. Clarisse Treilles MédicamentPolitique de santé Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire L’Observatoire de l’accès aux médicaments du Leem livre un premier bilan Relocalisations des médicaments essentiels : le gouvernement apporte des précisions analyses L’impact environnemental du médicament, un défi collectif Ruptures d’approvisionnement : le Leem fait de nouvelles propositions